Le Premier ministre sera entendu le 14 mai par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les violences à l’école. Sa défense est mise à mal.
L’ affaire Bétharram continue de poursuivre François Bayrou. Elle se rapproche même. Le Premier ministre sera auditionné le 14 mai par la commission d’enquête parlementaire, a annoncé sa présidente, la députée PS Fatiha Keloua Hachi. Le locataire de Matignon sera entendu en tant qu’ancien ministre de l’Education nationale, poste qu’il a occupé entre 1993 et 1997 sous les gouvernements Balladur et Juppé.
Plusieurs anciens ministres de l’Education nationale seront également entendus, comme Nicole Belloubet, Ségolène Royal, Jean-Michel Blanquer, Pap Ndiaye, l’actuelle titulaire du poste, Elisabeth Borne, ainsi que Gérald Darmanin, ministre de la Justice.
Lancée en février, cette commission d’enquête porte, plus généralement, sur « les modalités du contrôle par l’Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires ». Les rapporteurs en sont Paul Vannier (La France insoumise) et Violette Spillebout (Renaissance).
François Bayrou sera au pied du mur. « À la lumière des auditions tenues ce matin relatives aux violences au sein de Notre-Dame de Bétharram, la parole de François Bayrou est très attendue par notre commission d’enquête », a ajouté Fatiha Keloua Hachi sur X. La parole se libérant, la commission d’enquête totalise aujourd’hui 200 plaintes sur le seul établissement de Bétharram.
Défense jugée « maladroite »
Accusé par la gauche d’avoir menti après avoir déclaré à l’Assemblée nationale ne rien savoir des violences et agressions sexuelles au sein de l’établissement de Bétharram, à côté de Pau, François Bayrou « récuse » tout mensonge et dénonce des « polémiques artificielles ». Mi-février, après avoir rencontré plusieurs anciennes victimes à Pau, ville dont il est maire, il avait assuré avoir « fait tout ce qu'[il] devait faire » quand il était ministre de l’Education.
Mais François Bayrou, dont les enfants ont fréquenté l’établissement, n’arrive pas à tourner la page Bétharram.
« Je suis convaincu que François Bayrou était au courant parce qu’il s’est rendu sur place à la suite de l’affaire de la plainte pour maltraitance en 1996. Il est venu à Bétharram régulièrement, à plusieurs moments », se souvient Eric Arassus, une victime qui envisage de porter plainte, interviewé par France3 Nouvelle Aquitaine.
François Bayrou est même accusé d’être intervenu dans une enquête pour viol.
Alain Hontangs, ancien gendarme, l’a répété devant la commission d’enquête après l’avoir dit sur TF1 en février. Il a indiqué qu’un magistrat, le juge d’instruction Christian Mirande, lui avait parlé d’une « intervention » de François Bayrou quand il enquêtait sur des faits de viol visant un religieux de l’établissement en 1998.
« La présentation est retardée, le procureur général demande à voir le dossier, il y a eu une intervention de Monsieur Bayrou », aurait dit le juge au gendarme, selon ce dernier.
Le juge se rappelle bien que le procureur général lui a « demandé de différer la présentation de Carricart », ce qui était « surprenant ». Mais il dit n’avoir « aucun souvenir » d’avoir parlé d’une intervention de François Bayrou. Le religieux avait été remis en liberté.
Après les déclarations de ce gendarme sur TF1 en février, le Premier ministre avait affirmé à l’Assemblée nationale n’être « jamais » intervenu, « ni de près, ni de loin », dans cette affaire. Egalement auditionné, sous serment comme l’ancien gendarme, par la commission, le juge Christian Mirande a répété aussi que François Bayrou était venu le voir chez lui durant l’affaire de viol, en 1998, pour évoquer cette dernière.
François Bayrou avait d’abord nié, avant d’évoquer une rencontre fortuite.
Depuis le début de cette affaire, la défense de François Bayrou est jugée maladroite. Il accuse notamment la gauche de vouloir utiliser cette affaire pour le déstabiliser politiquement.
« Moment de vérité »
Selon Paul Vannier, ces récentes auditions devant la commission d’enquête « remettent en cause la version du Premier ministre, de sa connaissance des faits de violences physiques et sexuelles à l’époque, interrogent sur son inaction et sur les propos qu’il a tenus devant les députés à l’Assemblée nationale et devant les victimes de Bétharram à Pau ».
« Les trois auditions de ce matin [jeudi 10 avril, NDLR] nous ont apporté des éléments probants, concrets, pour questionner convenablement François Bayrou.
Il va falloir que ce 14 mai soit un jour de vérité », a ajouté Fatiha Keloua Hachi. « Le Premier ministre avait déclaré qu’il se rendrait devant la commission quand il serait convoqué. C’est désormais le cas », a réagi Matignon.
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