La Rumba congolaise, la calligraphie arabe, le thiéboudiène sénégalais ou encore la lutte sur échasses belge… L’Unesco doit adouber cette semaine quelque tradition des cinq continents. Elles seront classées au patrimoine immatériel, un statut juridique qui protège les héritages culturels menacés.
Une soixantaine de candidatures ont été déposées par des pays ou des groupes d’États, dont le sort sera tranché entre mardi et jeudi. Trois quarts des demandes devraient se voir couronnées de succès, a-t-on appris auprès de l’organisation onusienne.
Le patrimoine culturel immatériel, ou «patrimoine vivant», est «un héritage de nos ancêtres que nous transmettons à nos descendants», définit l’Unesco. Il comprend notamment «les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, les rituels et les événements festifs».
«Pour être définie comme un patrimoine culturel immatériel, une pratique culturelle doit être dynamique… Elle doit avoir un sens dans la vie des gens», explique Tim Curtis, le secrétaire de la convention de l’Unesco sur le sujet, adoptée en 2003. Depuis lors, quelque 500 éléments ont été intégrés à la liste onusienne. Parmi les plus fameux figurent le mariachi mexicain, le sauna finlandais, l’art du pizzaïolo napolitain ou encore le massage thaïlandais.
D’autres sont bien moins connus, telle la pêche aux crevettes à dos de cheval belge, reconnue en 2013, ou le tissage à la main de Haute-Egypte. «Souvent, cette inscription à l’Unesco peut motiver un sens de fierté, un intérêt des jeunes, (or) le patrimoine immatériel est sauvegardé quand les jeunes s’y intéressent», observe Tim Curtis, lors d’un point presse.
Cette année, la vedette des traditions candidates est la rumba congolaise, «une partie intégrante de l’identité congolaise, et un moyen de promouvoir la cohésion et la solidarité entre les générations», souligne l’Unesco. La candidature de ce genre musical dansé collé serré est portée tant par la République du Congo (Congo-Brazzaville) que par la République démocratique du Congo (Congo-Kinshasa).
Autre institution africaine vraisemblablement adoubée, le thiéboudiène, ou ceebu jën, le plat national sénégalais, préparé à base de poisson, de mollusques, de riz et de légumes de saison.
«Il n’y a pas un Sénégalais qui peut rester deux jours sans manger de thiéboudiène», sourit Amadou Diop, le président de l’association des guides de la région de Saint-Louis, dans le nord du pays.
Des symboles pour tous les pays
«Chaque pays a besoin d’une marque, qui l’identifie», poursuit Amadou Diop, un soutien de la candidature du thiéboudiène à l’Unesco, pour qui cette recette ancestrale est «un patrimoine à préserver, à conserver, à valoriser». «On ne fait pas n’importe quoi avec le thiéboudiène», prévient le défenseur de ce plat typique. Et de pester contre l’utilisation par certains de «cubes Maggi», incontournables en Afrique mais «pas typiques» du thiéboudiène.
Autre projet phare présenté à l’Unesco, la calligraphie arabe, défendue par seize pays pour lesquels l’Islam est la religion dominante ou majoritaire. «La calligraphie arabe est la pratique artistique qui consiste à écrire à la main l’écriture arabe de manière fluide afin d’exprimer l’harmonie, la grâce et la beauté», décrit l’agence onusienne.
«La calligraphie arabe a toujours servi de symbole du monde arabo-musulman», remarque Abdulmajeed Mahboob, un cadre de la Société de préservation de l’histoire saoudienne, une ONG d’Arabie saoudite investie dans le projet.
Mais «beaucoup de gens n’écrivent plus à la main du fait de l’évolution des technologies», alors que le nombre d’artistes spécialistes de la calligraphie arabe se réduit fortement, regrette-t-il. L’inscription au patrimoine immatériel de l’Unesco, en ce sens, va «sensibiliser» la population à cette problématique et «aura certainement un impact positif» sur sa préservation, déclare Abdulmajeed Mahboob.
Autre monument vacillant, les joutes sur échasses de Namur, une tradition vieille d’au moins six siècles, qui démarra alors que les habitants devaient se hisser sur des bouts de bois pour traverser cette ville belge fréquemment inondée. «De cette pratique usuelle est né un sport», qui 600 ans plus tard, ne compte plus qu’une centaine de participants, malgré un grand soutien populaire, constate Patrick Dessambre, le président des Echasseurs namurois, qui a porté le projet. «Les joutes sur échasses doivent continuer à se transmettre, et pour cela il faut impliquer au mieux la population», poursuit-il. Ce que le label Unesco devrait faciliter.