Fin des sanctions sur la Syrie : Trump adoube Al-Charaa avec la bénédiction de MBS

Le président américain Donald Trump a rencontré mercredi à Riyad son homologue syrien Ahmed al-Charaa. Un geste fort, impulsé par Mohammed ben Salmane et Recep Tayyip Erdogan, au lendemain de l’annonce de la levée des sanctions américaines sur un pays dévasté par 13 ans de guerre..

Le président Donald Trump regarde Mohammed ben Salmane saluer chaleureusement le président syrien par intérim Ahmed al-Charaa, le 14 mai 2025 à Riyad, en Arabie saoudite.

C’est une photo historique. Une poignée de main entre Donald Trump, mercredi 14 mai, et le président syrien Ahmed al-Charaa à Riyad, en Arabie saoudite. Une rencontre inédite depuis 25 ans qui s’est déroulée sous le regard ravi du prince héritier Mohammed ben Salmane et avec la présence virtuelle du président turc Recep Tayip Erdogan. Un geste fort qui intervient au lendemain de l’annonce surprise de la levée des sanctions américaines.

« Cela leur donne une chance de s’épanouir. Les sanctions étaient vraiment paralysantes », a répété mercredi le président américain lors d’une rencontre à Riyad avec les dirigeants et représentants des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG). C’est-à-dire l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Qatar, le Koweït et Oman, six États en pleine transformation économique et dont le poids diplomatique déborde largement désormais la seule région du Golfe.

« Nous étions convaincus que cela leur donnerait une chance. Ce ne sera pas facile de toute façon, alors cela leur donne une bonne et forte chance, et j’ai eu l’honneur de le faire », a-t-il affirmé.

Des sanctions américaines depuis 1979
Six mois après la chute de Bachar al-Assad et la fin de 13 ans de guerre, c’est un tournant pour la Syrie, considérée comme un « État parrain du terrorisme », dont l’économie est exsangue. Les premières sanctions américaines avaient été imposées dès 1979 au régime de Hafez al-Assad, le père de Bachar. Sur cette liste, la Syrie côtoyait notamment l’Irak de Saddam Hussein, la Libye de Mouammar Kadhafi et le Yémen du Sud.

Cette inscription, qui était synonyme d’interdiction d’importation ou de vente d’armes, de biens à usage civil et militaire, entraînait aussi l’impossibilité de bénéficier d’investissements étrangers.

En 2004, les États-Unis alourdissent encore ces sanctions en raison de l’implication de la Syrie dans l’instabilité au Liban. Celles-ci concernent alors la quasi-totalité des exportations vers la Syrie, à l’exception des produits alimentaires et des médicaments. Le 26 avril 2005, les dernières troupes syriennes quittent le Liban, mettant fin à près de 30 ans de présence militaire et politique sur le territoire libanais.

Un embargo renforcé en 2011
À partir de 2011, les États-Unis et l’Union européenne imposent des sanctions contre le régime face à la violente répression de la contestation populaire qui fera 500 000 morts en 13 ans, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). À l’embargo sur les armes s’ajoutent le gel des avoirs du gouvernement syrien à l’étranger et l’interdiction de tout investissement américain et de l’importation de pétrole ou produits connexes.

Les personnes liées au régime Assad sont aussi sanctionnées à titre individuel.

Jusqu’en décembre dernier, la tête d’Ahmed al-Charaa, alors connu sous le nom de guerre d’Abou Mohammed al-Joulani, était mise à prix dix millions de dollars. Son organisation, Hayat Tahrir al-Cham (HTC), ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, est toujours considérée comme une « organisation terroriste étrangère » par les États-Unis, l’ONU et certains pays européens.

En 2019, les sanctions sont étendues en vertu de la loi César, référence à César, l’homme qui a exfiltré 55 000 photographies attestant de la torture systématique perpétrée par le régime Assad dans les prisons et les centres de détention à travers le pays. Cette fois, elles concernent les entreprises engagées dans les efforts de reconstruction de l’économie syrienne.

En janvier dernier, les États-Unis décident de lever un certain nombre de sanctions pour redonner un peu d’oxygène à une économie exsangue : les transactions liées aux hôpitaux, écoles et services publics, l’approvisionnement en énergie (gaz, pétrole et électricité) à des fins humanitaires et enfin l’autorisation de l’envoi de fonds personnels à des personnes.

Pourquoi les États-Unis lèvent-ils les sanctions ?
Depuis son arrivée au pouvoir, le président Al-Charaa tente de convaincre la communauté internationale de sa volonté d’instaurer un pouvoir modéré et inclusif, protecteur des minorités malgré les récents massacres notamment contre la communauté alaouite dont est issu l’ancien dictateur déchu Bachar al-Assad.

Une stratégie payante car le président de transition multiplie les déplacements, notamment en France où il a été reçu la semaine dernière par Emmanuel Macron.

« Ces sanctions ont été imposées au régime précédent en raison des crimes qu’il a commis, et ce régime est parti », a déclaré le Ahmed al-Charaa lors d’une conférence de presse avec le chef de l’État français. « Avec le renversement du régime, ces sanctions devraient également être levées, et il n’y a aucune justification à maintenir les sanctions. »

Donald Trump a déclaré avoir pris la décision de la levée des sanctions après une discussion avec le prince héritier d’Arabie saoudite mais aussi avec le président turc Recep Tayyip Erdogan.

Qu’a demandé Trump en échange à Ahmed al-Charaa ?
Le président américain espère toujours obtenir la poursuite de la normalisation des relations des pays de la région avec Israël, à commencer par l’Arabie saoudite. Un processus gelé par MBS au lendemain des attaques du 7-Octobre.

Donald Trump a ainsi demandé au président syrien de rejoindre les « accords d’Abraham », d’après le compte-rendu de la Maison Blanche.

Depuis la chute de la dictature Assad, l’armée israélienne bombarde régulièrement le territoire syrien et occupe la zone tampon dans le plateau du Golan. La semaine dernière, le président syrien a confirmé l’existence de négociations indirectes avec Israël par l’intermédiaire des Émirats arabes unis pour apaiser les tensions.

Le milliardaire républicain a aussi « encouragé » Ahmed al-Charaa à « expulser les terroristes palestiniens », alors que sous les gouvernements Assad, la Syrie a accueilli pendant des décennies de nombreuses factions palestiniennes, notamment des membres du Hamas et du Jihad islamique.

Donald Trump a demandé à Damas d’assumer la responsabilité des centres de détention où sont incarcérés les jihadistes de l’organisation État islamique dans le nord de la Syrie. Les Kurdes des Forces démocratiques syriennes, soutenues par les États-Unis, sont actuellement en charge de la sécurisation de ces prisons.

D’après le New York Times, un partenariat stratégique sur les hydrocarbures et les minerais, à l’image de l’accord conclu avec l’Ukraine, pourrait faire partie du deal conclu avec la Syrie. Les entreprises américaines pourraient ainsi exploiter les ressources naturelles du pays.

Avant le début de la guerre, l’Union européenne achetait 95 % du pétrole exporté par la Syrie, dont la plupart des gisements d’hydrocarbures se trouvent dans des zones sous contrôle kurde, dans le nord-est du pays. La production pétrolière s’établissait à près de 400 000 barils de brut par jour.

france24

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