Le Portugal annonce l’expulsion prochaine de près de 18 000 immigrés irréguliers

Au Portugal, le gouvernement sortant a annoncé samedi son projet d’expulser à court terme environ 18 000 étrangers en situation irrégulière dans le pays. La déclaration coïncide avec le lancement de la campagne électorale pour les élections législatives anticipées du 18 mai. Autrefois pays d’accueil, le Portugal voit sa politique migratoire se durcir ces dernières années.

Environ 18 000 étrangers vivant sans autorisation au Portugal doivent prochainement être expulsés du pays, a annoncé samedi 3 mai, le ministre de la Présidence, António Leitão Amaro. Les notifications de départ à l’intention des migrants présents illégalement doivent être transmises dès la semaine prochaine. 

Dans un premier temps, 4 500 étrangers clandestins vont recevoir un ordre de départ volontaire pour un délai de 20 jours, a précisé le ministre. Les autorités portugaises misent d’abord sur ces départs volontaires, d’autant plus qu’elles bénéficient de peu de moyens pour reconduire les migrants clandestins aux frontières.

Le gouvernement intérimaire sortant, issu du centre-droit, justifie cette opération inédite, par le besoin de “réguler les flux migratoires afin de pouvoir offrir des conditions d’accueil plus dignes” selon la déclaration du Premier ministre Luis Montenegro faite devant le Conseil européen le 17 octobre dernier.

Le pays a vu sa population étrangère doubler en cinq ans pour atteindre 15 % de sa population totale, soit 1,55 million en 2024 selon l’Agence pour l’intégration, la migration et l’asile (AIMA). Beaucoup d’entre eux sont originaires d’Inde, du Népal et du Bangladesh.

Contexte de campagne électorale

L’annonce a aussitôt suscité de vives critiques. Les associations d’aide aux migrants imputent à l’État cette situation. Face à la hausse des demandes de régularisation, l’agence gouvernementale, déjà en manque d’effectifs, se retrouve incapable de traiter tous les dossiers. Les demandes de papiers sans réponse dépassent les 400 000 d’après le gouvernement et atteindraient même les 500 000 selon la presse locale.

Une situation qui fait craindre aux associations et avocats en droit des étrangers “une augmentation du nombre de migrants en situation irrégulière et une aggravation de leurs souffrances”.

La temporalité de l’annonce a aussi été très critiquée puisqu’elle survient la veille du lancement de la campagne électorale pour les législatives anticipées du 18 mai, convoquées en mars dernier. Candidat à sa succession, le Premier ministre, Luis Montenegro, est accusé de vouloir séduire l’électorat d’extrême-droite pour obtenir la majorité au Parlement.

Comme ses voisins européens, le pays n’échappe pas à la vague de populisme de ces dernières années.

Depuis les élections de 2024, le parti d’extrême-droite Chega (“Assez” en portugais) constitue la troisième force politique au Portugal. Le parti réclame la suspension de l’émission de nouveaux titres de séjour tant que l’agence gouvernementale AIMA n’aura pas traité toutes les demandes déjà déposées.

Durcissement de la politique migratoire

Longtemps pays d’accueil, le Portugal bénéficiait d’une politique migratoire parmi les plus ouvertes d’Europe. Pendant de nombreuses années, les migrants pouvaient obtenir un statut légal en travaillant, en créant une entreprise ou en étant freelance, qu’ils soient entrés de manière régulière ou non dans le pays. 

Adoptée fin juillet 2022 par l’Assemblée Nationale, une loi favorisait grâce à des accords de mobilité notamment avec le Cap-Vert, le Maroc ou l’Inde, la délivrance de visas courts et renouvelables pour les travailleurs dans des secteurs en tension comme le tourisme, la construction, l’industrie textile et chaussure ainsi que les technologies de pointe. 

Cette main-d’œuvre, saisonnière le plus souvent, permet de pallier la démographie en déclin et l’exode rural dans le pays. En 2023, environ 180 000 migrants avaient été régularisés, selon des données du gouvernement. 

Désormais cependant, les autorités opèrent un net virage. Arrivé au pouvoir en avril 2024, le gouvernement de droite modérée de Luis Montenegro a décidé de durcir la politique migratoire.

« Nous sommes prêts à accueillir au Portugal des migrants en provenance de pays où les gens ne voient pas leurs opportunités garanties.

Nous avons besoin de main-d’œuvre, de main-d’œuvre qualifiée, de main-d’œuvre pour les différents secteurs de l’activité économique et nous sommes ouverts à cela, mais cette ouverture ne doit pas être confondue avec une politique de portes grandes ouvertes », avait-il expliqué au Conseil européen le 17 octobre 2024.

La loi adoptée en 2018 par l’ancien gouvernement socialiste qui permettait aux immigrés de demander une régulation s’ils prouvent avoir travaillé depuis au moins un an en cotisant pour la sécurité sociale, a ainsi été abrogée en juin dernier.

Quelques jours avant l’annonce du plan d’expulsion, le ministre António Leitão Amaro avait déjà déclaré à la presse locale que le Portugal devait “revoir son système d’expulsion, qui ne fonctionne pas« .

« Il est important de réaliser que le Portugal est l’un des trois pays d’Europe qui exécutent le moins d’expulsions de personnes ayant reçu l’ordre de partir pour avoir enfreint les règles, y compris pour des raisons de sécurité« , avait-il déclaré. 

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