Trois migrants ont été acquittés samedi par le tribunal pour mineurs de Mytilène, sur l’île grecque de Lesbos, dans l’affaire de l’incendie du camp de Moria en septembre 2020. Finalement reconnus mineurs au moment des faits, ces trois Afghans ont tout de même passé trois ans en prison. Ils devraient désormais réclamer une indemnisation.
Ils clamaient leur innocence depuis plus de quatre ans.
Trois exilés afghans ont été acquittés vendredi 4 avril par le tribunal pour mineurs de Mytilène, sur l’île grecque de Lesbos. Ils étaient accusés d’avoir volontairement mis le feu au camp de migrants de Moria, qui a totalement détruit le site en septembre 2020. Mais le tribunal a estime que leur implication dans l’incendie n’avait pas été prouvée.
La justice a ainsi annulé la décision donnée en première instance, qui avait condamné ces trois Afghans à 10 ans de prison en 2021.
Ils étaient alors considérés comme des majeurs au moment des faits, malgré la présentation de documents officiels indiquant leur âge (15, 16 et 17 ans). Les autorités n’avaient pas pris en compte ces éléments et s’étaient appuyées sur des radios de leur poignet pour déterminer leur âge – une pratique controversée car elle ne permet pas de donner avec certitude l’âge d’une personne.
« Parodie de procès »
Les avocats de la défense et des ONG avaient à cette époque dénoncé une « parodie de procès ». « Ils ont été condamnés aux peines maximales possibles sans que le tribunal ne reconnaisse la moindre circonstance atténuante. Leur âge aurait dû être pris en compte conformément au code pénal grec.
Ce que nous avons vu, au contraire, c’est une parodie de justice », avait déclaré au Guardian Patrikios Patrikounakis, l’un des avocats chargés de l’affaire.
Les défenseurs avaient également déploré que les charges établies contre les migrants reposaient sur le témoignage d’un autre demandeur d’asile afghan. Mais ce témoin-clé n’était pas présent à l’audience de 2021, car il n’avait pas pu être localisé, selon les avocats.
Les accusés avaient affirmé avoir été victimes de discrimination. Le témoin en question était un Pachtoune pratiquant l’islam sunnite, et les accusés sont des Hazaras, une minorité chiite souvent persécutée en Afghanistan.
En 2024, un cour d’appel avait estimé que le tribunal de première instance n’était pas compétent, ce qui a conduit à un nouveau procès en vertu du droit des mineurs.
« Échec de la justice pénale »
À l’issue du verdict du 4 avril dernier, l’avocat des trois accusés, a déclaré que « cette affaire illustre parfaitement l’échec de la justice pénale lorsque la peur, les stéréotypes et l’opportunisme politique l’emportent ». « Mes jeunes clients ont été détenus pendant près de trois ans et demi dans des prisons inadaptées aux mineurs, sans preuves suffisantes et sans procédure régulière », a rappelé Me Zacharias Kesses.
Les trois Afghans devraient désormais réclamer une indemnisation pour le temps pendant lequel ils ont été injustement détenus en prison.
Dans cette même affaire, deux autres mineurs afghans ont été condamnés en première instance à cinq ans de prison en 2021, puis à quatre ans en appel. Ils ont depuis purgé leur peine et ont été libérés.
Survenus les 8 et 9 septembre 2020, les deux incendies de Moria n’avaient pas fait de victime mais avaient ravagé le plus grand camp de migrants d’Europe où s’entassaient à l’époque environ 20 000 demandeurs d’asile, pour une capacité d’accueil de 3 000 places.
Deux nouveaux camps ont été construits pour pallier la destruction de Moria.
Le premier, prévu pour 2 200 personnes, a été établi temporairement à Mavrovouni. Le second, surnommé « Moria 2.0 » et d’une capacité de 3 000 places, a été construit en septembre 2022 à Vastria, dans le nord de l’île, cristallisant les tensions entre la population insulaire et Athènes.
Le 3 décembre 2020, l’Union européenne et Athènes avaient conclu un accord sur la construction d’une nouvelle structure fermée, à l’image de celui de Samos, pour remplacer Moria, malgré la contestation des ONG, des personnes migrantes et des habitants de l’île. Quatre ans plus tard, le projet n’a toujours pas vu le jour.
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