Traversées de la Manche : Paris annonce des effectifs de police supplémentaires et la construction du CRA de Dunkerque

Réunis ce jeudi au Touquet, dans le Pas-de-Calais, le ministre de l’Intérieur français Bruno Retailleau et son homologue britannique, Yvette Cooper, ont détaillé le renforcement du dispositif de contrôle de la frontière : patrouilles supplémentaires d’ici l’été, nouveaux enquêteurs sur les réseaux de trafiquants, construction du centre de rétention de Dunkerque d’ici 2027…

Côté mer, les interventions des sapeurs-pompiers auprès des rescapés dans la Manche seront désormais financées par les Britanniques.

Le ministre de l’Intérieur français Bruno Retailleau et son homologue britannique, Yvette Cooper, se sont rencontrés au Touquet (Pas-de-Calais) ce jeudi 27 février. Les deux ministres ont annoncé un accord pour prolonger jusqu’en 2027 (au lieu de mars 2026) le traité de Sandhurst, signé en 2018, afin de renforcer les moyens de surveillance de la frontière.

Le calendrier a été repoussé notamment pour pouvoir mener à bien des projets immobiliers.

En premier lieu, la construction d’un nouveau centre de rétention administrative (CRA) de Dunkerque, annoncé de longue date, pour lequel les procédures administratives viennent de s’achever. Mais aussi des projets d’amélioration de bâtiments de gendarmerie et de l’hébergement des forces de l’ordre.

L’autre but de cette réunion : toujours mieux se coordonner pour lutter contre les traversées irrégulières de la Manche.

« Sur les sept premières semaines de 2025, les traversées réussies ont diminué de 41 % et le nombre de migrants qui ont traversé a diminué de 32 % », s’est félicité Bruno Retailleau, attribuant à la mobilisation des forces de l’ordre cette baisse statistique. Chaque jour, 1 200 effectifs sont déployés le long du littoral pour la prévention des départs. Dont 730 sont financés par ces accords de Sandhurst, a encore indiqué le ministre.

Des effectifs supplémentaires en prévision d’un été de traversées
Des nouveaux effectifs viennent d’arriver ou vont venir renforcer, en 2025, les équipes déjà présentes, a-t-il détaillé. D’abord, 75 agents supplémentaires renforcent la police aux frontières (PAF) de Calais depuis début décembre. Ensuite, 32 policiers, « et bientôt 13 gendarmes », commencent à patrouiller, depuis le 31 janvier, dans les transports en commun de « Calais, Dunkerque et les transports régionaux » pour sécuriser « le quotidien » des habitants.

Cette présence dans les transports publics était une demande de longue date émise par un certain nombre de maires du littoral.

Dans un communiqué diffusé le 20 novembre, des élus de Calais, Sangatte ou encore Marck, avaient demandé à l’État un sursaut concernant la situation migratoire dans la Manche. « De jour comme de nuit, les maires sont en première ligne, contraints de faire face, sans détenir les moyens nécessaires, à une problématique dont la gestion incombe pourtant à l’État », affirmaient-ils alors.

Toujours dans le cadre du soutien financier britannique, le ministre de l’Intérieur prévoit de renforcer le dispositif policier en amont de la période estivale, propice aux traversées de la Manche. « Soixante-quinze effectifs supplémentaires pour les compagnies de marche » ainsi que « 47 policiers adjoints » dans les commissariats de Calais et Dunkerque arriveront progressivement entre mars et mai.

Les sapeurs-pompiers du département désormais pris en charge par les Britanniques
Mais l’argent britannique va aussi être orienté dans la prise en charge des naufragés. Les interventions du service départemental d’incendie et de secours (SDIS), liées aux sauvetages, vont être désormais financées par les Britanniques. Ces sapeurs-pompiers sont presque systématiquement présents lors des débarquements à quai de personnes secourues dans la Manche par les moyens de l’État.

« Douze pour cent de leurs interventions sont dédiées au sauvetage des migrants soit en mer soit à terre », précise Bruno Retailleau.

Dans le cadre de l’accord franco-britannique, des formations vont se poursuivre pour la surveillance du littoral, notamment la manipulation de drones. L’Intérieur envisage aussi, d’ici 2027, le renforcement des réservistes et de leur équipement.

