Paranal : le ciel le plus pur du monde en danger à cause d’un projet industriel

Le ciel le plus pur du monde est en danger. L’observatoire de Paranal, joyau de l’astronomie, est menacé par un projet industriel qui pourrait avoir des conséquences irréversibles sur la recherche scientifique. La bataille pour préserver ce patrimoine scientifique est lancée avec une mobilisation de l’ESO qui vient de publier un rapport alarmant sur l’impact du mégaprojet INNA sur les observatoires concernés.

Le désert d’Atacama, au Chili, abrite l’observatoire de Paranal de l’ESO (European Southern Observatory), reconnu comme l’un des sites astronomiques les plus sombres et les plus clairs au monde. Ce ciel exceptionnel est aujourd’hui menacé par un projet de complexe industriel nommé INNA (Proyecto Integrado de Infraestructura Energética para la Generación de Hidrógeno y Amoníaco Verde).

Ce projet de grande envergure, qui s’étendrait sur plus de 3 000 hectares (une superficie comparable à celle d’une ville comme Valparaiso au Chili, ou Garching près de Munich en Allemagne où se situe le siège de l’ESO), comprend la construction d’un port, d’usines de production d’hydrogène et d’ammoniac, ainsi que de nombreuses unités de production d’électricité.

Sa proximité, à seulement 5 à 11 kilomètres des télescopes de Paranal, suscite de vives inquiétudes.

Trois observatoires majeurs concernés
En outre, le Cerro Armazones, situé à proximité et où se construit actuellement le plus grand télescope optique au monde (ELT), une installation révolutionnaire qui promet de transformer notre compréhension de l’Univers, pâtira également de ce complexe industriel.

Les trois observatoires les plus directement concernés sont le Very Large Telescope (VLT) et son interféromètre VLTI à Paranal, ainsi que l’ELT à Armazones et le Cherenkov Telescope Array Observatory (CTAO-South). Ce dernier est en cours de construction et sera le plus grand réseau de plusieurs dizaines de télescopes Tcherenkov capables de détecter des rayonnements gamma de haute énergie.

L’ESO a tiré la sonnette d’alarme quant aux conséquences désastreuses que ce projet pourrait avoir sur l’astronomie effectuée depuis ces observatoires.

Un rapport récent rendu public par l’organisation met en évidence les impacts négatifs substantiels sur la performance des observatoires, depuis la construction jusqu’à l’exploitation du complexe INNA. L’ESO plaide pour la délocalisation du site afin de préserver « l’un des derniers ciels obscurs véritablement purs de la planète ».

Les principales préoccupations soulevées par l’ESO

La pollution lumineuse : l’augmentation de la lumière artificielle due aux sources lumineuses du complexe INNA réduirait la capacité des télescopes à détecter les objets célestes les plus faibles.

Les vibrations du sol : l’installation d’éoliennes générerait des vibrations et un bruit microsismique qui pourraient affecter la stabilité des télescopes, en particulier le VLTI et l’ELT.

La turbulence atmosphérique : les éoliennes augmenteraient également la turbulence atmosphérique de basse couche, dégradant la qualité des images obtenues par les télescopes.

La contamination par la poussière : la construction et l’exploitation du complexe industriel entraîneraient une augmentation de la poussière, qui se déposerait sur les surfaces optiques des télescopes, réduisant leur réflectivité et augmentant les coûts de maintenance.

Le porte-parole de l’ESO nous répond

Interrogé sur la dégradation des observations qui en résultera, un porte-parole de l’ESO nous a expliqué qu’il est « très difficile de répondre de manière précise aux questions concernant les observations et les études qui ne seraient plus possibles de réaliser depuis ces observatoires, sans faire une étude précise ».

Toutefois, il nous a indiqué que l’on peut « imaginer que la détection des galaxies les plus faibles va être affectée, que les observations du centre galactique déboucheront sur des résultats de moins bonne qualité, de même que la détection d’exoterres avec l’ELT qui nécessite une performance optimale de l’optique adaptative ».

Il a tenu également à préciser que l’ESO est « l’organisation astronomique numéro un au monde, que ce soit par le nombre de ses télescopes et de ses instruments, par le nombre de projets scientifiques menés sur ces mêmes télescopes, ou par le volume des publications scientifiques. Ce résultat est 100 % corrélé à la qualité de son site : sa noirceur, sa turbulence et sa transparence ».

En d’autres termes, « toute opération industrielle qui porterait atteinte aux qualités de ce ciel aura donc forcément des répercutions sur les performances du site ».

La relocalisation de ce projet reste le seul moyen efficace d’empêcher des dommages irréversibles sur le ciel unique de Paranal.

Cette mesure permettra non seulement d’assurer l’avenir de l’astronomie, mais aussi de préserver l’un des derniers ciels obscurs véritablement purs de la planète.

futura

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