Le CDEPS a, à plusieurs reprises, par voie de communiqués, informé l’opinion publique sur ses relations avec les autorités étatiques de la troisième alternance politique. En observant une «journée sans presse» le mardi 13 août 2024, notre organisation tenait à exprimer la préoccupation de ses membres et de celle de la corporation, que ce sentiment est bien réel et largement partagé, à faire comprendre notre volonté de défendre à la fois l’entreprise de presse, ses acteurs et une presse libre, citoyenne et républicaine. C’est un engagement sur lequel nous ne faillirons pas.
Les différentes actions menées jusqu’à présent sont liées aux difficultés que les autorités font subir aux entreprises de presse par une pression fiscale non seulement disproportionnée, mais illégale. Il y a là une volonté manifeste de saper leur viabilité pour les pousser à la faillite et conséquemment à la disparition de tous les médias privés, libres et indépendants.
Cette situation inédite exige des entreprises de presse et du CDEPS qui est l’association patronale, d’expliquer, pour que nul n’en ignore, la réalité des faits et surtout de démontrer que les attaques, ciblées essentiellement sur la presse privée, sont fondées sur un mépris à son endroit ou pire, un projet non avoué de la faire taire pour la remplacer par une presse aux ordres.
Les faits qui permettent aujourd’hui de s’inquiéter devant la situation que vivent les entreprises de presse sont bien réels.
1- Le 7 juillet 2024, lors d’une rencontre avec la presse nationale, interpellé sur la situation économique des entreprises de presse et la non-application de l’instruction de son prédécesseur pour soulager celles-ci de dettes fiscales lourdes, le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a répondu en substance qu’il n’avait pas connaissance d’une telle instruction. Puis d’enchaîner, en remettant en cause le droit des entreprises de presse de bénéficier de grâce plus d’une fois, sur le plan fiscal et la pertinence de l’appui au développement de la presse. Or, aucun texte ne stipule qu’une entreprise, quelle qu’elle soit, ne puisse bénéficier, de plus d’une fois, d’une grâce fiscale. Les appuis de l’État, à un secteur économique globalement déficitaire et faible, sont fondés sur une loi. Nous notons que la situation actuelle est en partie la conséquence de «l’oubli» dont ont souffert les entreprises de presse durant la période du Covid-19, parce n’ayant bénéficié d’aucun appui.
2- Le 18 mars 2024, sensibilisé sur la situation précaire des entreprises de presse qui n’ont été soutenues ni pendant la campagne électorale ainsi que cela se faisait auparavant, ni durant la période Covid où l’État a soutenu divers secteurs économiques impactés, le président Macky Sall avait donné instruction par lettre référencée 00619 PR/MSG/sp du 20 mars 2024, au ministre de l’Économie et des Finances pour mettre en œuvre un effacement de la dette fiscale de la presse. Ces instructions sont restées lettre morte. Nous considérons que cette directive présidentielle reste valable, car aucune autre ne l’a amendée. Les entreprises donc devraient bénéficier de ses effets.
3- Le 9 juin 2024, lors d’un meeting politique, sur l’esplanade du Grand Théâtre, le Premier ministre M. Ousmane Sonko a évoqué la presse, en mentionnant notamment sa situation fiscale. À cette occasion, il a déclaré que nos entreprises sont non seulement dans l’illégalité en ne s’acquittant pas de nos obligations fiscales, mais pire, opèrent des détournements sur les impôts ou les prélèvements sur les salaires. En sus, il a accusé la presse d’user de chantage. Une accusation que le CDEPS condamne, parce que fausse.
4- Ces deux déclarations ont eu pour effet dans l’opinion publique de beaucoup d’amalgames, dont le plus répandu est le refus de s’acquitter de leurs impôts. Le point d’orgue a été la sortie du ministre en charge de la Communication le 16 août 2024. À cette occasion, cette autorité a exposé de supposées dettes fiscales et a rendu publique la liste des bénéficiaires du Fonds d’Appui et de Développement de la Presse (FADP), dont il a fustigé la clé de répartition, en mettant curieusement l’accent sur les représentants, dans la commission, des membres des organisations de journalistes. Or ces derniers n’ont aucune prise sur cette opération parce que ne siégeant qu’à titre consultatif.
