Agriculture, aides à domicile, restauration… Attendue depuis un an, la liste des dizaines de métiers en tension en France, base de référence pour accorder des titres de séjour aux travailleurs en situation irrégulière, a été transmise vendredi par le gouvernement aux partenaires sociaux. Mais les syndicats estiment déjà que ce nouveau registre ne permettra pas de régulariser un grand nombre de travailleurs sans papiers. Explications.
Après plus d’un an d’attente, la nouvelle liste des métiers en tension a enfin été actualisée – la dernière version datait de 2021, sur la base de données de 2008.
Les préfets peuvent régulariser « à titre exceptionnel » les travailleurs sans-papiers employés dans les métiers en tension (bâtiment, restauration, aide à la personne…).
Cette régularisation prend la forme d’un titre de séjour d’un an, délivré au cas par cas, à condition d’avoir résidé en France pendant au moins trois ans, exercé une activité salariée durant au moins 12 mois sur les 24 derniers, et présenter un casier judiciaire vierge.
La nouvelle mouture a été adressée vendredi 21 février par le gouvernement aux partenaires sociaux, avant « une dernière consultation nationale », a expliqué la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, sur France info. Organisations syndicales et patronales doivent en débattre en fin de semaine avant publication au Journal officiel.
Cette liste de métiers, issue « des concertations avec les fédérations professionnelles », regroupe quelque 80 professions qui sont déclinées selon les besoins en main-d’œuvre des différentes régions françaises.
Par exemple, la région Normandie est la seule à rechercher des géomètres, tandis que sept régions sur treize recherchent des bouchers.
Les « agriculteurs salariés », « aides à domicile et aides ménagères », « aides de cuisine », « cuisiniers », « employés de maison et personnels de ménage », « maraîchers/horticulteurs salariés » sont, eux, recherchés partout.
Les trois régions qui présentent le plus de professions en tension sont les régions Ile-de-France (41 métiers), Provence-Alpes-Côte-D’azur (39) et Auvergne-Rhône-Alpes (37 métiers).
En janvier, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, avait adressé une nouvelle circulaire aux préfets prévoyant notamment que les régularisations exceptionnelles par le travail soient désormais recentrées sur les métiers en tension.
Une liste qui profitera à peu de sans-papiers ?
Cette liste était attendue avec impatience par les travailleurs étrangers. « Le nouvel article sur les métiers en tension apporte quelques progrès. Il suscite de grands espoirs ici parmi les gens que nous voyons », avait déclaré l’an dernier à France 24 Coulibaly Hamidou, membre de l’association Solidarité humaine en France, qui délivre des conseils et accompagne les personnes en situation irrégulière dans leurs démarches.
Syndicats, patronat et associations attendaient aussi depuis plusieurs mois cette liste, espérant qu’elle permette de simplifier les régularisations. Mais pour la CGT, ce registre est loin d’être satisfaisant.
« Je ne comprends pas la méthodologie de construction de cette liste », tance Jean-Albert Guidou, secrétaire général de l’union locale de la CGT à Bobigny (Seine-Saint-Denis) interrogé par InfoMigrants.
« C’est une prise en compte très partielle de la réalité [des métiers exercés sur le terrain].
L’Ile-de-France par exemple est la région qui concentre le plus de sans-papiers travaillant dans les métiers du nettoyage, de la logistique, du gros œuvre en bâtiment, de la gestion des déchets… et ces domaines ne sont pas mentionnés. »
Pourtant, l’Ile-de-France est la principale région touristique du pays, avec des milliers de restaurants, « où les cuisines sont remplies de personnes en situation irrégulière », signale Jean-Albert Guidou. « Ce n’est un secret pour personne ».
En revanche, des postes qualifiés (ingénieur, cadre, agent de maîtrise, informaticien…) figurent dans la liste francilienne, des secteurs qui ne sont pas occupés par les travailleurs en situation irrégulière.
« Est-ce que ces listes sont construites pour permettent aux entreprises de faire venir des travailleurs de l’étranger et de choisir ‘leurs migrants’ ? Ou est-ce que le gouvernement ne souhaite pas régulariser les sans-papiers ? La réponse, c’est les deux », estime le responsable de la CGT.
INFOMIGRANTS