Retraites : âge légal de départ, pénibilité, financement… Que proposent les participants au « conclave » chargé de retravailler la réforme, à partir de jeudi ?

A la demande du gouvernement de François Bayrou, les syndicats et le patronat vont échanger jusqu’à fin mai pour tenter de modifierla réforme des retraites de 2023, qui a repoussé l’âge légal de départ à 64 ans.

Face à des « attentes énormes », la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, s’attend à « trois mois compliqués ». Les syndicats et le patronat se réunissent jeudi 27 février, et le feront à nouveau chaque semaine jusqu’à fin mai, au sein d’un « conclave » convoqué par le gouvernement, pour tenter d’amender la très contestée réforme des retraites de 2023, qui décale notamment graduellement l’âge légal de départ de 62 à 64 ans.

Pour formuler leurs propositions, ils s’appuieront sur le rapport de la Cour des comptes remis le 20 février, qui estime que le déficit du système des retraites atteindra près de 15 milliards d’euros en 2035 et 30 milliards en 2045. En cas de « progrès », même « sans accord général » entre les partenaires sociaux, le Premier ministre s’est engagé à déposer un texte au Parlement. Avant le lancement des négociations, franceinfo résume les positions des participants.

Ce que les syndicats vont défendre

• Revenir sur le recul de l’âge légal de départ à 64 ans. Pour la CGT, « l’objet » de la concertation qui s’ouvre n’est « pas le retour à l’équilibre » du système, mais « l’abrogation » de la réforme. Le retour à 62 ans sera « la base des discussions », a abondé Marylise Léon dimanche sur France 3. « Revenir à 62 ans restera notre objectif », et « si on peut gratter un jour, un mois, une année, on le fera », plaide de son côté Laurent Escure, secrétaire général de l’Unsa.

• Etendre les cotisations à l’intéressement et la participation. La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, clame qu’« abroger » la réforme de 2023 coûterait « 10 milliards d’euros à horizon 2030 ». Dans son rapport(Nouvelle fenêtre), la Cour des comptes estimeque les effets positifs de la réforme sur l’équilibre financier du système de retraites, « tous régimes inclus », seront de l’ordre de « 10 milliards d’euros, à horizon 2030 ». Pour financer cette abrogation, la patronne de la centrale syndicale, Sophie Binet, proposait notamment en janvier sur France 2 de soumettre à cotisations certaines primes, comme la participation et l’intéressement.

• Augmenter les cotisations retraites. Par ailleurs, la CGT milite aussi pour une hausse de 0,5 point des cotisations retraites payées par les employeurs. La CFTC veut quant à elle augmenter de 0,15 point les cotisations retraites patronales et salariales. « Pour un salaire de 2 500 euros net mensuel, cela représente un surcoût de 15 euros pour l’employeur et de 5 euros pour le salarié », détaille sa vice-présidente, Pascale Coton, à Challenges(Nouvelle fenêtre).

• Mieux prendre en compte la pénibilité. De son côté, la CFDT entend insister sur « la reconnaissance des métiers pénibles ». Elle demande la réintégration au compte professionnel de prévention de quatre critères de pénibilité supprimés par Emmanuel Macron(Nouvelle fenêtre) en 2018 : le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et l’exposition aux agents chimiques dangereux. La CFE-CGC, le syndicat des cadres, souhaite pour sa part que les risques psychosociaux soient reconnus comme facteurs de pénibilité.

• Améliorer l’emploi des seniors. La CFDT compte également « obtenir des choses concrètes » sur l’emploi des actifs en fin de carrière. « Il faut travailler à l’amélioration de l’emploi des seniors » en créant « une cotisation employeur s’il n’améliore pas cette employabilité », propose son secrétaire adjoint, Yvan Ricordeau, auprès de BFMTV(Nouvelle fenêtre). Confrontés aux réticences des entreprises et au manque de formation, les seniors rencontrent de nombreuses difficultés pour décrocher un contrat.

Selon la ministre déléguée chargée du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, un rapport du Conseil d’analyse économique, qui paraîtra « début mars », montre que la France a connu une « vraie progression » du taux d’emploi des « 55-59 ans », avec des niveaux « équivalents à l’Allemagne »« Par contre, le taux d’activité chute brutalement après », concède-t-elle.

