Selon le patron de l’Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim), « plus de 4 000 passeurs ont été interpellés » en France en 2024. Mais malgré la surveillance accrue des autorités dans le nord de la France et le travail de l’Oltim, « plus de 600 traversées réussies » de la Manche en ‘small-boats’ vers l’Angleterre ont été répertoriées l’an dernier, « permettant à plus de 36 000 migrants de rejoindre les côtes britanniques ».
Dans une longue interview au Figaro publiée sur leur site jeudi 6 février, le patron de l’Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim), Xavier Delrieu, esquisse le bilan de l’activité de son organisme pour l’année 2024. Le premier enseignement porte sur l’arrestation des trafiquants avec un chiffre important : l’an dernier, « plus de 4 000 passeurs ont été interpellés » en France, dont 500 en Outre-mer.
Quels sont les profils de ces personnes ?
Il peut s’agir de gens « contrôlés à la frontière de Vintimille [ville frontalière italienne, ndlr] avec des illégaux dans leur véhicule, contre 100 à 200 euros par personne convoyée », explique Xavier Delrieu. Ces personnes agissent de manière autonome et n’appartiennent pas à une organisation mafieuse.
Mais la majorité des personnes interpellées font partie d’un réseau structuré. Ainsi, en 2024, l’Oltim, qui compte 157 enquêteurs spécialisés épaulés par 450 policiers sur tout le territoire, a démantelé « 269 filières » criminelles, « découpées en 66 filières d’entrée sur le territoire national, 132 filières d’aide au maintien sur le territoire, le reste se répartissant entre les filières d’aide au transit et celles de traite des êtres humains ».
Les filières sont particulièrement actives dans les secteurs du BTP (60 % des cas), de l’agriculture et de l’hôtellerie-café-restauration, selon Xavier Delrieu.
« 22 filières de ‘small boats' » démantelées
Concernant les traversées vers l’Angleterre, depuis Calais ou Dunkerque, « 22 filières de ‘small boats' » ont été démantelées en 2024, débouchant sur 180 gardes à vue, dont 157 se sont soldées par des déferrements devant un magistrat, indique encore au Figaro le chef de l’Oltim.
« Nous sommes face à des réseaux irako-kurdes, au sein desquels nous retrouvons aussi désormais des passeurs afghans », précise Xavier Delrieu, tout en détaillant leur mode opératoire : « Le matériel pour fabriquer les bateaux est acheté en Chine, puis acheminé vers la Turquie, où se trouvent des ateliers de montages. Les embarcations, parfois fabriquées à la hâte et équipées de moteur, partent ensuite en Allemagne, où elles sont stockées. Depuis la France, les trafiquants envoient des ‘petites mains’, parfois des Français sans ressources, pour chercher les kits au coup par coup, en fonction des besoins et des conditions météo »,
Malgré la surveillance accrue des autorités dans le nord de la France et le travail acharné de l’Oltim, « plus de 600 traversées réussies » de la Manche en ‘small-boats’ – nom donné à des canots pneumatiques de fortune – vers l’Angleterre ont été répertoriées l’an dernier, « permettant à plus de 36 000 migrants de rejoindre les côtes britanniques », soit une hausse de 24% sur un an, ajoute le responsable.
Entre 1 500 euros et 3 000 euros la traversée de la Manche
Ces traversées ont un coût : « Environ 1 500 euros en moyenne pour les Irakiens ou les Afghans et plutôt 3 000 euros pour les Vietnamiens, qui ont plus d’argent ». Des sommes considérables qui expliquent que certaines personnes, majoritairement soudanaises, abandonnent l’idée de traverser la Manche et tentent de rejoindre l’Angleterre en se cachant derrière les camions de marchandises.
Une pratique dangereuse : nombre de personnes sont mortes écrasées par un poids-lourd ces dernières années.
Il y a encore quelques jours, dans la nuit de lundi 3 à mardi 4 janvier, un Érythréen qui voulait atteindre l’Angleterre est décédé après avoir été percuté par un poids-lourd sur l’autoroute A16.
Les traversées de la Manche ne sont pas moins risquées. Cette méthode a donné lieu à un « bilan terrible » sur le « plan humain » avec « 78 morts, soit par noyades liées notamment à la qualité artisanale des bateaux, qui se dégonflent en mer, soit par étouffement, lors de mouvements de panique provoqués par des tentatives de monter de force dans des embarcations qui prennent la mer », affirme Xavier Delrieu.
Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau est attendu vendredi dans les locaux de l’Oltim, en Seine-et-Marne, pour annoncer, selon le Figaro, des mesures pour lutter plus efficacement contre les filières d’immigration irrégulière, sur le plan du renseignement et de l’équipement notamment.
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