Autriche : l’attaque mortelle au couteau relance le débat sur l’immigration

L’attaque au couteau en Autriche qui a causé la mort d’un adolescent de 14 ans, le 15 février, relance le débat sur l’immigration dans le pays. Le suspect est un demandeur d’asile syrien de 23 ans. Ce drame pourrait renforcer le parti d’extrême droite autrichien, arrivée en tête des dernières élections législatives de septembre. Mais le mouvement n’est pas parvenu à former une coalition avec la droite conservatrice.

La police autrichienne a arrêté un demandeur d’asile syrien de 23 ans après l’attaque à l’arme blanche perpétrée samedi 15 février dans la ville de Villach, dans le sud du pays. Un adolescent de 14 ans a été tué et cinq autres personnes ont été blessées. Le suspect aurait pu faire davantage de victimes si un autre Syrien ne l’avait pas stoppé en approchant avec sa voiture, d’après la police.

Selon le ministre autrichien de l’Intérieur, Gerhard Karner, il s’agit d’une « attaque islamiste en lien avec l’État islamique (EI) par un assaillant qui s’est radicalisé en ligne en très peu de temps ». La police a notamment trouvé des drapeaux de l’EI accrochés au mur dans son appartement.

Ce drame a aussitôt relancé la question de l’immigration et du droit d’asile en Autriche. Le ministre de l’Intérieur a rapidement annoncé des « contrôles aléatoires massifs” de demandeurs d’asile syriens ou afghans, justifiant la démarche par le profil du suspect, qui ne s’était pas fait remarquer avant de passer à l’acte.

« Action rigoureuse » dans le domaine de l’asile
Le parti d’extrême-droite FPÖ a aussitôt instrumentalisé l’attaque en appelant à des politiques migratoires plus strictes, à une augmentation des expulsions et à un contrôle renforcé des frontières. Herbert Kickl, le leader du FPÖ, a appelé à une « action rigoureuse dans le domaine de l’asile ». Selon lui, malgré une série de réformes, aucun parti politique du pays n’a réussi à mettre en œuvre des restrictions en matière d’asile qui empêcheraient ou réduiraient la probabilité de futures attaques.

Herbert Kickl, qui emprunte régulièrement des références au nazisme et rêve publiquement de se faire appeler « Volkskanzler » (le chancelier du peuple comme Adolf Hitler), a dit sur X être « en colère contre ces politiciens qui ont permis que les agressions à l’arme blanche, les viols, les guerres de gangs et autres crimes capitaux soient à l’ordre du jour en Autriche. Il s’agit d’un échec de premier plan d’un système dans lequel un jeune homme de Villach a dû payer de sa vie ».

L’extrême-droite a remporté les dernières élections législatives de septembre, mais n’a pas réussi à former une coalition. Par deux fois, les discussions avec les conservateurs du ÖVP ont échoué sur l’attribution du portefeuille du ministère de l’Intérieur, qui est en charge des questions d’asile et d’immigration.

Le FPÖ pourrait profiter de cette séquence pour réclamer une nouvelle fois le contrôle de ce ministère clé. Et alors que la crise constitutionnelle s’aggrave, la perspective de nouvelles élections pourrait renforcer davantage le FPÖ et sa rhétorique anti-migrants.

La « tolérance zéro » dans tous les camps
Le leader des conservateurs, Christian Stocker, a fait des commentaires assez similaires sur X, soulignant que les Autrichiens « veulent vivre dans un pays sûr » et que le meurtrier de Villach « doit être traduit en justice et puni avec toute la force de la loi ».

Le chef du Parti de la liberté d'Autriche, Herbert Kickl, veut obtenir le ministère de l'Intérieur pour le FPÖ. Crédit : Reuters

Le gouverneur social-démocrate de la province de Carinthie, Peter Kaiser, estime de son côté que « quiconque enfreint [nos] règles doit faire face aux conséquences les plus sévères.

Ils doivent être jugés, emprisonnés et expulsés ». « J’ai toujours dit très clairement et sans ambiguïté : quiconque vit en Carinthie, en Autriche, doit respecter la loi et doit s’adapter à nos règles et à nos valeurs », a-t-il ajouté.

Le gouverneur a toutefois tenu à remercier le Syrien de 42 ans qui, témoin de l’attaque depuis sa voiture, s’est approché du suspect et l’a ainsi empêché d’aller encore plus loin. « Cela montre à quel point le mal terroriste, tout comme le bien humain, peuvent être unis dans une seule et même nationalité », a fait remarquer Peter Kaiser.

Dans une publication sur Facebook, la Communauté syrienne libre d’Autriche a fait part de son malaise et a tenu à exprimer ses condoléances aux familles des victimes.

« Nous avons tous dû fuir la Syrie, notre pays d’origine, parce que nous n’y étions plus en sécurité. Nous sommes reconnaissants d’avoir trouvé l’asile et la protection en Autriche », écrit l’association.

Plans pour renvoyer les Syriens après la chute du régime d’Assad
L’Autriche accueille près de 100 000 réfugiés syriens sur son sol. Depuis la chute du régime du dictateur Bachar al-Assad en décembre 2024, les appels se multiplient, comme dans d’autres pays européens, pour revoir la politique d’asile et de protection des ressortissants syriens.

Comme en France ou en Allemagne, le gouvernement autrichien a suspendu le traitement des demandes d’asile de Syriens en court afin de réévaluer la situation dans ce pays.

Vienne a également mis fin au regroupement familial.

Environ 280 000 réfugiés syriens sont rentrés chez eux depuis la chute du régime. La majorité d'entre eux sont revenus de pays voisins de la Syrie. Crédit : HCR

Le ministère de l’Intérieur assure préparer « un programme ordonné de rapatriement et d’expulsion vers la Syrie », mais peu d’informations ont filtré sur les détails et l’application de ce programme.

Ces dernières semaines, diverses organisations de défense des droits humains, dont le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR), ont critiqué les projets d’expulsion des Syriens, soulignant qu’il était trop tôt pour savoir si la situation sur le terrain peut être considérée comme durablement sûre.

La question migratoire au centre des débats en Allemagne
Chez le voisin allemand aussi, la question migratoire est au centre des débats. Alors que les élections législatives ont lieu ce dimanche 23 février en Allemagne, l’immigration est la principale préoccupation des électeurs après cinq attaques menées par des ressortissants étrangers dans le pays au cours des neuf derniers mois.

La dernière attaque remonte au 15 février : une fillette de deux ans et sa mère ont perdu la vie, fauchées par une voiture bélier à Munich.

Un forcené a percuté avec son véhicule la manifestation d’un syndicat, blessant également des dizaines de personnes. L’auteur présumé est un demandeur d’asile afghan de 24 ans, qui pourrait également avoir agi pour des motifs islamistes radicaux, selon les autorités.

Dans la foulée de ce qu’Olaf Scholz a qualifié d' »attentat » à Munich, le chancelier sortant a tenu à défendre sa politique. Sous son gouvernement, l’Allemagne a « réussi à réduire la migration irrégulière et à augmenter considérablement le nombre de retours », estime-t-il.

« Nous devons continuer sur cette voie de manière cohérente », a-t-il plaidé.

Les derniers sondages en Allemagne laissent entrevoir une débâcle du parti au pouvoir. Les conservateurs partent favoris avec 30% des voix. Quant au parti d’extrême droite, l’Afd, soutenu par l’administration Trump, il atteindrait 20%. Un record. Dimanche, tous les regards seront tournés vers l’Allemagne, à l’heure où l’Europe fait face à une montée des populistes, et que l’alliance transatlantique a du plomb dans l’aile.

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