L’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) est depuis longtemps une région de refuge pour les communautés locales et un véritable poumon écologique pour le monde, notamment grâce à ses vastes forêts tropicales. Cependant, ces espaces naturels sont aujourd’hui devenus des zones de conflit et des lieux de repli pour des groupes armés, compromettant ainsi les efforts de conservation.
Dominique Bikaba, fondateur et directeur exécutif de Strong Roots Congo, une organisation de défense des droits de l’homme, de conservation et de développement durable, souligne cette situation alarmante.
Selon lui, les forêts tropicales de l’Est de la RDC, notamment autour du Parc national de Kahuzi-Biega et de la réserve naturelle d’Itombwe, ont vu leur situation se détériorer en raison des violences armées qui rendent les efforts de conservation extrêmement difficiles.
Des forêts en danger : l’impact du conflit sur la déforestation
La forêt tropicale d’Itombwe, située dans le bassin du Congo, deuxième plus grande forêt tropicale du monde après l’Amazonie, a connu une déforestation rapide ces dernières années. Selon les dernières estimations de Global Forest Watch, l’instabilité sécuritaire dans cette région de la RDC a accéléré la déforestation, menaçant ainsi la faune et exacerbant les changements climatiques à une échelle plus large.
La forêt, qui abrite une biodiversité unique, souffre des activités illégales, telles que l’exploitation forestière et la chasse, souvent orchestrées par des groupes armés qui profitent de l’absence d’autorité et de contrôle.
Bikaba affirme que « les impacts de ces conflits armés restent toujours néfastes à la conservation de la biodiversité à l’Est de la RDC », soulignant que la sécurisation des zones forestières est essentielle pour la conservation des espèces endommagées. Les agents de conservation sont souvent incapables d’accéder à leurs sites de travail, ce qui entrave gravement les efforts de préservation. Cette situation crée un cercle vicieux où la déforestation augmente, rendant encore plus difficile la gestion durable des forêts et des ressources naturelles.
Les perspectives globales : un avenir incertain pour les forêts du bassin du Congo
Selon un rapport publié en janvier 2025 par la Global Initiative Against Transnational Organized Crime, un groupe international œuvrant pour les droits humains, la situation sécuritaire à l’Est de la RDC a été exacerbée par l’échec du processus de paix face à la rébellion du M23. Ce rapport met en évidence le besoin urgent de transformer les ressources naturelles de l’Est de la RDC en véritables opportunités d’investissement et d’emploi, afin de créer des alternatives aux activités destructrices liées aux conflits.
Les projections du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR) et du Centre International de Recherche en Agroforesterie (ICRAF) sont inquiétantes : 27 % des forêts pluviales non perturbées du bassin du Congo pourraient disparaître d’ici 2050 si la déforestation et la dégradation des forêts se poursuivent à leur rythme actuel. Cette perte de forêts entraînerait non seulement une crise écologique, mais aussi un détournement des services écosystémiques essentiels, affectant directement les communautés locales, la biodiversité et le climat mondial.
L’importance d’une paix durable pour la conservation des forêts tropicales
Bikaba souligne l’impératif d’une paix durable pour réussir toute initiative de conservation à l’Est de la RDC : « La conservation de la faune, de la flore, des paysages et de la biodiversité des forêts tropicales denses a besoin d’une paix durable ». Mais cette paix ne pourra se concrétiser que lorsque les communautés locales seront résilientes au choc de la guerre et lorsque la sécurisation des zones forestières deviendra une priorité.
En attendant, il serait irréaliste de penser à des actions de conservation efficaces dans un environnement où les conflits armés persistent.
Avec 67 % de la superficie totale du territoire de la RDC couvert par des forêts tropicales, soit environ 155,5 millions d’hectares, la gestion durable de ces ressources est cruciale pour l’avenir de la région.
Les forêts de l’Est de la RDC sont essentielles non seulement pour la conservation de la biodiversité locale, mais aussi pour le stockage du carbone et la régulation des changements climatiques à l’échelle mondiale. Mais tant que la situation sécuritaire reste instable, la protection de ces écosystèmes uniques restera une tâche quasi-impossible.
VivAfrik