« Un écran de fumée » : MSF accuse Israël d’instrumentaliser l’aide humanitaire à Gaza

Médecins Sans Frontières (MSF) dénonce une stratégie de contrôle israélienne visant à maintenir une illusion d’assistance humanitaire à Gaza, tout en privant la population des soins et des ressources essentielles à sa survie.

Par voie de communiqué publié le 21 mai, l’ONG affirme que « l’aide autorisée dans la bande de Gaza n’est qu’un écran de fumée alors que le siège se poursuit ». Selon elle, les quantités actuellement admises – environ 100 camions d’aide par jour, contre 500 avant octobre 2023 – sont « ridiculement insuffisantes » et visent à « éviter l’accusation d’affamer les habitants de Gaza, tout en permettant à peine leur survie ».

Pascale Coissard, coordinatrice d’urgence de MSF à Khan Younès, déclare : « Ce plan est une façon d’instrumentaliser l’aide, d’en faire un outil au service des objectifs militaires des forces israéliennes. »

L’organisation fait état d’une semaine particulièrement violente : au moins vingt établissements médicaux ont été endommagés ou rendus partiellement hors service par les frappes israéliennes, les avancées terrestres ou les ordres d’évacuation. À Khan Younès, le 19 mai, MSF rapporte qu’il y a eu jusqu’à « une frappe par minute » pendant la matinée. L’hôpital Nasser, déjà frappé à deux reprises les mois précédents, a de nouveau été touché, cette fois à proximité immédiate de l’unité de soins intensifs.

La pharmacie centrale de l’établissement, gérée par le ministère de la Santé, a été gravement endommagée, mettant davantage sous pression des stocks de médicaments déjà à un niveau critique.

« Nos équipes ont été contraintes de fermer temporairement le service de consultations externes et la salle de sédation pour les patients en attente ou en convalescence », indique MSF, qui a également suspendu les soins de santé mentale et la physiothérapie, « essentiels pour les patients brûlés, dont la plupart sont des enfants ».

MSF alerte aussi sur les conséquences dramatiques des ordres d’évacuation israéliens.

Le groupe de gestion des sites estime que plus de 138 900 personnes ont été déplacées de force entre le 15 et le 20 mai. Ces mouvements massifs perturbent gravement l’accès aux soins, forcent la fermeture de cliniques comme celle de Sheikh Radwan, à Gaza-ville, et accentuent la surcharge dans les structures encore fonctionnelles.

L’ONG note que l’hôpital de campagne qu’elle opère à Deir Al Balah a vu sa capacité d’accueil augmenter de 150 % ces derniers jours.

Néanmoins, avec moins de 1 000 lits hospitaliers disponibles dans toute la bande de Gaza – contre 3 500 avant la guerre – la situation est décrite comme proche de l’effondrement complet.

« Les attaques contre les civils et les soins de santé doivent cesser maintenant », insiste MSF. L’organisation appelle à une « entrée massive de biens de première nécessité », tout en exhortant les alliés d’Israël à faire pression sur leur partenaire. « Chaque jour perdu renforce leur complicité dans l’anéantissement de la population de Gaza. »

– Situation humanitaire à Gaza

Pour rappel, Israël aurait récemment autorisé une reprise très partielle et largement insuffisante de l’accès à l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, après plus de deux mois de blocus total. Le 20 mai 2025, les Nations unies ont annoncé avoir reçu l’autorisation d’Israël pour faire entrer 93 camions d’aide humanitaire dans l’enclave palestinienne, via le point de passage de Kerem Shalom, une aide qui reste largement insuffisante.

Pendant ce temps, le chef de l’OCHA, Tom Fletcher, a déclaré mardi à l’émission Radio 4 Today de la BBC que 14 000 bébés à Gaza pourraient mourir dans les prochaines 48 heures si les camions d’aide n’atteignaient pas les communautés de l’enclave.

Israël bloque depuis le 2 mars, l’entrée de toute aide humanitaire dans la bande de Gaza, invoquant des raisons de sécurité. Ce blocus a été condamné par plusieurs ONG, dont Médecins du Monde, Oxfam et le Norwegian Refugee Council, qui alertent sur un « effondrement total » de l’aide humanitaire et dénoncent « l’un des pires échecs humanitaires de notre génération ». Dans ce contexte, le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a réaffirmé qu’« aucune aide humanitaire n’entrera à Gaza ».

Depuis la reprise des hostilités le 18 mars 2025, les attaques israéliennes ont causé la mort de plus de 3000 Palestiniens, portant le bilan total à Gaza à plus de 53 000 morts, depuis le début du conflit en octobre 2023 suite à une attaque du Hamas. La majorité des victimes palestiniennes sont des civils, notamment des enfants et des femmes. Malgré l’annonce de cessez-le-feu, les violations persistent, aggravant la situation humanitaire déjà critique.

Pour rappel, la Cour internationale de Justice (CIJ) a ordonné à Israël, le 26 janvier 2024, de prévenir tout acte de génocide à l’encontre des Palestiniens à Gaza et de permettre l’accès à l’aide humanitaire. De son côté, la Cour pénale internationale (CPI) a émis, le 21 novembre 2024, plusieurs mandats d’arrêt, notamment contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis dans la bande de Gaza. [

AA

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