Les dérives sectaires en santé et les pratiques de soins non conventionnelles, y compris dans des établissements de santé, sont une source de « préoccupation », met en garde la Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires dans son nouveau rapport.
« L’heure est grave », a jugé François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, dont dépend la Miviludes, lors d’une conférence de presse mardi à l’occasion de la publication du rapport d’activité de l’organisme. En 2024, la Miviludes a reçu 4.571 saisines -13,7% de plus qu’en 2021 et 111% de plus qu’en 2015. Sur tous les signalements reçus entre 2022 et 2024, la santé et le bien-être arrivent en tête (37%), devant les cultes et spiritualités (35%).
Son précédent bilan, en 2022, pointait déjà la santé comme « sujet de préoccupation majeur ».
La pandémie de Covid a « contribué à aggraver la situation, singulièrement à l’égard des plus jeunes », en créant des « fragilités nouvelles (qui) ont permis aux dérives sectaires de s’installer et s’amplifier », selon le ministre. Alors que les malades du cancer restent les plus touchés par ces dérives en santé, la Miviludes s’inquiète désormais du développement de pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) au sein même d’établissements de santé.
Les dérives sectaires infiltrent hôpitaux et maisons de santé
En plus des hôpitaux, les dérives sectaires infiltrent les maisons de santé. « Les mairies ont du mal à remplir leurs maisons de santé avec des professionnels de santé et complètent les bureaux restants avec des praticiens de soins non conventionnels, c’est un vrai problème », regrette sur RTL Pascale Duval, Directrice de l’union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes.
Les PSNC constituent « une forme d’eldorado pour les pseudothérapeutes » qui « promettent la guérison (…) grâce à des jus, des lavements ou des périodes de jeûne », dénonce François-Noël Buffet (LR). Souvent considérées comme « douces », « complémentaires » voire « alternatives et finalement bénéfiques pour la santé », la grande majorité des PSNC « n’a pas été approuvée scientifiquement », rappelle la Miviludes.
Beaucoup de signalements dénoncent ainsi leur « banalisation » sans forcément de « mises en garde ou d’encadrement médical ».
« Aromathérapie quantique »
Les soins de support, notamment en cancérologie, sont particulièrement concernés : « Aujourd’hui, il est courant de trouver des séances de Reiki, de magnétisme ou encore de +bol tibétain+ dans les établissements publics de santé », décrit la Miviludes.
Risque principal : « la prétention de certains pseudothérapeutes à substituer les PSNC à la médecine conventionnelle, excluant totalement le recours à celle-ci ».
En 2024, la Miviludes a adressé 45 signalements au parquet -contre 20 en 2021-, fréquemment « sur des +conseils+ ou +pseudo-soins+ (…) par des pseudothérapeutes n’ayant pas de diplôme reconnu par l’Etat ». Ces « pseudothérapeutes » prônent un régime alimentaire draconien, incitent à la consommation de stupéfiants, de soins à base de pierres (lithothérapie), ou d’examen de tumeur « par appareil +russe à résonance magnétique+ qui contredit le diagnostic de cancer », énumère la Miviludes.
Les personnes en situation de handicap peuvent aussi être victimes.
La Miviludes évoque le cas d’une jeune femme suivie pour troubles psychiatriques qui a cessé son traitement médicamenteux pour des huiles essentielles, suivant « +l’aromathérapie quantique+ ».
L’urinothérapie, une pratique dangereuse
Dans le traitement du cancer, l’organisme alerte sur la dangerosité de l’urinothérapie, méthode « qui consiste à boire son urine » et a été « fatale » pour certaines victimes. Pour mieux sécuriser les soins de support proposés aux malades, la Miviludes, le ministère de l’Intérieur et la Ligue contre le cancer ont renouvelé mardi leur partenariat.
Pour le président de la Ligue, Philippe Bergerot, l’objectif est de mieux informer les malades « sur les dérives potentielles » et de leur donner les adresses où bénéficier de soins de support « dans des conditions sereines ». Autre préoccupation de la Miviludes: la promotion persistante du jeûne comme remède à nombre de maladies.
Elle alerte sur des stages « particulièrement onéreux », l’une des tendances les plus dangereuses consistant à allier pratique sportive intensive et jeûne poussé parfois à l’extrême, comme dans le mouvement « Jeûne et randonnée ».
« S’il y a actuellement des débats relatifs aux effets du jeûne, notamment intermittent, jeûner n’a pas pour effet de vaincre des maladies telles que le cancer. Or, c’est ce que soutiennent certains groupes », dénonce la Miviludes. Des décès liés à des stages de ce type « ont été signalés à l’autorité judiciaire ».
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