• S’attaquer aux inégalités salariales entre les femmes et les hommes. Marylise Léon rappelle que ces inégalités au cours de la vie professionnelle ont des « conséquences directes sur la retraite », puisque « l’écart de pension entre les femmes et les hommes » est de « 38% ». De son côté, la CGT souhaite la création d’une contribution technique temporaire pour les entreprises en faveur de l’égalité femmes-hommes. Selon la centrale(Nouvelle fenêtre), cette mesure permettrait de dégager près de 6 milliards d’euros pour financer les retraites.

Ce que les organisations patronales vont défendre 

• Maintenir « a minima » l’âge légal à 64 ans, « voire le pousser un peu plus loin », pour le Medef. La principale organisation patronale juge que « revenir sur l’âge légal aurait des conséquences financières très lourdes ». Dans les colonnes du Journal du dimanche(Nouvelle fenêtre), le président du Medef juge qu’il faut « a minima » conserver l’âge de départ prévu par la réforme de 2023, voire « le pousser un peu plus loin ». Pour « assurer des pensions de retraite au même niveau qu’aujourd’hui, et donc préserver le niveau de vie des retraités, il n’y a pas 50 solutions », selon Patrick Martin. « Soit on augmente les cotisations des entreprises comme des salariés », ce qu’il exclut, « soit on augmente la durée de cotisation »

• Revenir sur l’âge légal, à condition de l’indexer sur l’espérance de vie, pour la CPME. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) se dit quant à elle ouverte à négocier avec les syndicats sur l’âge légal de départ. Mais à la condition d’instaurer un système d’indexation « automatique » sur l’espérance de vie. « Pour qu’un modèle de retraite par répartition puisse tenir sur la durée, il faut absolument qu’on travaille plus » car « on vit plus longtemps », défend son président, Amir Reza-Tofighi, auprès des Echos(Nouvelle fenêtre).

• Introduire une part de capitalisation dans le système de retraites. Dans le modèle actuel, les caisses de retraite prélèvent des cotisations sur la rémunération des actifs afin de payer les pensions des retraités. Pour « compléter » ce système de répartition, qui repose sur la solidarité intergénérationnelle, le patron de la CPME propose d’ajouter « une retraite par capitalisation », qui consiste à épargner pour sa propre retraite.

Sur franceinfo, la ministre chargée du Travail et de l’Emploi s’est montrée ouverte à cette piste, rappelant que « 15 millions » d’actifs recourent déjà à des mécanismes de capitalisation. Le Medef et l’Union des entreprises de proximité (U2P) sont aussi favorables à cette idée. 

• Travailler une heure de plus par semaine. Pour financer cette part de capitalisation, la CPME suggère d’augmenter le temps de travail hebdomadaire. « Cette heure de plus de travail ne serait pas payée directement au salarié » et « l’employeur abonderait en contrepartie son compte de capitalisation en vue de sa retraite », expose Amir Reza-Tofighi aux Echos« Une autre option serait de partager les gains de cette heure supplémentaire par semaine entre la retraite et le salaire », ajoute-t-il.

• Supprimer l’abattement fiscal des retraités. Le patron du Medef est favorable à la suppression de l’abattement fiscal pour frais professionnels de 10% dont bénéficient les retraités, au même titre que les actifs. La disparition de cet avantage entraînerait l’augmentation de l’impôt sur le revenu de certains retraités, et ferait que d’autres, qui ne sont pas imposables aujourd’hui, le deviendraient. En janvier, Patrick Martin estimait sur RMC(Nouvelle fenêtre) que cette mesure pourrait rapporter « 4,5 milliards d’euros par an ».

• Revoir le financement de la protection sociale. Plus globalement, Patrick Martin estime auprès du JDD qu’il faut « réinventer le financement » de l’ensemble des branches de la protection sociale (maladie, famille, accidents du travail, retraite, autonomie), en transférant « une partie des cotisations sociales supportées par les entreprises et les salariés » vers « la fiscalité ».

Le patron du Medef a notamment mentionné la « TVA sociale », qui consiste à alléger les cotisations sociales en augmentant la taxe sur la valeur ajoutée. Sur BFMTV(Nouvelle fenêtre), il évoque aussi une hausse de la CSG (contribution sociale généralisée) pour les retraités, qui bénéficient pour l’heure d’un taux inférieur à celui appliqué aux actifs. « Le taux abattu de CSG pour les retraités, c’est 11 milliards d’euros par an en moins », selon lui. La CPME défend également cette dernière option.

francetvinfo

You may like