« Les cartes, les cartes, les cartes. On a tous été tous obnubilé par ça ces derniers temps ». Au dernier jour de la campagne d’adhésion ce jeudi 17 avril pour pouvoir voter à la présidence des Républicains lors du congrès du parti les 17 et 18 mai, l’un des députés engagés dans le camp de Laurent Wauquiez montre que la question est dans toutes les têtes.
Dans une campagne disputée entre le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qui fait figure de grand favori et le président des députés LR, l’adhésion de nouveaux militants symbolisée par leur carte qui leur permet ensuite de voter pour leur favori a tourné à l’obsession ces dernières semaines. Des plus classiques aux plus surprenantes, les techniques sont nombreuses pour faire venir de nouveaux adhérents.
Des appels en pagaille
Au menu d’abord, des campagnes de « phoning ». Concrètement, des militants s’occupent de démarcher par téléphone des anciens adhérents qui ont un temps été membres du parti en leur proposant de repayer une cotisation pour pouvoir soutenir Bruno Retailleau ou Laurent Wauquiez. Avec un objectif au-delà de leur retour dans le mouvement: les pousser à faire adhérer leurs proches.
« Si vous avez le mari d’une famille qui revient et qui amène dans son giron son épouse, son frère et ses enfants, à la fin vous avez presque fait 5 ou 6 cartes. Le mieux, c’est encore si les nouveaux adhérents font pareil de leur côté », sourit auprès de BFMTV le député LR Jean-Didier Berger, soutien de Laurent Wauquiez.
Quant aux meetings, ils ne sont pas seulement pensés pour faire de belles images dans la presse mais aussi pour « avoir dans la même salle des centaines de gens prêts à voter pour vous », assume de son côté un sénateur LR qui fait la campagne de Bruno Retailleau.
« Bloquer les sorties » des meetings
Des tables sont installées à l’entrée du meeting avec l’espoir que toutes les personnes présentes prennent leur carte à l’issue de la réunion. « De préférence, vous mettez des jeunes avec des pulls de couleur qui vont aller alpaguer des gens âgés. Ça marche d’autant mieux si votre candidat a insisté sur le fait de prendre sa carte pendant son discours », décrypte un ancien LR, désormais parti dans le camp d’Éric Ciotti.
« Parfois, ça tourne un peu au harcèlement.
En mars, on en était à bloquer presque les sorties pour être certain que personne ne quittait de la salle sans avoir pris sa carte », reconnaît un soutien de Laurent Wauquiez.
Dernière pratique: les rafales de SMS de maires LR à leurs administrés qu’ils savent proches de leurs idées. « Moi, je peux faire 50 textos en 3 minutes et ça marche très très bien dans mon département », se réjouit un édile.
Le spectre du chien Douglas
Mais dans la course aux adhésions avec l’espoir de gagner la compétition interne, les méthodes peuvent parfois bien plus discutables au point qu’un chien, appelé Douglas, avait même pu voter pour Valérie Pécresse, alors candidate pour la primaire LR, en décembre 2021.
Le journal Libération avait jeté un doute sur la sincérité du scrutin, expliquant que de nouveaux militants, fraîchement inscrits pour voter aux primaires, n’avaient aucun intérêt pour la politique.
Autant dire que dans le contexte de la compétition à très haute tension entre Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, chaque camp pourrait soupçonner l’autre d’aller chercher des adhérents loin du cœur de cible des LR.
« C’est pas très savant. Vous êtes élu local, vous allez voir une association communautaire en leur disant que si ses membres pouvaient adhérer aux LR et voter pour votre candidat, ça serait pas mal », avance un ancien des Jeunes LR.
Des nouveaux adhérents pas forcément « sincères »
« Imaginez si des dizaines de maires font ça dans un scrutin avec probablement 80.000 ou 90.000 adhérents. Ça représente un paquet de monde à la fin », ajoute ce bon connaisseur des scrutins internes.
L’adhésion n’a en effet rien de bien compliquée: il suffit d’indiquer son nom, ses adresse postale, son numéro de téléphone et son mail, sans aucune vérification de titre d’identité. C’est ensuite sur les coordonnées indiquées qu’est envoyés un code de sécurité le jour J du scrutin pour vérifier que la personne qui vote en ligne est bien celle inscrite.
« On va bien vérifier que la personne qui vote existe mais non, en effet, on ne pourra jamais s’assurer que sincèrement, elle est intéressée par l’avenir de la droite », assume un sénateur LR.
Des règles qui peuvent se contourner
Avec le risque d’altérer la sincérité du scrutin? Du côté du parti, on assure que toutes les dispositions ont été prises pour éviter que la même personne puisse adhérer à plusieurs reprises et obtenir à elle seule plusieurs cartes d’adhérents.
Dans le guide électoral publié par le mouvement, il est ainsi bien précisé qu’une « même carte bancaire ne peut pas être utilisée pour payer la cotisation de plus de 4 adhérents ».
Mais une faille existe dans le système: celle de la possibilité de générer des cartes bleues virtuelles qui, tout en étant reliées au même numéro de compte, changent en permanence leurs numéros. Autrement dit, une même personne pourrait utiliser à l’infini la même carte bleue pour multiplier les adhésions sans que le système ne s’en rende compte.
« La question n’a jamais été évoquée », reconnaît à BFMTV l’une des porte-paroles du mouvement, Alexandra Borchio-Fontimp, qui se veut cependant rassurante. Et de compter sur la vigilance des deux camps tout comme de la Haute autorité des LR chargée de veiller à la régularité du scrutin.
« On aura un gros problème »
« Évidemment qu’il y a des failles dans ce système de vote et que certains vont s’en servir. Mais c’est compliqué de voter plusieurs fois parce qu’il faut notamment multiplier les adresses IP (qui identifient les appareils connectés NDLR) qui sont limitées pour voter », juge un député qui suit de près le dossier.

« C’est plus facile d’aller chercher des gens à qui vous expliquer que l’adhésion n’engage pas à grand-chose », reconnaît ce parlementaire.
Plusieurs territoires seront très scrutés commme les Alpes-Maritimes, dirigées par Michèle Tabarot qui soutient Laurent Wauquiez ou encore les Yvelines, vues comme un réservoir de voix pour Bruno Retailleau.
Si on trouve quelques centaines de cartes un peu étranges sur un scrutin à 90.000 adhérents, ça ne change rien et ça arrive dans tous les partis. Si c’est massif, c’est autre chose et là on aura un gros problème », reconnaît-il encore.
Dans les équipes des candidats, chacune scrutera précisemment l’état des forces dans chaque département dès le 18 avril lors des premières remontées du parti.
bmftv