Droits de douane : les magnats de la tech et du pétrole dans l’œil du cyclone

Les groupes pétroliers américains faisaient partie des plus fervents soutiens de Donald Trump, et l’arrivée du président républicain à la Maison Blanche a coïncidé avec un positionnement à droite d’une part des Big Tech. Ces deux secteurs prennent de plein fouet l’application des nouveaux droits de douane.

S’en mordent-ils déjà les doigts ? Pour les dirigeants de la big tech et les magnats américains du pétrole ayant misé sur Donald Trump, c’est un peu l’histoire des soutiens se retrouvant fort dépourvus une fois les droits de douane venus.

Bill Ackman, l’un des investisseurs vedettes de la Silicon Valley et fervent partisan du 47e président des États-Unis, a appelé Washington à mettre les droits de douane entre parenthèses afin d’éviter « un hiver nucléaire économique ». Les « 7 Magnifiques » – Apple, Amazon, Microsoft, Tesla, Google, Meta, Nvidia – ont déjà perdu plus de 1 000 milliards de dollars en valeur boursière en moins d’une semaine d’existence des droits de douane, instaurés le 2 avril.

Quant aux producteurs américains de pétrole, très pro-Trump dans leur majorité, ils ont vu le prix de l’or noir passer sous la barre symbolique des 60 dollars, lundi 7 avril, pour la première fois depuis 2021. « Dans la situation actuelle, il faut s’accrocher à ce qu’on a car on fait face à des soubresauts permanents », constate Josh Lorenz, cofondateur et coprésident de la société d’investissement pétrolière et gazière texane PetroLima, interrogé par le Wall Street Journal.

Ces droits de douane représentent « une douche froide pour ces patrons de la tech qui se sont affichés auprès de Donald Trump et les professionnels américains du pétrole qui ont soutenu sa candidature », confirme Alexandre Baradez, responsable de l’analyse de marchés à IG France. Revue de détail.

Les « magnats » du pétrole sacrifiés ? En cinq jours, l’action du groupe pétrolier américain Halliburton a perdu 20 %, celle de son concurrent Liberty Energy a dévissé de près de 30 %, tandis qu’Occidental Petroleum a fait un plongeon de 16 %.

Ce n’est pas franchement ce que les « magnats » américains de l’or noir pouvaient espérer des débuts de la nouvelle ère Trump.

Ils avaient contribué pour près de 10 millions de dollars à la campagne du candidat républicain, espérant en retour ce que le Wall Street Journal a qualifié de « promesse d’un nouvel âge d’or » pour les pétroliers.

L’histoire de cette « renaissance » annoncée pour le pétrole américain ressemble davantage à un choc brutal.

Cette débandade boursière est liée aux droits de douane, mais pas que. « Les prix du pétrole avaient déjà commencé à baisser avec la victoire de Donald Trump car les marchés anticipaient une baisse du risque géopolitique », explique Antoine Andréani, directeur de la recherche pour le courtier en Bourse XTB. Les investisseurs se disaient qu’un Trump protectionniste pousserait les États-Unis à se montrer moins belliqueux notamment à l’égard de la Russie ou de la Chine.

Ce n’est pas vraiment ce qui s’est produit, et pourtant le prix du baril a continué à baisser. « C’est lié à la hausse du risque de récession », explique Alexandre Baradez.

L’or noir représente en effet « un thermomètre de la situation économique internationale », souligne Antoine Andréani. Plus les nuages s’accumulent à l’horizon, plus le prix dégringole car les producteurs et investisseurs anticipent une baisse de la demande de brut en raison d’un ralentissement de l’activité. Depuis l’introduction des droits de douane, les mises en garde contre un risque de crise économique se multiplient.

Les pays de l’Opep, Arabie saoudite en tête, ont également pris les marchés par surprise.

Au lendemain de l’annonce américaine des nouveaux droits de douane, le cartel des pays producteurs de pétrole a décidé d’augmenter la production d’or noir. De quoi rendre le précieux hydrocarbure encore moins cher.

Une décision difficile à comprendre, reconnaissent les experts interrogés par France 24.

Le contexte était déjà favorable à une baisse des prix du pétrole, et l’Opep semble décidée à accélérer le mouvement… quitte, donc, à faire moins de profit. « Il y a probablement un aspect politique, sachant que l’Arabie saoudite veut faire plaisir à Donald Trump pour pouvoir continuer à investir sans entrave aux États-Unis. Les autorités saoudiennes savent que l’une des priorités du président est la baisse des prix de l’énergie et ont pu agir dans ce sens », estime Alexandre Baradez.

Sauf que la chute a été plus brutale que prévu… surtout pour les groupes pétroliers américains.

Si les prix restent trop longtemps aux alentours de 60 dollars « ils vont devoir réévaluer leurs dépenses et leurs investissements », assure le Wall Street Journal.

La Big Tech tombe de haut. Elon Musk, Mark Zuckerberg et autres patrons de la Tech qui ont voulu caresser Donald Trump dans le sens du poil peuvent se demander s’ils ne sont pas un peu les dindons de la farce commerciale.

« Les ‘7 Magnifiques’ ont perdu plus de 30 % de leur valeur boursière depuis fin décembre », résume Alexandre Baradez. Et la tendance s’est accélérée après l’introduction des droits de douane.

Là encore, ce n’est probablement pas ce que ces multinationales pouvaient espérer de la part du président américain. Ils tablaient sur une redite de 2016 « avec des baisses d’impôts et une déréglementation qui favoriseraient leurs activités », note Alexandre Baradez.

Le président américain n’a cependant « pas la même marge de manœuvre qu’en 2016 lorsqu’il avait pris les rênes d’un pays avec un déficit de seulement 3 %. Aujourd’hui, il est à 6 % et les droits de douane sont une manière, brutale mais réelle, de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État », explique Alexandre Andréani.

Les Big Tech ont ainsi dû se rendre à l’évidence : sur la question tarifaire, « Donald Trump apparaît déterminé à aller au bout de sa politique, et semble n’en avoir rien à faire de ces groupes qui l’ont soutenu », remarque Antoine Andréani.

Si les droits de douane ternissent tant l’étoile boursière des stars de la Silicon Valley, c’est par ricochet.

Ces taxes « risquent d’affecter leur activités sur le marché intérieur, car les consommateurs qui vont voir les prix augmenter vont peut-être diminuer leurs dépenses liées aux services internet », indique Alexandre Baradez.

Mais ces géants américains se retrouvent aussi en première ligne de la guerre commerciale qui s’annonce.

« La Chine va peut-être rendre plus difficile pour les entreprises américaines de la Tech d’étendre leurs activités sur son sol, tandis que les Européens peuvent, s’ils veulent vraiment taper fort, décider de taxer les services proposées par ces multinationales », note Alexandre Baradez.

france24

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