SOMMET AFRICAIN DE LA FINANCE (AFIS 2024) : Casablanca- « Le temps des puissances financières africaines est venu ».

Tel est le thème central de la 4ème ’édition de l’Africa Financial Summit (AFIS). Cette importante rencontre qui s’est tenue les 9 et 10 décembre 2024 dans les salons du Sofitel Regent « Tour Blanche », à Casablanca, la capitale marocaine, sonne comme une invite à « prendre le pouvoir… ».

Le leitmotiv c’est de valoriser enfin, l’immense potentiel économique du continent. Organisé par Jeune Afrique Media Group, avec le soutien de la SFI (Groupe de la Banque mondiale), l’AFIS a été l’occasion choisie pour mettre en lumière les axes majeurs pour transformer le paysage financier africain.

Au total, 1200 participants, dont près de 40 ministres et gouverneurs de banques centrales, venus de 72 pays, et 100 journalistes du monde venus couvrir l’édition 4 de l’Africa Financial Summit (AFIS), ont fait de la capitale marocaine le point de convergence de la finance africaine pendant deux jours (9 et 10 décembre 2024).
Cette grand- messe de la finance africaine a ainsi abouti à la signature de 20 mémorandums d’entente, fruit de discussions stratégiques visant à répondre aux défis du financement des infrastructures, le développement des énergies renouvelables et la résilience climatique. Ce sont d’ailleurs les principaux axes qui ont été abordés au cours de la quarantaine de sessions qui ont rythmé les deux jours du sommet. Le thème récurrent des crises laisse ainsi place à celui des opportunités à saisir, afin de mobiliser les ressources et moteurs essentiels pour dynamiser l’économie et renforcer l’autonomie financière de l’Afrique.
A l’ouverture du   sommet, le matin du 9 décembre, Mme Nadia Fettah Alaoui, ministre marocaine de l’Économie et des Finances a d’ailleurs donné le tempo en ces termes : « Il nous faut transformer nos institutions financières pour mieux servir les aspirations de nos populations. »
Pour atteindre cet objectif, a –t-elle poursuivi, « Nous devons penser comme des matériaux composites, combinant souplesse et solidité : souplesse pour laisser circuler les flux économiques, financiers et humains et dynamiser nos économies ; solidité pour bâtir des bases robustes et résilientes face aux défis économiques et géopolitiques. »
SOMMET AFRICAIN DE LA FINANCE (AFIS 2024) :  Casablanca- « Le temps des puissances financières africaines est venu ».

Cette vision panafricaine de l’industrie financière africaine, « C’est tout l’Adn de l’Afis », confirme à sa suite Amir Ben Yahmed, CEO, Jeune Afrique Media Group, à la cérémonie d’ouverture. Le fondateur de l’AFIS a d’emblée campé le décor en révélant un des fils rouges du programme, relatif au volet « consolidation et développement des champions régionaux et continentaux » ; en prenant l’exemple de l’Union européenne qui, selon lui, a été « un des acteurs en matière de création d’ensemble de services financiers assez efficaces ».

Ainsi ajoute-t-il, « nous devrions avoir comme objectif pour nos groupes, de doubler en moyenne le total de bilan pour avoir le niveau de consolidation qui existe sur le marché européen ».

Les deux autres axes majeurs du programme qu’il a aussi évoqué, ont trait à la facilitation du commerce intra africain via des systèmes de paiements interopérables, et à la mobilisation de l’épargne africaine, estimée à 500 milliards de dollars.

Mme le ministre de l'Economie et des Finance du Maroc Nadia Fettah Alaoui,

                                                              Mme le ministre de l’Economie et des Finance du Maroc Nadia Fettah Alaoui,
Les champions africains en première ligne
 
Une fois les travaux lancés, banquiers, assureurs, Fintech, leaders du secteur privé, représentants gouvernementaux venus du continent et du monde entier, se sont retrouvés dans les nombreuses sessions pour débattre autour d’outils stratégiques. Parmi ces outils en effet, il était question des caisses de dépôt et d’intégration des technologies financières propres à mobiliser les ressources nécessaires à la croissance économique, ainsi que des initiatives d’harmonisation réglementaire dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), autant de défis essentielles pour construire un environnement financier intégré.
Les tables rondes organisées à cette occasion, ont été le lieu d’aborder des thématiques clés, notamment les opportunités offertes par les actifs alternatifs, les monnaies numériques de banque centrale (MNBC) et l’intelligence artificielle. Elles ont été le cadre pour exposer des solutions qui visent à moderniser les paiements transfrontaliers, favoriser l’inclusion financière et transformer les systèmes agricoles à travers les innovations AgriTech.
 
