Conclave: les victimes d’abus sexuels dans l’Église font entendre leur voix

Le conclave qui doit désigner le successeur au pape François s’ouvre ce mercredi 7 mai. Présentes à Rome pour l’occasion, plusieurs associations de défense de victimes de crimes sexuels dans l’Église réclament des mesures réellement efficaces et universelles pour lutter contre ce fléau.

Pour les associations de victimes de prêtres ou évêques pédophiles, c’est le moment où jamais de faire entendre leur voix pour que la lutte contre les crimes sexuels dans l’Église reste un dossier prioritaire à l’agenda du prochain pape.

« On a senti que c’était important pour nous d’être présent à Rome, car on ne peut pas se permettre d’avoir un nouveau pape qui ne prenne pas les mesures nécessaires pour faire cesser les abus et les dissimulations, explique Anne Barrett Doyle, fondatrice du réseau américain BishopAccountability, au micro de notre correspondant à Rome Éric Sénanque. Le pape François a été remarquable sur bien des points, beaucoup de gens pensent qu’il a fait des réformes majeures concernant les abus, mais il a été démontré qu’elles ont peu d’impact. »

Pour les associations de victimes, la tâche du futur chef de l’Église catholique demande du courage.

À commencer par des mesures contraignantes, afin de mieux protéger les mineurs. « Le prochain pape doit faire passer une loi universelle qui dit clairement que tout abuseur d’enfant est privé de son ministère public de manière définitive », estime Anne Barrett Doyle. Pendant des décennies, ces violences sexuelles ont été dissimulées par l’Église catholique. Mais les cardinaux les ont inscrites parmi les principaux « défis » auxquels devra faire face le prochain pape, dont le processus d’élection débutera le 7 mai.

BishopAccountability estime toutefois que cet espoir risque de tourner court en cas d’élection de l’ex-numéro deux du Vatican, le cardinal italien Pietro Parolin.

« Si le cardinal Parolin devient pape, nous aurons un grand maître des secrets à la tête de l’Église catholique et je pense que tout espoir de transparence autour des abus sexuels sera complètement anéanti », a déclaré Anne Barrett Doyle lors d’une conférence de presse, à quelques pas du Vatican.

La militante a cité de nombreux exemples d’obstruction à la justice dans le monde, y compris au Chili, en Grande-Bretagne et en Pologne, mettant en cause, selon elle, le cardinal italien.

Elle a notamment indiqué qu’une commission d’enquête royale en Australie lancée en 2013 avait révélé, quatre ans plus tard, que plus de 4 400 faits de violences sexuelles sur des enfants avaient été signalés aux autorités de l’Église sur des décennies sans que cela ne débouche sur des investigations. Malgré les demandes des autorités australiennes, le Vatican n’avait alors remis des documents concernant que deux prêtres, a déploré la responsable de l’ONG.

Anne Barrett Doyle s’est également montrée très critique envers Luis Antonio Tagle.

Le principal candidat asiatique pour la papauté fut archevêque de Manille de 2011 à 2019, selon elle une « période sombre » sur la question des violences sexuelles dans l’Église. Aucune directive à ce sujet n’est publiée sur le site internet de l’archidiocèse de Manille ni sur celui de Conférence épiscopale des Philippines, a-t-elle assuré.

Dans ce pays, le seul majoritairement catholique d’Asie, seule une victime s’est manifestée publiquement jusqu’à présent, affirme la militante. Son agresseur, dénoncé en 2002, n’a été défroqué qu’il y a trois ans.

Des interrogations ont aussi surgi sur le degré de connaissance du cardinal Tagle autour de l’emploi, par Caritas en Centrafrique, de Luk Delft, un père belge précédemment condamné pour des faits d’agression sexuelle sur mineurs.

Le prélat a été président de Caritas Internationalis, la deuxième plus grande association caritative mondiale, de 2015 à 2022, date à laquelle lui et le reste de l’équipe dirigeante ont été démis par François après qu’un audit du Vatican eut révélé des « déficiences » dans la gestion et les procédures.

La route est encore longue pour changer les mentalités au plus haut niveau de l’Église.

L’ancien archevêque de Lima au Pérou, qui avait agressé un adolescent il y a une quarantaine d’années et à qui le pape François avait retiré les droits cardinalices, a pu néanmoins participer aux réunions de pré-conclave ces derniers jours au Vatican.

RFI

You may like