En outre, face aux nouvelles techniques des passeurs – qui mettent leur embarcation à l’eau et demandent aux migrants de les rejoindre en s’enfonçant dans l’eau -, le ministre de l’Intérieur envisage un « changement de doctrine. « Dans la bande côtière, dans les premiers 300m, il faut que l’on puisse revoir notre organisation, pour que l’on puisse arraisonner ces bateaux lorsqu’ils arrivent pour prendre les migrants. Il faudrait sans doute prévoir que la gendarmerie nationale, qui a des forces maritimes, puisse intervenir », a-t-il évoqué.

Les réseaux de trafiquants « de plus en plus agressifs »
Les moyens d’investigation contre les réseaux de passeurs vont également être renforcés. Bruno Retailleau a donné, là encore, quelques détails. Quatorze enquêteurs supplémentaires vont rejoindre le groupe d’appui opérationnel (GAO) de Dunkerque au 1er mars. Leur chef « sera issu du RAID », a souligné le ministre de l’Intérieur.

Les capacités de l’Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM) vont également être augmentées de six enquêteurs.

Début février, le ministre de l’Intérieur avait annoncé la création d’une cellule d’échange de renseignements sur le trafic de migrants. Celle-ci va connecter l’OLTIM aux services de renseignements des autres ministères, notamment Bercy.

Le gouvernement britannique affirmait, début 2024, avoir démantelé 82 réseaux criminels responsables du trafic de migrants par « small boats » depuis la création de la cellule de renseignement commune entre France et Royaume-Uni en juillet 2020. Ces réseaux font preuve d’une « violence croissante » à l’encontre des forces de l’ordre, ont insisté Yvette Cooper et Bruno Retailleau lors de leur conférence de presse.

Patrick Stefanini, représentant spécial sur l’immigration auprès du ministre de l’Intérieur, a aussi souligné la nécessité d' »agir en amont », dans les pays « de transit, à l’intérieur comme en dehors de l’Union européenne (UE), et dans les pays d’origine ». L’Intérieur a récemment rencontré le ministre des Affaires étrangères irakien pour évoquer notamment le sujet des filières de passage irako-kurdes.

La volonté d' »impliquer l’UE dans la défense de cette frontière extérieure »
En décembre 2024, lors d’un déplacement à Ambleteuse, le ministre de l’Intérieur avait déjà annoncé le renforcement des effectifs de police le long du littoral, mais aussi le lancement d’une mission de lutte contre l’immigration clandestine, confiée au nouveau préfet délégué pour la défense et la sécurité dans les Hauts-de-France, Vincent Lagoguey.

Reste à savoir si ces nouvelles annonces auront un effet à long terme sur les traversées irrégulières.

Depuis son arrivée au pouvoir en juillet 2024, le Premier ministre britannique Keir Starmer a également enchaîné les annonces : gel des avoirs des passeurs, création d’un fonds de 90 millions d’euros consacré à la lutte contre les trafiquants opérant dans la Manche, accords avec de nombreux pays afin d' »accroître le partage de renseignements », impossibilité pour les personnes arrivées de manière irrégulière au Royaume-Uni d’obtenir la naturalisation…

Autant de mesures qui n’ont eu que très peu d’effets sur les traversées vers les côtes anglaises.

En 2024, près de 37 000 migrants sont parvenus à atteindre les rives britanniques. C’est 25% de plus qu’en 2023. Dans le même temps, l’année 2024 a été une année record en matière de personnes décédées dans le cadre des traversées. Au moins 78 personnes sont mortes selon les autorités françaises – 82 selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Dont 14 enfants.

« Je considère que nous défendons pas seulement une frontière entre la France et le Royaume Uni, mais aussi une frontière extérieure de l’Europe », a conclu Bruno Retailleau, avançant que « 30 % de l’immigration de l’Europe se retrouve ici sur cette côte du nord de la France ». Le ministre de l’Intérieur a affirmé sa volonté d' »impliquer l’UE dans la défense de cette frontière extérieure ». En particulier via le pacte sur l’asile et l’immigration qui « va nous permettre de disposer de nouveaux outils » et d’un « cadre nouveau ».

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