Cette sortie du ministre de la Communication a créé une incohérence, d’autant plus que le 14 août 2024, le président de la République avait appelé, dans une communication relayée par le communiqué du Conseil des ministre de ce jour, à «un dialogue rénové» avec la presse. Cet appel présidentiel avait été accueilli avec optimisme par toute la communauté de la presse.
5- Le CDEPS s’est donc trouvé face à des déclarations contradictoires, mais aussi à des actions portées contre les entreprises qu’il regroupe. Elles grèvent drastiquement leurs finances en ce que nombre d’entre elles ont vu leurs comptes bancaires bloqués par le biais des ATD (avis à tiers détenteur). Pire, certaines ont essuyé, incompréhensiblement, des refus à leur demande à bénéficier des avantages légaux qu’offre la réglementation: soit un effacement des taxes et des pénalités, soit un accord sur des moratoires. Dans tous les deux cas, le CDEPS note que les autorités fiscales ont fermé, pour nombre d’entreprises, toute possibilité de négociation avec la Direction générale des Impôts et Domaines (DGID).
6- Le CDEPS a aussi enregistré des récriminations relatives aux contrats commerciaux avec des entreprises publiques ou des sociétés nationales. Tous les contrats ont été résiliés unilatéralement et les paiements pour les services faits n’ont pas été suivis de règlement. Le CDEPS ignore les raisons pour lesquelles les autorités ont donné des instructions de cette nature sauf à vouloir priver l’entreprise de presse de recettes prévues et qui, sans elles, créent un manque à gagner important et, par voie de conséquence, handicape fortement leur trésorerie. Avec la résiliation des contrats, il est évident que cette instruction avait pour effet de priver les entreprises de presse de recettes importantes.
La situation actuelle que vivent les entreprises de presse est inédite. Elle fait croire légitimement qu’il y a une volonté manifeste de nuire à certaines d’entre elles et les pousser à la faillite, parce que suspectées injustement de connivence politique. Le CDEPS dénonce cette attitude illégale et immorale menée contre l’entreprise de presse, stigmatisée, accusée de délinquance fiscale parce que suspecte de détournement de deniers publics, de bénéficier indûment de subsides de l’État (Appui au développement de l’État) ou de soutenir on ne sait quel camp politique.
8- Le CDEPS entend défendre les droits des entreprises de presse ciblées par le fisc de manière inacceptable et attend des autorités une prise en compte des instructions contenues dans la correspondance du président Macky Sall pour un effacement de la dette fiscale.
9- Le CDEPS dénonce, par ailleurs, les ruptures de contrats des entreprises de presse avec les entités publiques et réclame que ce qui leur est dû leur soit versé.
10- En ce qui concerne l’appui au développement de la presse, le CDEPS s’interroge sur le retard pour la mise à disposition de ce fonds annuel inscrit dans la loi des finances aux ayants droit. Le CDEPS s’inquiète de tout ce qui précède et qui a contribué à mettre à mal les finances des entreprises de presse qui s’acquittent autant que possible de leurs obligations citoyennes sans rechigner et n’affichent nullement des comportements non éthiques sous la surveillance étroite et ferme du Conseil pour l’Observation des Règles d’Éthique et de Déontologie (CORED).
11- En août 2024, le ministre de la Communication a pris un arrêté pour la mise en place d’une plateforme des médias pour «assainir la presse» et, en octobre, la création de la commission, de validation des entreprises de presse est officialisée. En début décembre, une liste de «médias validés» a été publiée, en dehors des conditions édictées dans le Code de la Presse.
Le CDEPS a déposé un recours devant la Cour suprême, réclamant l’annulation des arrêtés émis par le ministre de la Communication.
Enfin, le CDEPS accompagnera toutes les entreprises membres pour la défense de leurs droits face au fisc et fera tout ce que la loi permet pour défendre le droit d’entreprendre et le droit de presse et ce, avec les moyens dont il dispose en tout lieu et en tout temps.
Pour le Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal (CDEPS),
Mamadou Ibra KANE
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