L’ONU lance une enquête internationale sur les exactions commises en Éthiopie

Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a décidé vendredi, lors d’une session spéciale, de créer une commission internationale d’experts chargés d’enquêter et de réunir des preuves sur les exactions commises dans le cadre du conflit en Éthiopie.
 
L’ONU a donné son feu vert, vendredi 17 décembre, à un mécanisme international d’enquête sur les exactions commises depuis un an en Éthiopie, une décision qui va « exacerber la situation sur le terrain » selon Addis Abeba.
 
Une résolution en ce sens a été adoptée à l’issue d’une session spéciale du Conseil des droits de l’Homme (CDH) consacrée, à la demande de l’Union européenne, à « la situation grave des droits de l’Homme en Éthiopie ».
 
« Mentalité néocolonialiste »
 
Pour l’ambassadeur éthiopien Zenebe Kebede auprès de l’ONU à Genève, le multilatéralisme a « une fois de plus été pris en otage par une mentalité néocolonialiste ».
 
« Les accusations portées contre mon pays ne sont pas fondées », a-t-il affirmé, assurant que la décision prise allait « exacerber la situation sur le terrain ». « L’Éthiopie est prise pour cible et montrée du doigt au Conseil des droits de l’homme pour avoir défendu un gouvernement démocratiquement élu, la paix et l’avenir de son peuple », a-t-il ajouté.
 
Les pays africains, par la voix du représentant du Cameroun, l’ambassadeur Salomon Eheth, avaient apporté leur soutien à l’Éthiopie, expliquant qu’un tel mécanisme d’enquête « est contre-productif et susceptible d’exacerber les tensions ».
 
La résolution demande la création d’une « commission internationale d’experts en droits de l’Homme ». Trois experts seront prochainement nommés et auront ensuite la lourde tâche d’enquêter et de réunir des preuves sur les violations des droits humains dans le pays en guerre, avec pour objectif d’identifier, dans la mesure du possible, les responsables.
 
Tous les acteurs mis en cause
 
Dans une enquête conjointe avec la Commission éthiopienne des droits de l’Homme, créée par le gouvernement éthiopien, l’ONU a conclu début novembre à de possibles crimes contre l’humanité commis par tous les acteurs.
 
Selon la haute-commissaire adjointe aux droits de l’Homme, Nada al-Nashif, l’ONU continue de « recevoir des rapports crédibles de violations graves et atteintes aux droits humains commises par toutes les parties ».
 
« Il est primordial que les responsables répondent de leurs actes de manière indépendante, transparente et impartiale », a affirmé l’ambassadrice de l’UE, Lotte Knudsen, à l’issue du vote.
 
« Plus d’un an après le début du conflit au Tigré, la dégradation continue des situations sécuritaire et humanitaire, qui affecte désormais l’ensemble des régions du nord de l’Éthiopie, constitue une menace pour la stabilité du pays et pour la région », a souligné pour sa part l’ambassadeur français, Jérôme Bonnafont.
 
« Le danger d’une montée en puissance de la haine, des violences et des discriminations est très élevé, et pourrait dégénérer en violence généralisée. Cela pourrait avoir des conséquences majeures, non seulement pour des millions de personnes en Éthiopie, mais aussi dans toute la région », a également affirmé Nada al-Nashif.
 
Entre 5 000 et 7 000 détenus
 
La guerre a éclaté en novembre 2020 après que le Premier ministre Abiy Ahmed a envoyé l’armée au Tigré en novembre 2020 afin d’en destituer les autorités locales, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qui défiaient son autorité et qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires.
 
Abiy Ahmed avait proclamé la victoire trois semaines plus tard, après la prise de la capitale régionale Mekele. Mais en juin, le TPLF a repris l’essentiel du Tigré et poursuivi son offensive dans les régions voisines de l’Amhara et de l’Afar.
 
Après avoir gouverné de fait l’Éthiopie durant presque 30 ans, le TPLF a été progressivement écarté du pouvoir lorsque Abiy Ahmed est devenu Premier ministre en 2018.
 
Le conflit en Éthiopie a fait plusieurs milliers de morts et plus de deux millions de déplacés, et plongé des centaines de milliers d’Éthiopiens dans des conditions proches de la famine, selon l’ONU.
 
L’ONU déplore également que des milliers de personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’état d’urgence décrété le 2 novembre par le gouvernement et demande que des observateurs indépendants soient autorisés à accéder à tous les lieux de détention.
 
Selon Nada al-Nashif, entre 5 000 et 7 000 personnes sont actuellement détenues – la majorité d’ethnie tigréenne –, dont neufs membres du personnel de l’ONU.

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