Entre l’augmentation de la production décidée par l’OPEP+ et les craintes de ralentissement économique, le pétrole trinque et a touché en début de semaine son plus bas niveau depuis 4 ans. Une baisse des prix qui est l’objectif affiché d’un homme : Donald Trump.
En début de semaine, le baril de pétrole a chuté suite à la réunion de l’OPEP+ ce week-end. A cette occasion, le cartel a annoncé une hausse de sa production de 411 000 barils par jour à partir du mois de juin. Une augmentation équivalente à celle décidée le mois précédent. Dans la foulée de cette annonce, le pétrole a ainsi touché son plus bas niveau depuis 2021.
Plus d’offre et moins de demande
Alors que l’OPEP+ devait initialement remettre progressivement sur le marché les 2.2 millions de barils par jour de coupes de production décidées fin 2022, le rythme est finalement plus soutenu. Une décision assez mal accueillie par le marché, au moment où la croissance mondiale est révisée à la baisse, compte tenu de l’impact de la politique commerciale américaine. Mi-avril, le FMI a ainsi révisé à la baisse sa prévision de croissance pour 2025, désormais attendue à 2.8% (contre 3.3% en janvier). Or, une croissance plus faible c’est mécaniquement une demande de pétrole plus faible.
Dans ce contexte, la décision de l’OPEP+ d’augmenter l’offre semble donc surprenante.
D’autant que ces dernières années le cartel faisait en sorte de maintenir les prix à des niveaux relativement élevés. Mais l’Arabie Saoudite semble ne plus vouloir jouer seule le rôle de swing producer (producteur d’appoint). En effet, le royaume saoudien avait réduit sa production de 2 millions de barils par jour, alors que d’autres membres, comme le Kazakhstan et l’Irak, ont privilégié leurs propres intérêts et constamment dépassé leurs quotas.
Si la manœuvre aura un coût pour le budget saoudien – le prix du baril nécessaire à l’équilibre du budget est estimé autour de 90 dollars – l’objectif est à la fois de punir ces pays et de les encourager à davantage respecter leurs quotas, tout en récupérant des parts de marché vis-à-vis de pays aux coûts de production plus élevés, comme les Etats-Unis.
Enjeux géopolitiques
En attendant, la décision prise ce week-end par l’OPEP+ fait écho aux demandes formulées par Donald Trump quelques jours après son investiture. Le 23 janvier dernier, lors d’une intervention à distance au forum de Davos, il déclarait : « Je vais aussi demander à l’Arabie Saoudite et à l’OPEP de baisser le prix du pétrole ».
Il est d’ailleurs intéressant de noter que la nouvelle hausse de production de l’OPEP+ intervient alors que le président américain se rendra au Moyen-Orient la semaine prochaine, pour sa première tournée à l’étranger. D’abord, en Arabie Saoudite, puis au Qatar et au Moyen-Orient.
Dans ce même discours au forum de Davos, Donald Trump liait aussi cette baisse du prix du pétrole à l’arrêt des hostilités en Ukraine : « si le prix baissait, la guerre entre l’Ukraine et la Russie prendrait fin immédiatement ». Si depuis ce discours, il a semblé adopter une posture plutôt favorable à la Russie, il est vrai que la baisse du prix du pétrole est probablement la sanction la plus efficace envers la Russie, et la mesure la plus susceptible de contraindre son effort de guerre. Rappelons que Donald Trump s’était engagé pendant la campagne à conclure un accord de paix entre la Russie et l’Ukraine.
Les prix plus faibles de l’or noir l’aident aussi sur le dossier iranien.
Car en parallèle des discussions entre Américains et Iraniens (sous médiation omanaise) sur le nucléaire, de nouvelles sanctions sur le pétrole iranien ont été annoncées mercredi 30 avril. Des mesures qui ont pour but de renforcer la pression sur l’Iran, et qu’il serait plus difficile de prendre avec un baril à 80 ou 90 dollars.
Promesse faite, promesse tenue
Au-delà des enjeux internationaux, la baisse du prix du pétrole est surtout un enjeu domestique pour Donald Trump. La baisse des prix de l’énergie doit aider à faire baisser l’inflation, et in fine à baisser les taux d’intérêt. Avec un baril de pétrole en baisse de presque 20% en un peu plus de 100 jours au pouvoir, c’est plutôt une réussite. Pour reprendre une formule qu’il adore utiliser : « promises made, promises kept » (promesses faites, promesses tenues).
Sauf que si l’objectif est atteint, le plan ne se déroule pas tout à fait comme prévu
. En effet, l’idée de départ était de baisser les prix grâce à une augmentation de la production américaine, avec un objectif de 3 millions de barils par jour supplémentaires.
Mais, à terme, la baisse des prix pourrait au contraire affecter la production de pétrole américaine.
En effet, selon une étude de la Fed de Dallas publiée en mars, le prix du baril de WTI doit s’élever en moyenne à 41 dollars pour couvrir les frais de gisements américains déjà en opération. Il y a donc encore un peu de marge par rapport au niveau actuel – environ 60 dollars au moment où ces lignes sont écrites – avant que les gisements exploités ne soient plus rentables. Mais dans l’industrie pétrolière, il faut en permanence investir pour simplement maintenir la production.
Or, le prix nécessaire pour lancer des nouveaux forages aux Etats-Unis est estimé par la Fed de Dallas à 65 dollars.
Ce qui signifie que si nous restons sur les niveaux de prix actuels, les producteurs américains couperont les Capex. Et sans investissement dans de nouveaux forages, la production du seul bassin Permien – qui représente à peu près la moitié de la production américaine – baisse chaque année d’environ 400 000 barils par jour.
Enfin, si les prix du pétrole baissent, ce n’est pas pour autant que l’inflation baisse.
Car si les prix du pétrole ont tant reculé, c’est surtout parce que les Etats-Unis ont déclenché une guerre commerciale. Or, les droits de douane auront des conséquences inflationnistes. Ce qui ne permettra pas à la Fed de baisser les taux d’intérêt, malgré les pressions constantes de Donald Trump.
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