Le président américain Joe Biden a estimé que la démocratie avait besoin de «champions», y compris aux États-Unis, en ouvrant jeudi 9 décembre un sommet virtuel rassemblant une centaine de pays, dont le choix a provoqué bien des débats. La démocratie dans le monde a besoin de «champions» pour faire face à des «défis importants et inquiétants», a-t-il dit depuis la Maison Blanche, s’exprimant depuis un podium entouré de panneaux créés pour l’occasion, portant l’inscription «Summit for Democracy» et un logo de couleur bleue, orange et blanche.
Le 46ème président américain a reconnu que les États-Unis eux-mêmes devaient «combattre sans relâche pour être à la hauteur de leurs idéaux démocratiques», et convenu qu’aucun des États invités au sommet n’était «parfait». Mais il les a appelés à joindre leurs efforts face aux «autocrates» qui «justifient leurs pratiques et leurs politiques de répression comme le moyen le plus efficace de répondre aux défis du moment», semant le doute sur la capacité des régimes démocratiques à prendre soin de leurs citoyens.
Regain de tensions avec la Chine et la Russie
L’événement, organisé virtuellement à Washington pour cause de pandémie de Covid-19, doit en théorie être reconduit en personne l’an prochain. Le sommet rassemble les représentants d’une centaine de gouvernements, d’ONG, d’entreprises et d’organisations caritatives, mais la liste des invités a provoqué de vives tensions. La Chine et la Russie ont ainsi fustigé leur exclusion. Que les États-Unis s’autorisent à définir «qui est un +pays démocratique+ et qui n’est pas éligible à ce statut» relève d’une «mentalité de Guerre froide», ont écrit fin novembre dans une tribune conjointe les ambassadeurs russe Anatoli Antonov et chinois Qin Gang. L’invitation de Taïwan a aussi fait bondir Pékin, qui considère l’île comme une province chinoise même s’il ne la contrôle pas.
Ce sommet se tient à un moment de vive tension entre les États-Unis et la Chine, mais aussi entre les États-Unis et la Russie. Washington a annoncé lundi qu’il n’enverrait aucun représentant diplomatique aux Jeux olympiques d’hiver de Pékin en février. Les États-Unis ont été rejoints par l’Australie, le Royaume-Uni et le Canada. Pour ce qui concerne la Russie, Joe Biden multiplie les avertissements contre Vladimir Poutine, qu’il espère dissuader d’attaquer l’Ukraine en agitant la menace de lourdes sanctions économiques.
Loin des échanges s’annonçant policés du sommet sur la démocratie, le président américain est engagé dans un rapport de force pur et dur, qui passera jeudi par des consultations avec ses alliés : le président ukrainien, puis des pays membres de l’Otan en Europe de l’Est. De manière plus large, la liste des pays invités ou exclus de ce sommet a fait débat. Le Pakistan, les Philippines, le Brésil dirigé par le président d’extrême droite Jair Bolsonaro sont conviés mais pas la Hongrie, membre de l’Union européenne, où un gouvernement nationaliste est au pouvoir, ou encore la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, pourtant alliée de Washington au sein de l’Otan.
Cela «a toujours été une mauvaise idée»
Le sommet intervient alors que les États-Unis traversent une crise politique sans précédent, l’ancien président Donald Trump et ses alliés conservateurs continuant à dénoncer sans preuves des fraudes électorales qui lui auraient fait perdre l’élection de novembre 2020.
L’attaque violente des partisans de Donald Trump contre le Congrès le 6 janvier a ébranlé la démocratie américaine et le pays reste secoué par les divisions malgré la posture de «rassembleur» du président. À la peine dans les sondages, Joe Biden doit affronter dans un an des élections législatives de mi-mandat qui sont traditionnellement défavorables au pouvoir en place. Ce scrutin pourrait aussi, en cas de succès républicain, pousser Donald Trump à briguer un nouveau mandat en 2024.
Pour Bruce Jentleson, professeur de sciences politiques à l’Université Duke, ce sommet «a toujours été une mauvaise idée», qui attise les tensions sans produire de grandes avancées. «Nous avons des problèmes plus importants que n’importe quelle autre démocratie occidentale», dit-il. «On a attaqué le Congrès, c’était une tentative de coup d’État. On n’a pas vu cela se produire à Paris, au Bundestag (allemand) ou au siège de l’Union européenne à Bruxelles». «Si nous voulons rivaliser, nous devons faire de notre mieux, et c’est vraiment à nous de le faire dans notre pays plutôt que de rassembler cent dirigeants pour dire: “Nous aimons la démocratie”», explique-t-il.
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