Cette mesure ne fait pas partie des «dispositions ayant leur place en loi spéciale», estime la plus haute juridiction administrative dans un avis, car elle excède «l’autorisation de continuer à percevoir ces impôts».
Sur le périmètre de la future «loi de finances spéciale», rendue nécessaire par la censure de l’exécutif et l’absence de budget 2025, le Conseil d’État se range du côté du gouvernement. Dans un avis rendu public ce mardi, la plus haute juridiction administrative, saisie par l’exécutif, estime que l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu (IR) ne fait pas partie des «dispositions ayant leur place en loi spéciale dès lors qu’elles constituent des modifications affectant les règles de détermination des impôts existants et excèdent ainsi l’autorisation de continuer à percevoir ces impôts».
Autrement dit, elle s’oppose à ce qu’une indexation du barème soit incluse dans la loi spéciale, qui sera présentée mercredi en Conseil des ministres puis débattue le 16 décembre à l’Assemblée et le 18 décembre au Sénat. Ouvrant ainsi la porte à une hausse d’impôt sur le revenu pour 17,6 millions de ménages, et à l’imposition nouvelle de 380.000 ménages.
Pour le Conseil d’État en effet, la loi spéciale – prévue par l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) – ne peut avoir pour finalité que de «permettre qu’interviennent, en temps utile, c’est-à-dire avant le début de l’exercice budgétaire à venir, les seules mesures d’ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale, dans l’attente de l’adoption de la loi de finances initiale de l’année».
Par conséquent, l’institution «considère que les mesures nouvelles d’ordre fiscal, qui ne sauraient, en tout état de cause, être regardées comme des mesures nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale, ne relèvent pas du domaine de la loi spéciale». Sur l’indexation de l’IR, les juristes notent par ailleurs qu’elle «n’est au demeurant pas systématiquement opérée et a déjà fait l’objet de modulations par le passé».
Autorisation du recours à l’emprunt
Toutefois, cet avis est non contraignant et n’empêche pas les oppositions de déposer des amendements à la loi spéciale lors de son futur examen au Parlement. Le président LFI de la commission des Finances Éric Coquerel prévoit par exemple de déposer un amendement d’indexation, et espère le rendre recevable grâce à une pirouette juridique, rapportent nos confrères des Échos. La loi spéciale présentée par le gouvernement devrait au final comprendre trois articles.
L’un autorisant l’État à continuer de percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année.
Un deuxième autorisant l’Agence France Trésor à lever de la dette pour financer l’État, tandis qu’un troisième prévoira d’habiliter l’Acoss, qui gère la trésorerie de la Sécurité sociale, à emprunter également. Tout cela est conforme à la Constitution, d’après l’avis du Conseil d’État.
Il considère en effet «qu’il appartient au Gouvernement, pour se conformer aux obligations que lui impose l’article 47 de la Constitution, d’inscrire dans le projet de loi spéciale des dispositions autorisant l’État à recourir à l’emprunt, d’une part, pour financer l’écart entre les dépenses se rapportant aux services votés et le produit des impôts existants et, d’autre part, pour refinancer les emprunts venus à échéance».
Même avis positif sur l’autorisation de l’Acoss d’emprunter sur les marchés financiers.
Les Sages du Palais-Royal estiment qu’une telle mesure est conforme à la finalité de la loi spéciale, «qui est de permettre de garantir la continuité de la vie nationale». Sans cela, «les organismes concernés ne seraient plus en mesure d’assurer la continuité des paiements et remboursements des prestations sociales ». Et une «interruption serait de nature à porter atteinte aux principes constitutionnels de protection de la santé et d’accès à des moyens convenables d’existence», juge le Conseil d’État.
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