Lors d’un sommet virtuel mardi, le président américain a dit sa « profonde préoccupation » face à l’augmentation du nombre de troupes russes à la frontière avec l’Ukraine.
Le président des Etats-Unis, Joe Biden, a « fait savoir » à son homologue russe, Vladimir Poutine, que la Russie s’exposerait à de « fortes sanctions, entre autres économiques », en cas d’escalade militaire en Ukraine, lors du sommet virtuel entre les deux chefs d’Etat, mardi 7 décembre, a annoncé la Maison Blanche dans un communiqué.
Joe Biden a également « exprimé la profonde préoccupation » des Etats-Unis et de leurs alliés face à l’augmentation du nombre de troupes russes à la frontière avec l’Ukraine, selon la Maison Blanche, qui précise que les deux présidents ont aussi évoqué la cybersécurité et leur « travail commun sur des sujets régionaux tels que l’Iran ».
Les Etats-Unis sont prêts à utiliser le gazoduc Nord Stream, par lequel la Russie veut fournir l’Europe en gaz naturel, comme « levier » pour dissuader Moscou d’attaquer l’Ukraine, a dit mardi soir le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan. « Si Vladimir Poutine veut que le futur Nord Stream II transporte du gaz, il ne prendra peut-être pas le risque d’envahir l’Ukraine », a-t-il déclaré lors d’un point presse.
De son côté, Vladimir Poutine a dénoncé le potentiel militaire croissant de l’OTAN aux frontières de la Russi lié au soutien de l’organisation à l’Ukraine. Moscou a donc demandé à Joe Biden « des garanties juridiques » excluant un élargissement de l’alliance vers l’est, a écrit le Kremlin dans un communiqué, après un entretien qualifié de « franc et professionnel ». « Les soldats russes sont sur leur territoire, ils ne menacent personne, le président (Poutine) l’a dit », a assuré le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov.
Joe Biden n’a pas fait de « promesses ni de concessions » face à aux demandes de son homologue russe, a assuré Jake Sullivan. Le président américain estime que tout pays doit pouvoir « choisir librement » avec qui s’associer, a ajouté le conseiller américain à la sécurité nationale.
Pour Washington, le scénario qui se joue aux frontières de l’Ukraine rappelle furieusement 2014 et l’annexion russe de la péninsule de Crimée, puis le déclenchement dans l’Est ukrainien d’un conflit armé qui a fait plus de 13 000 morts. Mais « les choses que nous n’avons pas faites en 2014, nous sommes prêts à les faire aujourd’hui », a poursuivi Jake Sullivan.
Washington promet, en cas d’attaque, d’augmenter son soutien militaire à l’Ukraine, de renforcer ses « capacités » auprès de ses alliés de l’OTAN en Europe de l’Est, et, surtout, d’imposer des sanctions économiques bien plus dures que celles qui ont été empilées sur la Russie, sans grand effet, après 2014.
« Faire table rase de toutes les restrictions »
Répondant aux menaces de sanctions américaines en cas d’opération militaire russe contre l’Ukraine, « Vladimir Poutine a répondu qu’il ne fallait pas rejeter la responsabilité sur les épaules de la Russie » étant donné le comportement de l’OTAN, d’après un communiqué du Kremlin. Il a aussi dénoncé « la ligne destructrice de Kiev » qui cherche à « démonter » les accords de Minsk de 2015, un processus de paix censé mettre fin au conflit entre forces ukrainiennes et séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine, aujourd’hui au point mort.
Vladimir Poutine a par ailleurs proposé à son homologue américain de lever toutes les mesures de rétorsion visant les missions diplomatiques de leurs deux pays prises ces derniers mois. « La partie russe a proposé de faire table rase de toutes les restrictions accumulées concernant le fonctionnement des missions diplomatiques, ce qui pourrait permettre de normaliser d’autres aspects des relations bilatérales » russo-américaines.
Joe Biden s’entretiendra jeudi avec son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, pour discuter de cet entretien, a aussi fait savoir Jake Sullivan. Il a précisé qu’après ce sommet virtuel le président américain avait parlé avec Emmanuel Macron, la chancelière allemande, Angela Merkel, et les premiers ministres italien, Mario Draghi, et britannique, Boris Johnson, pour « les informer [de la conversation] et se consulter sur la marche à suivre ». Tous ont répété leur attachement à « l’intégrité territoriale » de l’Ukraine et promis de rester « étroitement en contact », selon la Maison Blanche.
Emmanuel Macron s’entretiendra « dans les prochains jours » avec ses homologues ukrainien et russe afin d’éviter une escalade militaire en Ukraine, a annoncé l’Elysée dans la soirée.
Des sanctions en cas d’invasion
L’espoir du président américain d’établir une relation « stable » et « prévisible » avec la Russie, exprimé en juin lors d’un sommet entre les deux hommes à Genève, semble avoir vécu.
Washington, l’OTAN et Kiev accusent Moscou de masser des troupes à la frontière avec l’Ukraine en vue d’attaquer le pays. Le scénario rappelle 2014 et l’annexion russe de la péninsule de Crimée, puis le déclenchement dans l’est ukrainien d’un conflit armé avec les séparatistes prorusses qui a fait plus de 13 000 morts.
Le Kremlin dément tout projet d’invasion et reproche à Washington de négliger ses préoccupations : l’activité accrue des pays de l’OTAN en mer Noire, la volonté ukrainienne de rejoindre l’Alliance atlantique et l’ambition de Kiev de s’armer auprès de l’Occident. « La Russie n’a jamais eu l’intention d’attaquer qui que ce soit, mais nous avons des lignes rouges », a assuré lundi Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin.
Beaucoup d’observateurs, en Europe et aux Etats-Unis, pensent que le président russe bluffe avec le déploiement de forces aux frontières de l’Ukraine. Néanmoins, peu écartent complètement l’hypothèse d’une attaque.
Si Moscou devait passer à l’acte, un haut responsable de la Maison Blanche a prévenu que les Etats-Unis « répondraient favorablement » à une demande de présence militaire américaine accrue en Europe de l’Est et soutiendraient davantage l’armée ukrainienne. Washington brandit aussi la menace de sanctions économiques contre le régime russe, et assure qu’elles seraient plus douloureuses que celles qui se sont empilées sans grand effet sur la Russie depuis 2014. « Nous savons bien que la partie américaine a une addiction aux sanctions », a ironisé mardi le porte-parole du Kremlin.
L’Union européenne est elle aussi prête à adopter des sanctions supplémentaires contre la Russie, a prévenu mardi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
La tenue de ce sommet virtuel Biden-Poutine est déjà un succès pour la Russie, qui se veut une puissance géopolitique incontournable et arrache ainsi au moins temporairement le président américain à sa grande priorité stratégique, la rivalité avec la Chine. Cela faisait quelques semaines que le Kremlin réclamait un face-à-face entre les deux présidents.
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