Dans son dernier rapport annuel, Amnesty International alerte sur la diffusion et la banalisation en France de discours qui rejettent les droits humains. L’organisation dénonce notamment « un discours raciste assez décomplexé (…) anti-migrants, islamophobe et antisémite » relayé par certains médias.
« C’est souvent par le langage qu’on prépare le terrain du pire », a déclaré Nathalie Godard, directrice de l’action chez Amnesty International France lors d’une conférence de presse, lundi 28 avril, à Paris. Dans son dernier rapport annuel, publié le lendemain, l’ONG de défense des droits humains alerte sur la banalisation et la diffusion en France de discours qui rejettent lesdits droits et fragilisent l’État de droit.
Elle dénonce notamment « un discours raciste assez décomplexé (…) anti-migrants, islamophobe et antisémite » qui se diffuse largement en France et qui trouve des relais au sein de certains médias.
Ces propos « mettent dans le débat des propositions qui ne sont pas encore mises en œuvre, mais qui sont banalisées progressivement alors qu’elles sont vraiment très clairement contraires aux droits humains », selon Amnesty. Et de citer les propositions d’interdiction du port du voile à l’université, de la suppression de l’Aide médicale de l’État (AME) ou du regroupement familial, « pas encore mises en œuvre » mais bien présentes « dans le débat public ».
Critique de l’État de droit
Selon l’ONG de défense des droits humains, ces débats ont des conséquences directes, notamment sur la politique migratoire « brutale » de la France. « Ces dernières années, les personnes exilées en France ont été ciblées par une frénésie de nouvelles lois, dont les débats préalables ont été systématiquement accompagnés d’un déluge de ‘fake news’ et de déclarations politiques xénophobes », dénonce aussi Anne Savinel-Barras, présidente d’Amnesty International France, dans un communiqué.
« Ces discours et politiques ont des conséquences funestes », ajoute-t-elle, rappelant que plus de 70 personnes migrantes sont décédées en 2024 alors qu’elles tentaient de traverser la Manche en bateau.
Amnesty International déplore également la montée d' »un discours critique sur l’État de droit » en France. « Nous sommes très inquiets de voir qu’il y a dans le discours d’un certain nombre de responsables politiques, une remise en cause de l’indépendance de la justice avec des critiques de l’État de droit » et l’emploi de « termes comme celui du ‘gouvernement des juges' » qui sont « extrêmement dangereux », explique Nathalie Godard.
Or « l’État de droit est un garant de la protection des droits et des libertés », insiste-t-elle : « Sans respect de l’indépendance de la justice, mais aussi sans respect du droit en général et notamment du droit international, il ne peut pas y avoir d’exercice complet des droits et libertés ».
Ces dernières années, les migrants et leurs soutiens ont fait face par ailleurs à une criminalisation particulièrement importante, a révélé l’ONG belge PICUM dans un récent rapport. Elle note que dans un contexte de durcissement de la législation européenne, les migrants sont désormais poursuivis pour l’acte même de migrer illégalement mais aussi de plus en plus pour des accusations de trafic d’êtres humains.
D’après les chiffres recensés par l’ONG en 2024, au moins 91 migrants en Italie, en Grèce et en Espagne ont été incriminés pour facilitation de la migration irrégulière, de contrebande et d’autres chefs d’accusation. Et 84 % d’entre elles étaient poursuivies pour franchissement irrégulier des frontières. En parallèle, au moins 142 militants ont été poursuivis en 2024 pour avoir aidé des migrants en Europe.
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