Après l’assassinat en juillet 2022 de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe, le gouvernement japonais avait saisi la justice pour obtenir la révocation du statut d’organisation religieuse de la secte Moon. Mardi 25 mars, le tribunal de district de Tokyo, a émis « un ordre de dissolution juridique » de l’Église de l’Unification, fondé en 1954 en Corée du Sud par Sun Myung Moon. Au Japon, la secte a longtemps été connue pour son influence au cœur du pouvoir politique.
L’assassin de Shinzo Abe, Tetsuya Yamagami, reprochait à l’ancien Premier ministre ses liens étroits avec l’Église de l’Unification, plus connue en Europe sous le nom de secte Moon. Par son geste, il avait voulu venger sa famille, ruinée par la secte : sa mère aurait donné environ 100 millions de yens (près d’1 million d’euros à l’époque) à l’organisation.
Lors des campagnes électorales, l’Église de l’Unification mobilisait ses fidèles pour assurer le maintien au pouvoir du Parti conservateur, qui domine la vie politique japonaise depuis plus d’un demi siècle. En échange, l’Église, connue pour ses pratiques agressives, gagnait en respectabilité, explique notre correspondant à Tokyo, Frédéric Charles.
Ce mardi 25 mars, le tribunal de Tokyo prive désormais la secte de toute reconnaissance légale.
Le groupe perdra ses exemptions fiscales, mais, selon le système juridique japonais, cela ne l’empêchera pas de poursuivre ses activités : d’où le terme de « dissolution juridique » utilisé en droit japonais. La saisine était intervenue à l’issue d’une enquête gouvernementale après l’assassinat de Shinzo Abe en juillet 2022.
Le Japon comme bastion financier à la secte Moon
Depuis des décennies, le Japon sert de bastion financier à l’Église de l’Unification, incitant ses fidèles à expier l’occupation de la Corée pendant la guerre et les encourageant à acheter divers objets pour obtenir le pardon de leurs péchés. Jusqu’à présent, seuls deux groupes religieux ont été privés de leurs droits légaux au Japon, dont la secte Aum Shinrikyo, auteur de l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo en mars 1995.
Pendant des dizaines d’années, Aum a levé des fonds considérables au Japon, profitant de la naïveté de ses membres.
Elle vendait notamment à prix exorbitants des livres sacrés pour plus de 200 000 euros l’exemplaire. Ses pratiques de collectes de dons souvent illégales et ses escroqueries lui ont permis de financer aux États-Unis des activités commerciales à grande échelle.
Ses tactiques de recrutement trompeuses étaient tolérées par le pouvoir politique.
Cette décision du tribunal de Tokyo ne marquera probablement pas pour autant la fin des liaisons dangereuses entre la secte et le monde politique japonais. Elle continuera d’opérer et les politiciens auront toujours besoin des colleurs d’affiche et des fonds que lui procurait la secte pour se faire élire.
rfi