Les autorités algériennes avaient annoncé dimanche le « rapatriement immédiat » d’agents français envoyés en mission de renfort temporaire en Algérie. La France a répliqué mercredi matin.
Nouvelle passe d’armes entre la France et l’Algérie. Après une première expulsion mutuelle de 24 agents diplomatiques mi-avril, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a annoncé, mercredi 14 mai, l’expulsion de nouveaux diplomates algériens après le renvoi, lundi, de fonctionnaires français en poste à Alger.
De quoi entériner un peu plus la rupture amorcée l’été dernier entre les deux pays, après la prise de position du président français en faveur du Maroc concernant le Sahara occidental – un territoire disputé entre Rabat et les indépendantistes soutenus par l’Algérie. Depuis, les points de crispation se sont multipliés, notamment sur l’immigration, la tentative d’expulsion de l’influenceur Doualemn, l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal par Alger ou encore les spéculations autour de l’enlèvement à Paris de l’influenceur Amir DZ.
• Dimanche, Alger annonce le « rapatriement immédiat de quinze agents français »
Dimanche 11 mai, les autorités algériennes réclament le « rapatriement immédiat » de quinze agents français à Alger, envoyés en renfort temporaire, notamment dans le secteur des visas, pour pallier la précédente expulsion de diplomates mi-avril.
La raison invoquée : des « manquements flagrants et répétés de la partie française au respect des procédures consacrées en matière d’affectation d’agents auprès des représentations diplomatiques et consulaires françaises en Algérie ». Selon les autorités algériennes, ces affectations n’auraient fait l’objet, « ni de notifications officielles, ni de demandes d’accréditation appropriées, comme l’exigent les procédures en vigueur ». Autrement dit, ces agents se seraient vu accorder l’accès au territoire algérien sans procédure officielle.
• Mercredi, la France riposte
La France, qui avait dénoncé immédiatement une décision « injustifiée et injustifiable », a donc riposté mercredi en annonçant le renvoi de personnel algérien en s’appuyant sur le même motif.
« Notre réponse est immédiate, elle est ferme et elle est strictement proportionnée à ce stade, avec la même demande, c’est-à-dire le renvoi en Algérie de tous les agents titulaires de passeports diplomatiques qui n’auraient pas actuellement de visa », a affirmé le ministre sur la chaîne BFMTV, sans préciser leur nombre.
« Les Algériens ont souhaité renvoyer nos agents. Nous renvoyons les leurs », a-t-il encore noté.
Tensions entre Paris et Alger: "Les Algériens ont souhaité renvoyer nos agents, nous renvoyons les leurs", indique le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot pic.twitter.com/oDWh81Ob2P
— BFMTV (@BFMTV) May 14, 2025
• La remise en cause d’un accord bilatéral de 2013
Derrière cet imbroglio administratif affiché se cache la remise en cause d’un accord bilatéral signé en 2013 entre les deux pays, et destiné à faciliter l’octroi de visas et la mobilité des personnels diplomatiques, techniques, administratifs et consulaires affectés dans les représentations des deux pays (ambassades, consulats, instituts culturels…).
Dans le détail, ce texte permet en effet aux ressortissants français ou algériens titulaires d’un passeport diplomatique ou de service en cours de validité d’entrer sur le territoire de l’autre pays sans visa d’entrée, pour 90 jours maximum sur une période de 180 jours. Ce n’est qu’au-delà de cette durée qu’un visa spécifique – un visa diplomatique – est nécessaire. En théorie, les fonctionnaires concernés n’avaient donc pas besoin d’un visa, puisqu’ils étaient en mission de renfort temporaire.
Selon le Quai d’Orsay, l’expulsion des fonctionnaires français a ainsi été prise sur la base d’une « décision unilatérale des autorités algériennes d’établir de nouvelles conditions d’accès au territoire algérien pour les agents publics français détenteurs d’un passeport officiel, diplomatique ou de service, en violation de l’accord bilatéral de 2013 », a précisé Jean-Noël Barrot. Dans cette logique, la France semble donc considérer que les conditions d’application de l’accord ne sont plus réunies.
• Une relation bilatérale « totalement gelée »
Cette nouvelle annonce d’expulsions mutuelles intervient après la décision mi-avril de l’Algérie de renvoyer douze fonctionnaires français sous statut diplomatique ou administratif en réaction à l’arrestation par la France de trois ressortissants algériens soupçonnés d’être impliqués dans la tentative d’enlèvement d’un influenceur algérien : Amir Boukhors, alias Amir DZ. Dans la foulée, l’Élysée avait réagi en expulsant douze diplomates algériens en France et en rappelant son ambassadeur, Stéphane Romatet, pour consultation.
Depuis, les relations entre les deux pays étaient « totalement gelées », déplorait Jean-Noël Barrot dimanche.
• L’affaire Amir DZ derrière ce regain de tension ?
Comme mi-avril, l’affaire de l’enlèvement de l’influenceur Amir DZ a pu venir mettre le feu aux poudres. Dans un rapport d’enquête dévoilé mardi, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le renseignement intérieur français, incrimine un ex-haut responsable de l’ambassade algérienne à Paris dans l’enlèvement en 2024 près de la capitale de cet influenceur, de son vrai nom Amir Boukhors, opposant au régime du président Abdelmadjid Tebboune.
Il s’agit du quatrième protagoniste mis en cause dans cette enquête, menée par un juge antiterroriste parisien.
« S.S », ainsi qu’il est présenté, est un « sous-officier algérien de la DGDSE », un service de renseignement de ce pays, âgé de 36 ans. Il aurait été présent à Paris « sous la couverture diplomatique de Premier secrétaire » de l’ambassade d’Algérie, mais n’a pas été arrêté. Il n’est possiblement plus en France et pourrait faire valoir une éventuelle immunité diplomatique.
Et le cas de cet homme a été également évoqué par le Journal du Dimanche le 11 mai, jour où Alger a notifié à la France de ces nouvelles expulsions.
AFP