Femmes migrantes victimes de violences : une prise en charge « insuffisante » en France

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, une dizaine d’associations ont constitué un livre blanc pour mieux accompagner les femmes exilées victimes de violences. Neuf femmes sur dix ont connu des violences sur leur parcours migratoire, rappelle un récent rapport des Nations Unies.

De nombreuses femmes exilées arrivant en France ont fui des violences basées sur le genre dans leur pays d’origine. Mariages forcés, mutilations génitales, violences conjugales, agressions sexuelles dans le cadre de conflits armés…

« Nos collègues continuent d’entendre des survivantes parler des horreurs auxquelles elles ont été confrontées, qu’il s’agisse de violence brutale, de torture, d’exploitation sexuelle, de violence sexuelle, y compris en tant qu’arme de guerre », a soutenu fin novembre Shabia Mantoo, porte-parole du Haut commissariat pour les réfugiés de l’ONU, alors que les Nations Unies publiaient un rapport sur le sujet.

Dans des zones de conflit comme l’Ukraine, la République démocratique du Congo (RDC) ou le Soudan, le viol est utilisé comme une arme de guerre. Selon les données de l’ONU publiées fin 2024, les rapports de violence sexuelle liée aux conflits ont augmenté de 50 % par rapport à l’année précédente.

« Malgré l’ampleur du phénomène, la prise en charge des victimes reste insuffisante et les dispositifs existants peinent à répondre aux besoins spécifiques de ces femmes », regrettent une dizaine d’associations françaises qui ont élaboré un livre blanc pour améliorer l’accompagnement en France de ces femmes, paru le 4 mars.

Violences sexuelles : les victimes ont « rarement accès dans un délai rapide à des médecins »
Sur le chemin de leur exil, neuf femmes sur dix subissent des violences, d’après le rapport de l’ONU. Elles doivent payer des « pots-de-vin » en réalisant des « faveurs sexuelles », auprès des passeurs ou de « groupes entiers de migrants », décrit le rapport. Pour se protéger, certaines tentent de se faire passer pour des hommes au moment de la traversée, explique encore le rapport.

En France aussi, les femmes sur leur route de l’exil sont exposées à ce type de violences.

Dans les campements du Calaisis, par exemple, « quand elles arrivent, les femmes sont rapidement repérées par des passeurs, qui prétendent être leur mari et qui abusent d’elles. Certaines m’ont raconté qu’elles étaient violées tous les soirs dans leur tente, parfois par plusieurs hommes », racontait Mariam, bénévole du Secours Catholique, à InfoMigrants en novembre 2024.

Ainsi, dans leur pays d’origine comme sur la route migratoire, ces femmes peinent à avoir accès à la justice, et à une prise en charge appropriée.

« Les violences sexuelles sont certainement les plus complexes à prouver car il existe peu de preuves matérielles tangibles notamment parce que les survivantes et les survivants ont rarement accès dans un délai rapide à des médecins ou des gynécologues pour établir des certificats », souligne dans le livre blanc Céline Bardet, juriste et enquêtrice criminelle internationale, fondatrice de l’ONG We are not Weapons of War.

Créer des espaces sécurisés dans les centres d’accueil
En arrivant en France, la prise en charge des traumatismes physiques et psychiques de ces femmes victimes de violences devrait donc être primordiale. Le dispositif national d’accueil, dédié aux demandeurs d’asile et réfugiés, compte 120 000 places places d’hébergement. Seules 300 sont réservées aux femmes exilées victimes de violences ou de traite des êtres humains.

« Une offre dérisoire face à la réalité. Ballottées d’un lieu à un autre, isolées, elles peinent à reconstruire leur vie », regrettent les associations.

Ces dernières émettent donc plusieurs recommandations. D’abord, « créer des espaces sécurisés dans les centres d’accueil » , c’est-à-dire des zones réservées aux femmes et à leurs enfants où elles puissent « dormir, se nourrir, se laver en toute sécurité, et bénéficier de services de santé adaptés ».

Mais aussi améliorer la formation des professionnels des structures sociales, des hôpitaux, ou encore des forces de l’ordre aux « spécificités liées à la vulnérabilité des femmes migrantes, notamment face aux violences sexuelles et psychologiques, aux traumatismes, ou aux discriminations de genre ».

Certains associations ont mis en place ce type d’initiatives.

Par exemple, le projet Amal, développé par France Terre d’Asile, est un programme dédié aux femmes exilées qui organise notamment des groupes de parole sur les violences de genre et l’égalité femmes-hommes, dans des ateliers en non-mixité.

Un accompagnement à l’accès aux droits est ensuite réalisée en lien avec la permanence médico-psycho-sociale dédiée aux femmes hébergée à la SPADA (structure de premier accueil des demandeurs d’asile) de Paris.

infomigrants

You may like