France : à court de solutions, l’Aide sociale continue d’héberger des mineurs étrangers à l’hôtel, même si la loi l’interdit

En France, depuis un an, l’Aide sociale à l’enfance a l’obligation de placer les mineurs qui lui sont confiés dans des structures dédiées. Pourtant, de nombreux jeunes étrangers non accompagnés sont hébergés dans des hôtels, avec très peu de suivi social et éducatif. Dans l’Essonne, au sud de Paris, au moins sept hôtels hébergeraient, pour le département, des jeunes étrangers, selon une estimation de l’association Utopia 56. Rencontre avec deux adolescents camerounais en attente de solutions.

« Là, il est 23 heures, tu es en train de dormir et tu entends l’alarme. Là, c’est quelqu’un qui a fumé dans la chambre. C’est tout le temps comme ça, tu ne peux pas dormir ». Sur son portable, Théodore montre les images filmées à l’intérieur de la chambre d’hôtel où l’Aide sociale à l’enfance l’a placé provisoirement. Impossible de passer une nuit tranquille.

Le mineur camerounais ne s’y sent pas en sécurité :

« Vous ne pouvez pas mélanger des mineurs avec des majeurs et des gens qui viennent polluer l’hôtel et faire autre chose. Les toilettes ne sont pas hygiéniques, donc à tout moment, tu peux avoir une infection. Ou même les stupéfiants, ça fume souvent dans les douches. »

Très vite, les jours se transforment en semaines, puis en mois.

Théodore se lie d’amitié avec Sial, autre jeune âgé de 16 ans, Camerounais comme lui, qui attend d’être placé dans une structure adaptée : « Moi, je suis resté dix mois, alors que normalement, on était censé faire quelques semaines et on devait me placer dans une structure. Mais jusqu’à présent, pas de suite ».

Pourtant, la loi interdit formellement de placer des jeunes dans des hôtels
Pourtant, la loi Taquet adoptée en 2022 encadre strictement le placement des mineurs confiés à l’Aide sociale à l’enfance, qu’ils soient français ou étrangers. « Il y a, par la loi, une interdiction absolue de placer des jeunes dans des hôtels. C’est très clair. En cas d’urgence, une dérogation est possible, mais les mineurs doivent être placés pendant une durée maximum de deux mois dans des centres de vacances et des structures de jeunesse », rappelle l’avocate Johanne Sfaoui.

Les passages des intervenants sociaux sont rares et les journées sont longues pour les deux garçons qui, malgré leurs évaluations de niveau, ne sont toujours pas scolarisés.

« Ils nous ont dit qu’ils cherchaient un établissement, mais pour l’instant, il n’y a rien », explique Sial. Théodore ajoute : « Ils m’ont dit que j’allais normalement rejoindre un lycée, mais que je devais attendre jusqu’en septembre. Et en attendant, on tourne, on tourne… Le soir, on se couche, le matin, c’est pareil… »

Contacté par mail, le département de l’Essonne dit avoir été obligé d’héberger des jeunes en hôtel et travaille à réduire ces hébergements alternatifs.

Théodore sort de sa poche les tickets-repas que se partagent les deux garçons : cinq euros pièce. C’est la seule contribution quotidienne du département. Cinq euros par jour à dépenser, car les repas ne sont pas fournis dans l’hôtel où ils viennent d’être à nouveau transférés pour une durée indéterminée.

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