Via son super PAC, Elon Musk a déboursé un million de dollars pour soutenir la campagne du conservateur Brad Schimel dans la course à la Cour suprême du Wisconsin, selon des informations publiées jeudi. Une première grande manœuvre post-électorale qui alimente les tensions dans cet État-clé.
Les généreux dons d’Elon Musk sont de retour. Après avoir injecté plus de 250 millions de dollars dans la campagne de Donald Trump en 2024, le milliardaire, désormais proche conseiller du président, se lance dans une nouvelle bataille stratégique : l’élection à la Cour suprême du Wisconsin.
Cette élection, cruciale pour l’équilibre du pouvoir judiciaire de l’État, pourrait faire basculer une institution clé sur des sujets tels que l’avortement, le droit syndical et le redécoupage électoral. Pour peser dans la balance, Elon Musk a mobilisé son super PAC, finançant une vaste campagne en faveur du candidat conservateur Brad Schimel, ancien procureur général.
Officiellement non partisanes, ces élections n’en restent pas moins marquées politiquement : le juge Brad Schimel a reçu le soutien du Parti républicain de l’État, qui peut lui transférer des fonds illimités en toute légalité. À l’approche du scrutin du 1er avril, l’enjeu est de taille : si Brad Schimel emporte le siège laissé vacant par le départ à la retraite d’un juge libéral, la majorité progressiste de la Cour suprême pourrait vaciller.
Une course hautement stratégique et symbolique
À quelques semaines du dénouement, le super PAC d’Elon Musk, America PAC, a injecté un million de dollars (environ 956 000 euros) dans des opérations de terrain pour mobiliser les électeurs en faveur de Brad Schimel, selon des documents de financement de campagne publiés jeudi 20 février.
Ce don s’ajoute aux 1,6 million de dollars (environ 1,53 millions d’euros) dépensés par Building America’s Future pour diffuser des spots télévisés.
Si cette organisation conservatrice ne révèle pas l’identité de ses donateurs, elle a bénéficié d’un soutien financier conséquent d’Elon Musk, qui en est devenu le principal bailleur en 2022, d’après le Wall Street Journal.
En face, Susan Crawford, la candidate libérale soutenue par le Parti démocrate du Wisconsin, ne cache pas son indignation.
« Elon Musk et d’autres milliardaires de droite injectent de l’argent dans cette course parce qu’ils comptent sur Brad Schimel pour protéger leurs intérêts […] et restreindre les libertés », a-t-elle déclaré à l’Associated Press.

Loin d’être un simple enjeu local, cette élection constitue un premier test politique pour les républicains et les démocrates depuis la réélection de Donald Trump.
Le Wisconsin, État-clé par excellence, a basculé à plusieurs reprises ces dernières années : cinq des sept dernières élections présidentielles s’y sont jouées à moins d’un point de pourcentage. En 2020, il avait permis à Joe Biden d’accéder à la Maison Blanche, avant de se ranger derrière Trump en 2024 avec une marge infime de 29 300 voix sur plus de 3,3 millions de suffrages exprimés.
L’enjeu de l’élection ne se limite pas au Wisconsin : la Cour suprême de l’État pourrait jouer un rôle décisif dans la validation des règles électorales pour la présidentielle de 2028.
« Qui ne voudrait pas du soutien du président en exercice, qui jouit actuellement d’une grande popularité ? », a déclaré Brad Schimel sur une chaîne de télévision locale. « Je soupçonne le président Trump d’être au courant de cette course. Beaucoup l’ont identifiée comme la plus importante de l’Amérique en 2025, et ils ont probablement raison. »
« Une majorité favorable aux intérêts des entreprises »
En janvier, Tesla, la société d’Elon Musk, a déposé un recours contre une loi du Wisconsin interdisant aux constructeurs automobiles de posséder leurs propres concessionnaires. Huit jours après l’ouverture du procès, le milliardaire a pris position sur son réseau social en appelant à « voter républicain pour la Cour suprême du Wisconsin », afin, selon lui, « d’empêcher la fraude électorale ».
