En quelques heures mercredi soir, les révélations sur les tensions entre présidents au sujet des droits TV et le rôle de Nasser Al-Khelaifi puis la raclée infligée par le PSG à Brest ont offert une illustration de l’ornière dans laquelle se trouve le football français. Celle d’un écosystème dominé et dirigé par un club surpuissant et son patron aux multiples casquettes.
« Je tiens à rendre un hommage particulier à Brest, qui a fait honneur à la France et au football français dans cette campagne de Ligue des champions. Le président Le Saint, Yann (Kerdraon), Pascal (Robert), Grégory (Lorenzi) et toute l’équipe de Brest construisent quelque chose pour le long terme et nous ont toujours très bien traités. Ce fut un honneur pour le PSG d’affronter sur le terrain ces deux dernières semaines un club dont le football français peut être fier. »
La déclaration de Nasser Al-Khelaifi à l’issue de PSG-Brest mercredi soir pourrait sembler de bonne foi, si les masques n’étaient pas tombés quelques heures plus tôt.
En effet, L’Équipe et France 2 dévoilaient ce mercredi les coulisses d’une réunion entre présidents de clubs de Ligue 1 tenue le 14 juillet dernier au sujet des droits TV, lors de laquelle la mainmise du Qatari sur la gouvernance du football français apparaît plus claire que jamais.
Entre superpuissance sportive, économique et gouvernance, cette séquence raconte bien ce qu’est devenu le football français : un écosystème en crise, dirigé selon son bon vouloir par un club et sa direction.
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Nasser al-Khelaïfi (PSG) à John Textor (OL) : "Tu es un cowboy qui vient de nulle part et tu viens nous parler ?"
Les images de la réunion explosive entre les présidents du foot français pour les droits TV de la Ligue 1 💥 #JT20h pic.twitter.com/wACM1qO1fe
— Le20h-France Télévisions (@le20hfrancetele) February 19, 2025
Tout le monde se couche, ou presque
Si les tensions concernant l’attribution des droits TV l’été dernier ne sont un secret pour personne, difficile d’imaginer le pugilat qu’est devenue la réunion décisive, à moins d’un mois de la reprise. Dans le coin gauche, le « cowboy » John Textor et le Lensois Joseph Oughourlian, opposés à la solution du moindre mal incarnée par le duo DAZN-Bein Sports. Dans le coin droit, Nasser Al-Khelaifi, extrêmement offensif pour imposer le retour dans le game de la chaîne qatarie, qui plus est présenté en bon samaritain dès les premières minutes de la discussion par Vincent Labrune, cantonné au rôle du laquais.
Et au milieu, une majorité silencieuse qui ne dit rien ou presque, dans laquelle s’inscrit notamment Denis Le Saint, président brestois gratifié des honneurs du big boss ce mercredi soir.
Un silence justifié par une peur des représailles ? L’attitude et les déclarations de Nasser Al-Khelaifi à l’encontre des deux brebis galeuses, accusées de ne rien comprendre à la question, peuvent le laisser présager. « Tu es bon dans ton business, mais tu ne comprends rien aux médias », se permet d’envoyer NAK à l’adresse d’Oughourlian, sans oublier d’en garder sous le coude pour Textor, traité de « cowboy » venu de « je ne sais où ».
Qualifié en retour de « tyran » qui « intimide tout le monde », le président parisien ne s’en laisse pas compter, allant jusqu’à menacer de quitter l’appel (et de retirer l’offre de 100 millions d’euros de Bein ?) afin de s’assurer de plier tout le monde à sa volonté. Dans ce contexte exécrable, les droits seront donc confiés à la plateforme britannique, associée à Bein, par 16 voix contre 2.
Jusqu’à quand la passivité ?
Sept mois plus tard, la crise dans laquelle est enfoncée le football hexagonal depuis de longues années n’a fait que s’aggraver, constamment ravivée par l’erreur de casting DAZN. Au passage, Vincent Labrune a été largement réélu à la tête de la LFP par des présidents bien conciliants, et le Qatar, bien que moins enclin à faire tourner la planche à billets à tour de bras, a maintenu son emprise. Bien caché derrière son rôle autoproclamé de locomotive, le PSG ne saurait se plaindre d’une situation qui le voit marcher une nouvelle fois sur une Ligue 1 dépourvue d’intérêt (du moins pour ce qui est de la course au titre) et attirer encore et toujours toute la lumière à lui.
Y compris en Ligue des champions donc, où la magnifique épopée brestoise aura été torpillée par la dure réalité nationale.
Attention toutefois à ne pas devenir l’arme de destruction d’un écosystème de plus en plus fragile, bien aidé par la passivité générale. Les fuites des échanges de juillet dernier, dans un contexte où l’entente cordiale avec DAZN vole en éclats, laissent toutefois imaginer que le temps de la torpeur puisse toucher à sa fin. En attendant, sur le terrain, la bande de Luis Enrique peut continuer de jouer au roi du bac à sable, tant que ce dernier ne dépasse pas les frontières hexagonales. Nouvel acte dimanche chez le cowboy du Missouri ?
sofoot