Présidentielle au Chili : le candidat de gauche Gabriel Boric élu avec une participation historique

Chile's President elect Gabriel Boric, of the "I approve Dignity" coalition, celebrates his victory in the presidential run-off election  in Santiago, Chile, Sunday, Dec. 19, 2021. (AP Photo/Luis Hidalgo)

L’ancien leader étudiant a remporté le second tour de l’élection avec 55,9% des voix, devant le candidat d’extrême droite José Antonio Kast. Il promet d’aller vers un Etat providence mais n’aura pas la tâche facile, faute de majorité large.

Dès les premiers résultats ce dimanche soir, des centaines puis des dizaines de milliers de personnes ont commencé à converger vers le centre-ville de Santiago, sous les couleurs de drapeaux chiliens, des peuples autochtones ou de celles de la communauté LGBT +. «Le peuple uni ne sera jamais vaincu», crie la foule en attendant le futur président, Gabriel Boric, le plus jeune de l’histoire du Chili.

Un peu avant 22 heures, il apparaît sur l’Alameda bondée, cette même avenue où avec d’autres parlementaires de sa génération, il s’est fait connaître il y a dix ans, en tête des manifestations pour la gratuité de l’éducation.

«Notre génération est entrée dans la vie publique en exigeant que nos droits soient reconnus comme tels et ne soient pas traités comme des biens de consommation», rappelle-t-il après avoir salué ses partisans dans la langue autochtone du peuple mapuche, le principal peuple indigène du Chili (9,6 % de la population). Le trentenaire liste ses propositions de réformes sociales, concernant la santé, les retraites, et l’éducation. Ces secteurs ont été entièrement ou partiellement privatisés sous la dictature du général Pinochet (1973-1990), qui a imposé des réformes néolibérales dans le pays. «Nous ne voulons pas que certains continuent de faire de nos retraites un business», assure le président élu, en référence au système de retraites privé par capitalisation. «Nous allons défendre un système public, autonome, à but non lucratif et sans fonds de pensions privés», conclut-il sous les acclamations de la foule.

Si les sondages réalisés ces dernières semaines donnaient pour la plupart Gabriel Boric vainqueur de l’élection, la distance avec son concurrent semblait se réduire ces derniers jours. Le député du Frente Amplio («Front Ample»), allié au parti communiste et soutenu par la gauche traditionnelle, a finalement largement devancé le candidat d’extrême droite José Antonio Kast (44,1 %), défenseur historique de la dictature et du néolibéralisme, ultraconservateur sur les questions de société.

Un succès d’autant plus franc qu’il s’accompagne d’une participation record depuis l’instauration du vote volontaire en 2009. En effet, 55,6 % des électeurs se sont déplacés, contre 47 % au premier tour.

Devancé par José Antonio Kast le 21 novembre, Gabriel Boric est parvenu à mobiliser autour de lui entre les deux tours grâce à une intense campagne sur le terrain. «Il a inclus dans son équipe des profils plus modérés, des économistes sociaux-démocrates et la présidente de l’ordre des médecins», ajoute auprès de Libération Claudio Fuentes, chercheur en sciences politiques à l’université Diego Portales, à Santiago. De quoi contrer le discours de son concurrent d’extrême-droite, qui assurait que l’avenir du Chili se jouait entre «la liberté ou le communisme» lors de cette élection.

«Gabriel Boric a semble-t-il réussi à mobiliser particulièrement les jeunes, les électeurs des grandes villes, et les classes moyennes à populaires», analyseClaudio Fuentes. Le vote des femmes a probablement été significatif, José Antonio Kast étant ouvertement hostile au droit à l’avortement (même en cas de viol), et proposait avant le premier tour de supprimer le ministère de la femme ou de donner des aides sociales aux femmes mariées plutôt qu’aux célibataires.

Dans le centre-ville de Santiago, Rosa Maria Ahumada, 65 ans, est venue fêter la victoire de son candidat. Ce mandat, «c’est l’opportunité de concrétiser la nouvelle Constitution» dont la rédaction a commencé en juillet, et dont Gabriel Boric est un fervent défenseur. «Et de changer notre pays, car le Chili est beaucoup trop inégalitaire», dénonce-t-elle.

Au Chili 1 % des habitants les plus riches perçoivent près de 30 % des revenus du pays. C’est l’une des raisons qui a mené au soulèvement d’octobre 2019 puis à l’élection d’une assemblée constituante cette année. Le nouveau texte doit être soumis à référendum l’an prochain et pourrait remplacer la constitution actuelle, héritée de l’ère Pinochet.

Malgré sa victoire très nette, Gabriel Boric, jusqu’ici député de Punta Arenas (en Patagonie) n’aura pas la tâche facile. Le parlement élu le mois dernier est très fragmenté. Ni la coalition allant de la droite à l’extrême droite, ni les partis de l’union de la gauche n’y ont de majorité claire. Le futur président, qui doit prendre ses fonctions le 11 mars prochain, devra donc négocier avec l’opposition pour mettre en œuvre ses réformes phares. Le jeune président risque aussi d’être attendu au tournant concernant la sécurité et l’immigration, les thèmes de campagne qui ont fait le succès de José Antonio Kast au premier tour.

Sur le plan économique aussi le futur chef de l’Etat chilien va devoir convaincre. La croissance s’annonce faible l’année prochaine, autour de 2,5 % d’après les prévisions du Fonds Monétaire International (FMI), et le budget de l’Etat sera en baisse de 22,5 % par rapport à 2021. Se sachant très attendu sur le sujet , Boric a aussi promis ce dimanche de rester «fiscalement responsables».

Gabriel Bori, lors d'un meeting à Santiago jeudi 16 décembre.

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