La Suisse, «victime collatérale» des sanctions contre l’Europe, alerte Rahul Sahgal, de la Swiss-American Chamber of Commerce.
- Nouvelle figure des relations avec les États-Unis, le directeur de l’«AmCham» Raul Sahgal, inaugure une présence à Genève.
- «Le risque est que la Suisse soit indirectement touchée par les mesures prises contre l’Union européenne», prévient ce dernier.
- Message à Trump: la Suisse taxe en moyenne à 1,7% les produits américains – alors que les siens sont visés par des droits de douane de 2,2%.
Cela fait partie de toutes ces choses difficilement imaginables en octobre dernier encore.
Les propos du responsable d’une association patronale helvético-américaine sont désormais veillés tels ceux d’un oracle. Alors que jamais aucune présidence américaine n’aura autant appuyé ses relations avec le reste du monde sur le commerce, la «négo», le chantage aux taxes douanières.
C’est en expert de cette diplomatie du «business» qu’a été accueilli mercredi le nouveau directeur de la Swiss-American Chamber of Commerce, Raul Sahgal, à l’occasion de l’ouverture de son bureau de représentation romand au sein de la Maison de l’économie à Genève.

Comme l’Europe, la Suisse est-elle déjà dans le collimateur de la stratégie commerciale de l’America First?
Tout n’est pas acté. Même si je constate que les médias ont tendance à prendre Monsieur Trump un peu trop au mot près, mais pas très au sérieux – à la différence de ses électeurs, qui prennent son programme très au sérieux mais ne s’attardent pas sur chacun de ses mots. Je ne dis pas que les taxes douanières à l’encontre de l’Union européenne ne se concrétiseront pas – je pense même que nous allons revenir à la guérilla commerciale, secteur par secteur, connue en 2018.
Reste que, pour l’instant, tout n’est pas décidé.
La soixantaine d’executive orders (ndlr: décrets) signés le 20 janvier par Donald Trump, lors de son arrivée au pouvoir, ordonnent surtout aux agences gouvernementales américaines d’enquêter. Afin de rendre un rapport sur chaque secteur, d’ici au 1er avril. Le risque reste que la Suisse soit une nouvelle fois indirectement touchée, victime collatérale de mesures prises contre l’Union européenne. Il lui reste soixante jours pour aller à Washington faire comprendre ses spécificités.
Berne pourrait donc espérer un traitement différent du reste de l’Europe?
Oui. Si l’on regarde les chiffres, ses échanges avec les États-Unis sont moins excédentaires – et même à l’équilibre si vous intégrez les services. Sans compter que la moyenne pondérée des droits de douane sur les produits américains qui arrivent ici est actuellement de 1,7%. Alors qu’aux États-Unis, les taxes douanières auxquels font face les produits suisses atteignent, en moyenne, 2,2%.
Et puis, ramené à chaque habitant, le montant des produits américains importé ici est onze fois plus important que celui des produits helvétiques achetés par les Américains.
Des chiffres qui pourront amadouer Donald Trump. Mais l’époque semble mal choisie pour poursuivre un accord de libre-échange avec les États-Unis, pourtant appelé de ses vœux par le ministre de l’Économie?
Si le but ultime reste un accord de libre-échange, un accord commercial pourrait auparavant être limité à un ensemble de secteur.
Sans prendre l’ampleur d’un tel traité de libre-échange, qui impliquerait énormément de choses – à commencer par le respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce, dénoncées par l’administration Trump. Et puis, souvenez-vous, par deux fois la tentative de mettre sur pied un accord de libre-échange s’est heurtée à la question des produits agricoles. Lors du premier mandat de Trump, tout s’était arrêté aux discussions exploratoires. Les négociations n’ont été ouvertes qu’une seule fois, en 2006.
Et le Conseil fédéral avait alors quitté la table, sous la pression de ses agriculteurs.
L’autre crainte reste celles de représailles après la mise en place par la Suisse, depuis le 1er janvier, de la taxation minimale de 15% des multinationales – une règle internationale de l’OCDE refusée par le président Trump…
Sauf que la Suisse n’applique pas la partie la plus contraignante de cet accord, dite UTPR (ndlr: taxe additionnelle visant les bénéfices sous-imposés de filiales de multinationales hors de Suisse).
Alors que l’Union européenne lui a déjà donné force de loi. Encore une fois, à Berne de faire entendre sa différence. Notamment en saisissant l’atout que pourrait représenter l’arrivée, comme ambassadrice, de Callista Gingrich – si elle est confirmée par le Sénat. Compagne de Newt Gringrich, figure de l’aile droite du Parti républicain, on la dit bénéficier d’une ligne directe avec Donald Trump.
24heures