Controverse autour d’une nouvelle famille d’exoplanètes « potentiellement habitables »

Des scientifiques de Cambridge ont inventé, mardi 24 août, une nouvelle famille d’exoplanètes – baptisées « hycéennes » – qui pourraient multiplier les chances de trouver d’autres planètes habitables dans l’univers. Une théorie qui ne satisfait pas tout le monde dans le milieu scientifique.

Cela ressemble à une bonne nouvelle pour tous ceux qui espèrent déceler des formes de vie extraterrestres. Elles pourraient exister sur un nombre bien plus important de planètes que sur celles qui retenaient l’attention des chercheurs jusqu’à présent, c’est-à-dire les planètes « jumelles » de la Terre.

Une équipe de chercheurs de l’université de Cambridge a défini une nouvelle catégorie de mondes qui pourraient être habitables, baptisés planètes « hycéennes », dans un article accepté le 26 août par la revue Astrophysical Journal.

Déjà onze planètes « candidates »

Celles-ci n’ont rien à voir avec la Terre. Ces exoplanètes – c’est-à-dire en dehors de notre système solaire – sont plutôt des super-Terre ou des mini-Neptune, c’est-à-dire qu’elle peuvent avoir plus de deux fois la taille de la Terre, mais moins de quatre fois, comme c’est le cas pour Neptune.

En outre, une planète « hycéenne » serait recouverte d’eau, dotée d’une atmosphère gorgée d’hydrogène et la température sur sa surface « serait dans la limite de ce qui est considéré comme acceptable sur Terre pour des formes de vie », résume Nikku Madhusudhan, astrophysicien à l’université de Cambridge et auteur principal de l’article sur ces planètes, interrogé par France 24.

« On a trouvé onze planètes candidates ‘hycéennes’ qui se trouvent à plusieurs dizaines d’années-lumière d’ici et qui nous semblent être des mondes très adaptés pour chercher des signatures biologiques », ajoute-t-il.

Pour les auteurs de cette étude, l’existence de mondes « hycéens » potentiellement habitables élargit considérablement le champ des possibles dans la découverte de traces de vie extraterrestre. Il existe, en effet, bien moins de planètes de la taille de la Terre dans l’univers que d’astres plus grands comme ces mini-Neptune.

De plus, les petites planètes – comme la nôtre – ont des signatures atmosphériques beaucoup plus faibles que les plus grandes, ce qui « rend la détection des formes de vie plus facile sur les mondes de type ‘hycéen' », affirme Nikku Madhusudhan.

« Si ces planètes sont habitées, on pourra avoir les premiers relevés de signatures biologiques dans deux ou trois ans seulement », s’enflamme l’astrophysicien de Cambridge. Ce sera grâce au télescope spatial James Webb, qui doit être mis en service cette année « et sera capable de sonder facilement l’atmosphère de ces onze planètes candidates », conclut Nikku Madhusudhan.

K2-18b, exoplanète de la discorde

Mais que les chasseurs d’aliens modèrent leurs espoirs. Les conclusions des chercheurs de Cambridge sont loin de faire l’unanimité. « On ne sait pas si des planètes telles que décrites dans cet article existent réellement. Pour l’instant, c’est purement théorique », affirme Martin Turbet, astrophysicien à l’observatoire astronomique de Genève, contacté par France 24.

Tout l’imbroglio scientifique remonte au point de départ de l’hypothèse des planètes « hycéennes » habitables. Il s’agit d’une exoplanète baptisée K2-18b, située à environ 124 années-lumière de la Terre. L’équipe de Nikku Madhusudhan estime, dans un précédent article publié il y a un an et demi, que cette mini-Neptune pourrait bien présenter toutes les conditions requises : de grandes quantités d’eau, une atmosphère riche en hydrogène et une température acceptable pour la vie à sa surface.

K2-18b devient alors la mère de la famille des planètes « hycéennes ». « À partir de nos recherches sur K2-18b, nous avons établi un modèle qui nous a permis de calculer les conditions nécessaires pour que des planètes avec une atmosphère riche en hydrogène puissent être habitables », explique le scientifique de Cambridge.

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Sauf que Nikku Madhusudhan est un peu seul à trouver que K2-18b pourrait être habitable. « Nous n’avons jamais réussi à reproduire les calculs qui lui ont permis d’arriver à sa conclusion », affirme Jérémy Leconte, astrophysicien à l’université de Bordeaux, contacté par France 24. Les autres scientifiques interrogés par France 24 ont également confirmé avoir des doutes sur le modèle utilisé par le chercheur de Cambridge.

De toute façon, il y aurait « quelque chose qui cloche d’un point de vue physique avec l’idée d’une planète à la bonne température en surface, recouverte d’eau et dotée d’une atmosphère aussi riche en hydrogène », ajoute Olivier Mousis, astrophysicien à l’université Aix-Marseille.

Il explique que sur ce type de monde, il y aurait beaucoup d’eau qui s’évaporerait dans l’atmosphère, générant ainsi un fort effet de serre qui réchaufferait énormément la surface de la planète. « La température de l’océan monterait jusqu’à ce que l’eau devienne hypercorrosive, ce qui n’est pas un environnement accueillant pour la vie », résume Olivier Mousis.

Autant de critiques que Nikku Madhusudhan récuse. « Je n’ai rien contre le fait que des scientifiques puissent avoir d’autres opinions, cela fait partie du nécessaire débat d’idées, mais il n’y a pas eu jusqu’à présent de publications ayant réfuté nos conclusions. Et au bout du compte, c’est bien ça qui compte, non ? », affirme l’astrophysicien de Cambridge.

Au final, le télescope spatial James Webb va peut-être jouer les arbitres de cette querelle de scientifiques, s’il parvient à déceler des traces de vie sur l’une de ces planètes. Et à quoi ces formes de vie ressembleraient-elles ? C’est un point sur lequel Nikku Madhusudhan et les autres chercheurs interrogés par France 24 sont au moins d’accord : on en a aucune idée et tout est possible.

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