Tous s’accordent que le destin financier de l’Afrique et sa capacité à financer son développement nécessitent une action rapide et déterminée de la part des leaders régionaux et panafricains.
 
Le prétexte sur lequel s’est adossé la réunion de nombreux experts présents à Casablanca lors du panel d’ouverture, tient au contexte de « retrait » des acteurs internationaux, qui met ainsi, les champions africains en première ligne pour bâtir la prospérité du continent, comme seule alternative. Avec un déficit annuel de financement des infrastructures en Afrique qui se situe entre 53 et 96 milliards de dollars, il est convenu de promouvoir des solutions de financement innovantes, exploitant les vastes économies domestiques gérées par les investisseurs institutionnels africains et estimées à 1 850 milliards de dollars.
 
L’obstacle de fragmentation règlementaire
Considérés comme des moteurs de croissance économique et d’autonomie financière pour l’Afrique, la mobilisation de l’épargne africaine, aujourd’hui estimée à 500 milliards de dollars, ainsi que les systèmes de paiements intégrés, ont aussi été au centre des discussions entre les dirigeants de certaines des plus grandes banques et banques centrales du continent, qui d’ailleurs ont plaidé pour la mise en place d’un système unifié de paiement.
Certes en dépit des réglementations disparates au niveau des 54 pays qui la compose, l’Afrique dispose de leviers de transformation puissants, comme l’essor des fintechs, l’innovation technologique et la digitalisation.  Mohamed El Kettani, directeur général d’Attijariwafa bank, relève que « la cause principale de nos handicaps, c’est la fragmentation de l’Afrique : nous avons 42 monnaies et des cadres macroéconomiques extrêmement différents ».
Encore faudrait-il, « Pour faire venir les investisseurs, il faut un cadre réglementaire qui inspire la confiance », a insisté pour sa part, Jeremy Awori, directeur général d’Ecobank.
En termes d’investissements, tous s’accordent sur la nécessité d’une intégration régionale renforcée, notamment en ce qui concerne les actifs alternatifs tels que le capital-investissement.
En effet, si d’un côté règne un certain pessimisme quant à la baisse des investissements en capital-risque qui ont atteint leur niveau le plus bas depuis cinq ans, s’établissant à 5,9 milliards de dollars en 2023, selon l’AVCA (The African Private Capital Association), de l’autre on note un optimisme porté par la résilience des investissements privés, atteignant 6,3 milliards de dollars en 2022. 
 
Cette intégration régionale est déjà une réalité sur les marchés de capitaux connectés, à travers l’African Exchanges Linkage Project (AELP) qui, aujourd’hui, connecte plus de 2 000 entreprises, avec une capitalisation boursière de 1,5 billion de dollars, pour faciliter les échanges transfrontaliers de titres et améliorer la transparence des marchés à travers sept bourses africaines.
 
Toutefois, il urge de surmonter les défis majeurs de la fragmentation réglementaire, les complexités de règlement et les lacunes en infrastructures, pour libérer le potentiel des transactions boursières africaines. Au demeurant, bien que le commerce intra-africain soit en progression, il ne représente encore que 15 % du commerce total, loin derrière les 68 % en Europe.
Tous ces différents thèmes qui ont été sur la table de l’AFIS 2024  ne sont pas en effet  déconnectés, comme l’a rappelé Mme le ministre Nadia Fettah Alaoui,  « mais s’entrelacent pour définir une vision cohérente de l’avenir financier de l’Afrique. Un avenir où la finance devient un pays puissant au service du développement durable ». Voilà qui est bien dit..  
Lejecos Magazine

You may like