Libye : près de 800 migrants expulsés vers le Niger en moins d’un mois

En moins d’un mois, 792 migrants ont été expulsés par les autorités libyennes vers des villes désertiques du nord-est du Niger. « Les personnes arrivent blessées, assoiffées et affamées », alerte l’organisation Alarme Phone Sahara.

Les expulsions de migrants depuis l’est de la Libye vers le nord du Niger s’intensifient. Entre le 28 mars et le 25 avril, 792 migrants, majoritairement nigériens, ont débarqué dans des zones désertiques de la région de Siguidine après avoir été renvoyés de Libye, indique Alarme Phone Sahara (APS). Parmi eux, on compte plusieurs femmes et mineurs.

La plupart ont été expulsés « de manière violente par les forces de sécurité libyennes », précise l’organisation dans un communiqué.

Certaines personnes en revanche semblent être rentrées dans leur pays de manière autonome. « Toutefois, au vu de la situation menaçante en Libye, on peut douter que ces décisions de retour aient été réellement volontaires », signale APS.

En Libye, les exilés peuvent être interpellés dans la rue, sur leur lieu de travail, dans leur appartement… puis placés dans des camions de marchandises à destination du sud du pays, près de la frontière nigérienne, voire même dans le nord du Niger. D’autres sont expulsés directement depuis les centres de détention libyens, selon l’organisation.

Par ailleurs, « il n’est pas rare que les migrants soient contraints de payer l’essence du véhicule d’expulsion ».

« Les personnes arrivent blessées, assoiffées et affamées »
Lorsque les migrants sont renvoyés par la Libye, ils doivent ensuite se débrouiller par leurs propres moyens pour rejoindre la première ville la plus proche. « Les personnes arrivent blessées, assoiffées et affamées », précise APS.

Souvent démunis – d’après des témoignages recueillis par InfoMigrants, les policiers libyens dépouillent les exilés avant de les lâcher dans le désert – les exilés dépendent du soutien de la population locale, « qui les aide avec des dattes ou d’autres dons de nourriture, et les laisse parfois dormir dans leurs fermes, bien qu’elles aient elles-mêmes peu d’argent et de nourriture à disposition », précise Alarme Phone Sahara.

Les volontaires d’APS distribuent également des dattes et de l’eau aux migrants renvoyés, et les accompagnent si besoin dans des dispensaires locaux pour se faire soigner.

« Mais ce soutien ne suffit pas », alerte l’organisation. « Les gens se débrouillent dans la rue dans des conditions précaires ».

Beaucoup se sont rassemblés dans la ville de Dirkou, qui dispose d’un centre de l’Organisation internationale des migrations (OIM), le bras de l’ONU qui assiste les « retours volontaires » des migrants vers leur pays d’origine. Mais la structure, qui compte qu’une trentaine de places d’hébergement, est surpeuplée depuis des mois et ne peut plus accueillir de nouveaux arrivants.

En novembre dernier, APS avait lancé un appel pour venir en aide à 400 personnes dormant à même le sol devant le centre de l’OIM. Depuis donc, la situation semble avoir peu évolué.

Au contraire, elle se dégrade à mesure que les expulsions depuis la Libye se multiplient. Début janvier, 613 Nigériens avaient débarqué en une journée dans la ville de Dirkou après avoir été expulsés de Libye.

Des expulsions aussi depuis l’Algérie
La surpopulation observée dans le centre de Dirkou concerne l’ensemble du Niger, en raison notamment de la lenteur des retours vers les États d’origine opérés par l’ONU.

Depuis la crise sanitaire liée au Covid-19, les transferts vers les pays d’origine des exilés ont été considérablement ralentis.

De manière générale, l’OIM est tributaire des processus imposés par les États d’origine pour délivrer les laissez-passer. Chaque nouvelle exigence de ces derniers – entretiens en vidéoconférence avec le migrant, vaccination Covid, formulaires rébarbatifs, etc. – entraîne un peu plus de retard pour les migrants originaires de ces pays, bloquant ainsi tout le processus et provoquant l’embolie du système d’accueil onusien sur le territoire nigérien.

Des migrants à Assamaka, en 2023. Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants

D’autant que le pays doit aussi composer avec d’autres expulsions, plus à l’ouest. Régulièrement, des dizaines de personnes sont abandonnées par les forces algériennes dans la zone dite du « Point Zero » – un lieu désertique en Algérie à quelques kilomètres de la frontière avec le Niger. Les migrants doivent ensuite rejoindre à pied la ville d’Assamaka, à une quinzaine de kilomètres, où se trouve un centre de l’OIM.

En seulement quatre jours mi-avril, plus de 1 200 personnes ont été refoulées par les autorités algériennes dans cette zone.

Sur l’ensemble de l’année 2024, plus de 30 000 migrants ont été expulsés par l’Algérie vers le Niger. Un nombre record par rapport aux années précédentes.

infomigrants

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