L’Algérie a expulsé vers le Niger 1 141 migrants samedi, puis 76 mardi. Tous sont désormais à Assamaka, la première ville nigérienne à une quinzaine de kilomètres de la frontière, selon l’organisation Alarme Phone Sahara. Pour l’ONG qui opère dans cette région depuis plusieurs années, « ce mois d’avril est particulier » car il est marqué par « un pic d’expulsions ».
Si ce genre de refoulements se fait « sans calendrier précis » et de manière régulière, celle du samedi 19 avril étonne par son ampleur. Au moins 1 141 migrants ont été expulsés par l’Algérie vers le Niger, indique à InfoMigrants Azizou Chehou, coordinateur de la plateforme Alarme Phone Sahara (APS) au Niger. « Autant de personnes en une fois, c’est beaucoup par rapport aux autres opérations de ce type », estime-t-il.
Parmi les personnes refoulées, on compte 41 femmes et 12 enfants.
Ces migrants sont originaires de 17 pays différents, notamment des ressortissants d’Afrique de l’Ouest (Guinée, Mali, Niger, Bénin, Burkina Faso, etc), d’autres pays africains comme le Soudan ou l’Éthiopie ainsi que des pays d’Asie comme le Bangladesh.
Abandonnés dans la zone dite du « Point Zero » – un lieu désertique en Algérie à quelques kilomètres de la frontière avec le Niger -, ils ont rejoint la ville d’Assamaka, à une quinzaine de kilomètres, samedi.
« Un pic d’expulsions »
Selon Alarme Phone Sahara qui opère dans cette région depuis plusieurs années, « ce mois d’avril est particulier » car il est marqué par « un pic d’expulsions ». « Nous avons déjà recensé plus de 3 000 expulsions ce mois-ci donc actuellement, nous sommes à plus de 4 000 migrants refoulés depuis le début du mois d’avril », affirme Azizou Chehou.
Les dangers de ces opérations sont immenses. Les exilés sont généralement abandonnés, livrés à eux-mêmes en plein désert. Sans eau ni nourriture, ils doivent parcourir à pied pendant des heures le chemin vers Assamaka où se trouve le centre de transit de l’Organisation internationale des migrations (OIM), le bras de l’ONU qui assiste les retours volontaires des migrants vers leur pays d’origine.
Chaque année, de nombreux exilés disparaissent aussi sans laisser de trace dans le Sahara.
Ils peuvent se perdre, mourir de déshydratation ou être victimes de groupes mafieux. « Rien qu’hier [mardi 22 avril, ndlr], les associations locales nous ont fait part de la découverte de deux cadavres. Et un autre a été retrouvé lundi », ajoute Azizou Chehou.
« Jusqu’à présent, nous avons réussi à gérer tant bien que mal l’afflux, mais les besoins sont énormes », déplore le militant.
« Nous lançons donc un appel à toutes les autorités, européennes comme africaines, pour qu’elles prennent des mesures afin d’arrêter ce genre d’expulsions, surtout en cette période de canicule ». En ce moment, les températures dépassent les 40 degrés dans le désert, rendant « minimes » les chances de survie – sans aide ni eau en quantité suffisante.
Plus de 30 000 expulsions en 2024
Pourtant, les expulsions se poursuivent. Mardi, 76 personnes supplémentaires sont arrivées dans la ville d’Assamaka suite à une opération similaire, précise APS, portant le nombre de migrants refoulés à plus de 1 200 en seulement quatre jours.
Ces opérations menées par l’Algérie sont fréquentes depuis plusieurs années mais elles ont pris une ampleur inédite.
Au moins 31 404 personnes ont été refoulées par les autorités algériennes dans le désert en 2024, un nombre record qui a « dépass[é] tous les chiffres documentés des années précédentes », y compris celui de 2023 avec 26 031 refoulés, souligne Alarme Phone Sahara.
Cette surpopulation de migrants au Niger – notamment à Assamaka et Agadez – concentre toutes les frustrations.
Bloqués là, l’immense majorité des exilés ne parviennent pas à s’intégrer dans le pays et misent tout sur un « retour volontaire » ou une réinstallation dans un pays tiers.
Depuis plus de six mois, 1 900 exilés hébergés dans le centre du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) à Agadez dénoncent quotidiennement leurs difficiles conditions de vie dans la structure sur les réseaux sociaux. Certains y sont accueillis depuis plusieurs années, faute d’alternative ailleurs.
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