Le gouvernement éthiopien a affirmé lundi avoir repris les villes stratégiques de Dessie et de Kombolcha, dans le nord du pays, plus d’un mois après que les rebelles tigréens du TPLF ont revendiqué s’en être emparés. Ceux-ci assurent s’être retirés en suivant leur propre plan. Mais ils semblent bien perdre du terrain ces derniers jours face à l’armée éthiopienne.
Le service de communication du gouvernement éthiopien a partagé, sur Twitter, les derniers succès de l’armée. « La ville historique de Dessie et Kombolcha, cité commerçante et industrielle, ont été libérées par les vaillantes forces de sécurité », a-t-il posté sur le réseau social, lundi 6 décembre.
Il y a tout juste un mois, les rebelles du Front populaire de libération du Tigré (TPLF) menaçaient la capitale Addis Abeba, après avoir pris le contrôle de Dessie et de Kombolcha, situées sur une autoroute reliant la capitale au nord du pays et à Djibouti. Ils affirmaient avoir atteint Shewa Robit, à 220 kilomètres au nord-est d’Addis Abeba.
Mais depuis que le Premier ministre, Abiy Ahmed, a assuré qu’il dirigerait désormais les opérations sur le terrain, fin novembre, son gouvernement a revendiqué une série de victoires contre les rebelles.
« Le leader du FLPT, Getachew Reda, a assuré sur Twitter que le retrait des forces tigréennes des villes comme Dessie, Kombolcha et d’autres zones dans la région Amhara était planifié et non forcé. Le TPLF avait déjà reconnu des réajustements ‘tactiques’ pour minimiser la vulnérabilité de ses troupes. Mais le gouvernement éthiopien, de son côté, assure que ce sont bien des victoires militaires », rapporte Maria Gerth-Niculescu, correspondante de France 24 à Addis-Abeba.
እንኳን ደስ አለን!!
ድል ምንጊዜም የኢትዮጵያ ነው:: 🇪🇹
— Abiy Ahmed Ali 🇪🇹 (@AbiyAhmedAli) December 6, 2021
« Une prise d’Addis-Abeba semble pour l’instant abandonnée, en tout cas repoussée »
Cité par la chaîne d’État Ethiopian Broadcasting Corporation, Abiy Ahmed a déclaré que les rebelles avaient subi « de lourdes pertes et [étaient] incapables de résister à l’assaut » de l’armée alliée à plusieurs milices pro-gouvernement. « Nous allons battre l’ennemi et la victoire se poursuivra », a-t-il ajouté.
Mercredi 1er décembre, le gouvernement a annoncé que les forces gouvernementales avaient repris le site de Lalibela, célèbre pour ses églises taillées dans la roche et inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, qui était tombé aux mains des combattants tigréens en août.
Le chef du TPLF, Debretsion Gebremichael, a démenti dimanche le fait que le gouvernement était en train de reprendre l’avantage, assurant que les rebelles procédaient à une réorganisation stratégique et restaient invaincus. Mais « l’armée tigréenne semble en difficulté. Au cours des derniers jours, l’armée gouvernementale et ses alliés ont pu avancer considérablement dans les régions Amhara et Afar », observe Maria Gerth-Niculescu.
« En contrôlant des villes stratégiques comme Dessie et Kombolcha, les forces tigréennes avaient pu menacer de descendre vers la capitale Addis-Abeba. Elles avaient aussi pu ouvrir des lignes d’approvisionnement depuis la région Amhara vers le Tigré. La situation a manifestement changé. Une prise d’Addis-Abeba semble pour l’instant abandonnée, en tout cas repoussée », explique notre correspondante.
Des succès à confirmer pour l’armée pro-Abiy Ahmed
Comment expliquer un tel basculement en faveur de l’armée éthiopienne ? Rien n’est clairement établi, mais plusieurs facteurs sont à prendre en compte. « Les drones militaires de l’armée éthiopienne ont pu considérablement affaiblir les positions tigréennes », note Maria Gerth-Niculescu.
« Ensuite, il y a eu une mobilisation populaire considérable pour rejoindre les rangs de l’armée et des milices », ajoute-t-elle. Enfin, l’implication du Premier ministre Abiy Ahmed, qui assure être sur le front en personnes, peut avoir jouer un rôle.
« Reste cette question autour de cette alliance entre le TPLF et l’Armée de libération otomo (OLA). Y aurait-il pu avoir des différends au sein de cette alliance ? Ou bien, le TPLF a-t-il surestimé le rôle de l’armée de libération oromo ? Tous ces aspects restent très flous. »
« Il faudra voir, au cours des prochaines semaines, si le gouvernement parvient à consolider ces gains. Et, si oui, ce qu’il adviendra au Tigré », conclut notre journaliste.
La communauté internationale toujours inquiète face aux exactions rapportées en Éthiopie
Le conflit dans le nord de l’Éthiopie a éclaté en novembre 2020 lorsqu’Abiy Ahmed a envoyé des troupes dans la région du Tigré, la plus septentrionale, pour renverser le TPLF en réponse, selon lui, aux attaques de rebelles contre des camps de l’armée. L’escalade qui a suivi a suscité la panique des chancelleries occidentales, plusieurs pays comme les États-Unis, le Canada et la France ayant demandé à leurs ressortissants de quitter le pays au plus vite.
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Selon l’ONU, les combats ont fait des milliers de morts, plus de 2 millions de déplacés et plongé des centaines de milliers de personnes dans des conditions proches de la famine. Des massacres et des viols collectifs commis par les deux camps ont été recensés. Jusqu’à présent, les efforts diplomatiques déployés par l’Union africaine pour tenter de parvenir à un cessez-le-feu n’ont permis aucun progrès décisif.
Plus tôt lundi, les États-Unis et leurs alliés occidentaux ont tiré la sonnette d’alarme, s’inquiétant d’informations selon lesquelles le gouvernement éthiopien aurait arrêté arbitrairement un grand nombre de personnes sur une base ethnique. « Nous sommes profondément préoccupés par les récentes informations selon lesquelles l’État éthiopien a détenu un grand nombre de citoyens éthiopiens sur la base de leur appartenance ethnique et sans chef d’inculpation », a indiqué le département d’État américain dans une déclaration commune.
L’Australie, le Canada, le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni se sont joints aux États-Unis pour demander au gouvernement éthiopien de « cesser immédiatement » les arrestations, affirmant que « nombre de ces actes constitu[ai]ent probablement des violations du droit international ». Leur communiqué commun cite des informations d’Amnesty International et de la Commission éthiopienne des droits humains faisant état d’arrestations de Tigréens à grande échelle, dont « des prêtres orthodoxes, des personnes âgées et des mères avec leurs enfants ».
« Des personnes ont été arrêtées sans inculpation ni audience devant la justice et seraient détenues dans des conditions inhumaines », ont-ils ajouté, avant de réitérer leur appel à un « cessez-le-feu durable sans conditions préalables ».
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