Un nouveau mur sera bientôt érigé à la frontière entre la Turquie et la Grèce, dans la région de l’Evros. Il s’ajoute à la barrière d’acier construite par Athènes à ce même endroit pour empêcher les passages de migrants.
Bientôt un nouveau mur aux frontières de l’Europe. Celui-ci se déploiera le long de la frontière entre la Grèce et la Turquie, afin de prévenir les entrées irrégulières de migrants dans l’Union européenne (UE), a annoncé mardi 4 mars le gouverneur de la province turque d’Edirne, Yunus Sezer. « Il est prévu de construire dans un premier temps 8,5 kilomètres cette année », a-t-il précisé.
Le responsable a ajouté que d’autres portions de ce mur devraient être érigées ultérieurement le long de la frontière terrestre entre la Turquie et la Grèce, longue de quelque 200 kilomètres et presque intégralement formée par le fleuve Evros.
La construction de ce mur s’inscrit dans le cadre de l’accord signé en 2016 entre l’Union européenne et la Turquie pour que le pays garde les exilés sur son sol.
La Turquie a par ailleurs renforcé ses frontières avec l’Iran et la Syrie. Des murs d’une longueur totale de plus de 1000 km séparent le pays de ses voisins.
D’après Hamit Bozarslan, directeur d’études à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et spécialiste de la Turquie, avec la construction de ce nouveau mur à la frontière grecque, Recep Tayyip Erdogan « souhaite faire un geste à l’égard de l’Europe ». « La crise [syrienne] actuelle a des répercussions importantes sur la Turquie et le président sait que l’Europe n’a pas oublié son rôle dans la ‘crise des réfugiés’ de 2015 », affirme-t-il à InfoMigrants.
En clair, Recep Tayyip Erdogan veut faire preuve de sa bonne volonté pour s’assurer du soutien de l’UE.
Radars high-tech et canons sonores
La Turquie et la Grèce sont déjà séparées par endroits par une barrière d’acier dans la région de l’Evros, érigée par Athènes. En 2022, Le Conseil gouvernemental de sécurité nationale (KYSEA) grec avait même validé son extension de près de 40 km, pour arriver à 100 km au total. « Nous contribuons à la sécurité européenne et nous contribuons également à une politique d’asile européenne […] plus efficace », avait déclaré le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis lors d’une visite à la frontière en avril 2023.
Pour stopper les arrivées de migrants, la Grèce a également investi ces dernières années dans un arsenal ultra-moderne : caméras thermiques et radars high-tech accrochés sur les pylônes le long de la frontière, et même deux canons sonores, positionnés au sud et au nord de l’Evros.
Dans cette zone ultra militarisée transitent régulièrement des candidats à l’exil, arrivés là après avoir traversé le fleuve Evros.
Il arrive que certains groupes restent coincés. En août 2022, 38 migrants, dont une femme enceinte et sept enfants, sont restés bloqués sur un îlot. Selon des médias et des militants, ces personnes étaient coincées sur ce bout de terre situé à la frontière entre la Turquie et la Grèce depuis plusieurs jours.
Conséquence tragique de l’isolement de ce groupe : une enfant âgée de cinq ans, prénommée Maria, est décédée, piquée par un scorpion.
Les pushbacks seraient également nombreux dans cette zone, bien que les autorités aient toujours nié avoir recours à ces pratiques. « Les pushbacks existent, j’ai moi-même renvoyé 2000 personnes vers la Turquie », avait confié à InfoMigrants en 2021 un ancien policier à la retraite.
« Régulièrement, mes collègues m’appelaient pour me prévenir qu’ils allaient venir avec des migrants.
Ils étaient généralement rassemblés par groupe de dix environ. Mon rôle était simple : je les faisais monter sur mon bateau, souvent à la tombée de la nuit et je les ramenais vers les côtes turques ».
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