Very important to vote Republican for the Wisconsin Supreme Court to prevent voting fraud! https://t.co/tB1qErm2cP
— Elon Musk (@elonmusk) January 23, 2025
Ils veulent un juge à la Cour suprême qui puisse se joindre à une majorité favorable aux intérêts des entreprises et remettre en question certains droits fondamentaux », analyse Sam Roecker, consultant politique démocrate, à Politico. « C’est la première grande course de l’année 2025, et elle va capter l’attention nationale », ajoute-t-il.
Face à Brad Schimel, Susan Crawford a bénéficié de dons importants de la part du philanthrope démocrate George Soros, du gouverneur de l’Illinois JB Pritzker, ou encore du cofondateur de LinkedIn Reid Hoffman. De son côté, l’équipe de l’ancienne vice-présidente Kamala Harris a lancé mercredi un appel aux dons « parce que les démocrates du Wisconsin ont besoin de notre aide pour riposter », affirme un courriel du Comité national démocrate.
« Nous n’avons pas Elon Musk, mais nous avons beaucoup de gens qui se sentent concernés et qui sont prêts à donner quelques dollars. »
Pour le Parti démocrate, cette élection représente un véritable test : les électeurs du Wisconsin souhaitent-ils des contre-pouvoirs judiciaires face aux politiques de Donald Trump et de ses alliés ? « Les tribunaux sont l’un des seuls freins au pouvoir de l’administration Trump », affirme Ben Wikler, président du Parti démocrate du Wisconsin, dans une interview à CNN. « Avoir une Cour suprême d’État MAGA dans un État comme le Wisconsin serait désastreux. »
L’avortement au cœur de la bataille
Si ce scrutin cristallise tant d’attention, c’est aussi parce qu’il pourrait sceller le sort de plusieurs lois majeures. Parmi elles, une loi de 2011 qui a privé des milliers d’infirmières, d’enseignants et de fonctionnaires de leurs droits à la négociation collective. Cette réforme, qui avait déclenché des manifestations massives contre l’ex-gouverneur républicain Scott Walker, est actuellement contestée devant une juridiction inférieure et pourrait bientôt arriver devant la Cour suprême de l’État.
Autre sujet en ligne de mire : la validité, ou non, d’une loi datant de 1849 interdisant presque totalement l’IVG – sans exception pour les cas de viol ou d’inceste.
À ce sujet, Susan Crawford refuse de se prononcer directement, arguant qu’il serait inapproprié de commenter une affaire en cours. Mais dans une interview accordée à CNN, elle a laissé entendre qu’elle défendait une approche plus permissive en matière de droits reproductifs, soulignant qu' »en tant que femme, [elle a] toujours souhaité pouvoir prendre [ses] propres décisions en matière de santé ».
De son côté, Brad Schimel a clairement affiché sa position contre le droit à l’avortement.
Dans un enregistrement dévoilé par l’équipe de campagne de Susan Crawford, on l’entend déclarer devant un groupe républicain local : « Il n’y a pas de droit constitutionnel à l’avortement dans la constitution de notre État. »
Cette bataille juridique et politique laisse présager une élection aux budgets vertigineux.
En 2023, la course à la Cour suprême du Wisconsin avait coûté 51 millions de dollars, un record qui pourrait être dépassé cette année. Pour l’instant, la campagne de Susan Crawford a déjà récolté 7,7 millions de dollars, tandis que celle de Brad Schimel a reçu 5,1 millions, selon le Milwaukee Journal Sentinel. Et comme souvent dans ce type d’élections, les levées de fonds s’accélèrent à mesure que le scrutin approche.
La Cour suprême du Wisconsin « est devenue le lieu où sont tranchées de nombreuses questions brûlantes qui intéressent les gens », observe Barry Burden, politologue à l’université du Wisconsin-Madison, auprès de CNN. Dans un État où un démocrate contrôle la résidence du gouverneur et où les républicains détiennent la majorité législative, la Cour suprême de l’État « est au cœur de l’action », conclut-il.
france24