100 000 Afghans ont quitté le Pakistan depuis le lancement d’une campagne d’expulsion massive, le 1er avril, a annoncé mardi le ministère pakistanais de l’Intérieur. Islamabad accuse les trois millions de résidents afghans sur son sol d’être « liés au terrorisme et au narcotrafic ».
Depuis que le Pakistan a lancé le 1er avril une campagne d’expulsion massive, « 100 529 Afghans ont quitté le pays », pour plus de la moitié des enfants, dans lequel certains résidaient depuis des générations a annoncé, mardi 22 avril, le ministère pakistanais de l’Intérieur.
Islamabad, qui voit les violences exploser dans ses régions frontalières avec l’Afghanistan, accuse les trois millions d’Afghans sur son sol d’être « liés au terrorisme et au narcotrafic ».
Fin 2023 déjà, quelque 800 000 Afghans étaient rentrés dans leur pays d’origine lors d’une première campagne similaire.
Au Pakistan, cette nouvelle campagne bénéficie d’un large soutien de la population. « Les loyers ont doublé depuis l’arrivée des Afghans », lance Tanveer Ahmad, coiffeur d’Islamabad de 41 ans. « Ils sont venus pour obtenir le statut de réfugié, mais ils ont fini par voler les emplois des Pakistanais qui ont déjà du mal à s’en sortir », martèle-t-il.
À l’inverse, un commerçant s’inquiète, en refusant de donner son nom : « Les Afghans acceptent des tâches dont les Pakistanais ont honte, comme ramasser les ordures. Qui le fera après leur départ ? ».
De son côté, Kaboul, dont le gouvernement taliban n’est reconnu par aucun pays au monde, se dit « préoccupé » et « déçu » par ces expulsions et accuse son voisin d’utiliser les migrants « à des fins politiques ».
Désormais, chaque jour, des convois de familles juchées avec leurs ballots faits à la hâte sur des camions colorés franchissent les deux postes-frontières entre le Pakistan et l’Afghanistan.
« Je suis né au Pakistan et je n’ai jamais mis les pieds en Afghanistan », s’inquiète Allah Rahmane, 27 ans, rencontré samedi par l’AFP au poste-frontière de Torkham, dans le nord-ouest du Pakistan.
Installés au Pakistan depuis des générations
« Nous n’avions jamais pensé que nous retournerions en Afghanistan. Quand nos parents nous ont dit qu’il fallait partir, nous avons pleuré », raconte l’adolescente qui vit avec six membres de sa famille sous la chaleur écrasante d’une tente du camp d’Omari, à Torkham, l’un des deux postes-frontières entre les pays voisins.
Les quatre frères et la sœur de Nazmine Khan sont également nés au Pakistan, où leurs grands-parents se sont installés dans les années 1960.
Leur tente est quasi vide : deux coussins, un linge faisant office de matelas, aucune couverture, mais une nuée de mouches et une multitude d’enfants aux doigts noircis et aux habits troués qui entrent et sortent.
« J’ai eu peur d’être humilié par la police avec ma famille », raconte Allah Rahmane, donc « on rentre en Afghanistan parce qu’on n’a vraiment aucun autre choix ».
Là-bas, ne cessent de répéter les ONG, ces migrants de retour ne trouveront que marasme économique et pauvreté galopante. Nombre d’entre eux n’ont pas attendu de se faire arrêter pour partir, imaginant leur sort inéluctable.
Car si les violences ont quasiment disparu depuis le retour au pouvoir des talibans à l’été 2021, plus de la moitié de la population a besoin d’aide humanitaire pour survivre, ce qui fait de l’Afghanistan la deuxième plus grande crise humanitaire du monde.
Déscolarisation des enfants
Depuis leur retour au pouvoir en 2021, les autorités talibanes ont imposé ce que l’ONU appelle un « apartheid de genre » : les femmes sont bannies des universités et des parcs. Leur accès au marché du travail est restreint, tandis que les salons de beauté et les salles de sport pour femmes ont été fermés.
Samedi, le Premier ministre taliban Hassan Akhund a dénoncé les « mesures unilatérales » de son voisin et exhorté le chef de la diplomatie pakistanaise Ishaq Dar qu’il recevait à Kaboul à « faciliter un retour digne des réfugiés afghans ».
D’après le HCR, « 58 % d’entre eux sont des enfants » – qui rentrent dans le seul pays au monde où les filles n’ont pas le droit d’étudier au-delà de 12 ans.
Naqibullah, 39 ans, rencontré par l’AFP du côté afghan de Torkham, sait déjà qu’il va devoir déscolariser ses filles. « Au Pakistan, elles allaient à l’école et apprenaient dans différents domaines, ici, elles ne pourront pas étudier et c’est un problème », lance-t-il.
Parmi les Afghans présents au Pakistan, des milliers ont quitté leur pays à la demande d’ambassades qui se sont retirées de Kaboul à la prise de pouvoir des talibans et délivrent désormais leurs visas à Islamabad, notamment.
Selon l’ONU, 85 % des Afghans vivent avec moins d’un dollar par jour.
Les autorités talibanes assurent préparer des villes dédiées aux réfugiés, notamment une dans la province de Nangarhar, mais elle consiste pour l’heure en une piste tracée au milieu d’un désert de cailloux.
Le sort de ces « 12 866 candidats », selon le département d’État américain, est aujourd’hui suspendu à la décision du président Donald Trump de reprendre les programmes d’aide aux réfugiés qu’il a gelés.
Le Pakistan, lui, a donné jusqu’au 30 avril aux ambassades pour évacuer ces réfugiés avant de les expulser également. Et le 30 juin, il réévaluera la situation des plus de 1,3 million de porteurs de carte du Haut commissariat aux réfugiés (HCR).
Avec AFP