Les partenaires européens de l’Allemagne attendent de Friedrich Merz qu’il remplace la fadeur de son prédécesseur Olaf Scholz par un leadership fort – et le prochain chancelier se dit prêt à le faire.
Friedrich Merz devrait être confirmé le 6 mai prochain en tant que chancelier allemand par les partenaires de la nouvelle coalition gouvernementale. Le chef des chrétiens-démocrates (CDU) aura besoin d’une majorité simple à la chambre basse du Parlement, où son groupe et les sociaux-démocrates (SPD) disposent d’une majorité de 28 sièges.
Après la coalition tripartite du chancelier social-démocrate Olaf Scholz – marquée par une inertie allemande sans précédent au sein de l’UE – certains partenaires clés de l’Allemagne, comme la France, la Pologne et les Pays-Bas, se sont félicités de la formation d’un nouveau gouvernement plus énergique pour relever les défis sécuritaires et économiques de l’Europe.
Accroître le soutien allemand à l’Ukraine
Lors d’une action spectaculaire au Bundestag sortant, Friedrich Merz, avec le SPD et les Verts, a ouvert la voie à des dépenses publiques importantes en matière de défense et d’infrastructures en orchestrant une révision du « frein à l’endettement » de l’Allemagne. Le message adressé à l’Europe : l’Allemagne dispose désormais de la puissance de feu nécessaire pour prendre des mesures politiques audacieuses.
Et le prochain chancelier n’a pas tardé à faire des annonces concrètes.
Alors qu’Olaf Scholz s’y était toujours opposé, Friedrich Merz a annoncé qu’il envisageait d’envoyer à Kyiv des missiles Taurus de longue portée fabriqués en Allemagne, dans le cadre d’un programme de soutien européen plus étendu à l’Ukraine.
Dans une interview accordée à la chaîne publique allemande ARD, Friedrich Merz a appelé l’Europe à faire preuve de force face à l’intransigeance russe : « Je ne crois pas que le président russe Vladimir Poutine réagira positivement à tout signe de faiblesse ou à toute offre de paix.
Il doit reconnaître la futilité de cette guerre ».
Le futur chancelier se dit prêt à agir en coordination avec les alliés de la Coalition des volontaires, la France et le Royaume-Uni, qui envoient déjà des missiles Scalp et Storm Shadow à l’Ukraine, ajoutant que l’action « doit être coordonnée, et si elle l’est, alors l’Allemagne devrait y participer ».
Les alliés européens de Kyiv ont salué l’ouverture de Friedrich Merz à l’envoi d’armes, le ministre néerlandais des Affaires étrangères Caspar Veldkamp la qualifiant de « signal important quant à la position de l’Europe dans cette situation ». Son homologue polonais a quant à lui qualifié l’idée de « très bonne ».
Toutefois, dans son pays, le ministre de la Défense par intérim, Boris Pistorius (SPD) – qui conservera probablement son portefeuille dans le nouveau gouvernement – s’est montré peu enthousiaste à l’égard de l’envoi des missiles Taurus lors d’une récente conférence à Hanovre.
Une politique migratoire plus stricte
En ce qui concerne la politique d’immigration et d’asile – la deuxième priorité du programme du futur chancelier -, la coalition s’est engagé à utiliser « toutes les options disponibles » pour lancer une « offensive de retour », notamment en s’appuyant sur les politiques de visa, d’aide et de commerce pour convaincre les pays d’origine de reprendre leurs ressortissants.
En revanche, l’accord n’approuve pas explicitement la construction de centres d’expulsion (dits « centres de retour ») en dehors du territoire de l’UE, mais mentionne une possible suppression du facteur de « connexion » qui interdisait jusqu’à présent l’envoi de migrants vers des pays où ils n’ont jamais mis les pieds.
Dans sa dernière proposition législative, la Commission européenne a supprimé cette condition pour créer la base juridique des « centres de retour ».
En outre, la coalition appelle à maximiser les transferts dans le cadre du règlement de Dublin, qui stipule que le premier pays d’arrivée est responsable de la demande d’asile. Cependant, cette règle est souvent contournée, les migrants poursuivant fréquemment leur voyage vers d’autres États membres.
Cette situation a provoqué des tensions entre l’Allemagne et ses voisins, notamment la Pologne, où des manifestations ont eu lieu contre les transferts au titre du règlement de Dublin.
L’accord stipule que les autorités allemandes maintiendront des contrôles temporaires à toutes les frontières terrestres jusqu’à ce que le règlement de Dublin soit pleinement respecté.
La possibilité d’expulser les migrants en situation irrégulière à la frontière est également envisagée, bien que cela puisse s’avérer litigieux dans la pratique. L’accord souligne que toutes les mesures potentielles seront « constitutionnelles » et respecteront l’asile en tant que « droit fondamental ».
Qu’attendre du prochain gouvernement en matière de lutte climatique ?
En ce qui concerne la lutte contre le changement climatique, Friedrich Merz et ses partenaires estiment que la politique allemande doit passer des « préoccupations liées à la protection du climat » à la croissance économique, en soutenant « les instruments de marché, les solutions techniques et la réduction de la bureaucratie ».
L’accord de coalition stipule que l’Allemagne devrait éliminer son empreinte carbone d’ici 2045, soit cinq ans avant la date butoir de zéro net fixée par l’Union européenne. « Nous voulons rester un pays industrialisé et devenir neutre sur le plan climatique », peut-on lire dans le texte.
Le nouveau gouvernement soutient également l’objectif européen de réduction des émissions nettes de 90 % d’ici à 2040 par rapport aux niveaux de 1990, comme le recommande le groupe consultatif scientifique sur le climat de l’UE et la Commission européenne.
La nouvelle coalition gouvernementale pose cependant plusieurs lignes rouges.
Elle refuse que l’objectif de l’UE pour 2040 n’oblige l’Allemagne à revoir à la hausse son propre objectif pour 2040, qui est de 88 %.
D’autre part, elle souhaite qu’une marge de manœuvre de trois points de pourcentage soit possible en achetant des crédits carbone à des pays hors-UE et en investissant dans la reforestation, l’efficacité énergétique ou dans des projets visant à réduire les émissions.
Le Parti populaire européen (PPE) – dont fait partie la CDU de Friedrich Merz – a déjà soutenu une utilisation limitée des crédits carbone, le coordinateur de la politique environnementale du groupe conservateur, Peter Liese, ayant récemment déclaré que l’Europe devait soit « opter pour des objectifs plus bas, soit inclure des flexibilités importantes ».
euronews