Matrix Resurrections signe le retour d’une saga qui a marqué durablement la pop culture. Un quatrième opus qui prend le risque de réactiver la Matrice, plus de vingt ans après le premier, alors que la machine s’est peut-être enraillée…
Vous pouvez demander à n’importe qui dans la rue, tout le monde ou presque connaît Matrix, même sans l’avoir vu. Qu’on soit fan ou non, qu’on apprécie les morceaux Reloaded et Revolutions, l’univers crée par les Wachowski est entré dans la pop culture par la grande porte. Une réputation que l’on doit surtout au premier film dont la richesse narrative et visuelle ne cesse d’impressionner, même vingt-deux ans après sa sortie. Mélangeant kung-fu et gunfights dans une ambiance cyberpunk, l’action de Matrix n’a pas pris une ride. Quant à son propos sur notre rapport au réel et à notre identité, aujourd’hui encore, il fait l’objet de débats enflammés sur le net.
Néanmoins, le succès de Matrix doit aussi à son contexte. Révolution de la téléphonie mobile, d’internet, peur du bug de l’an 2000… le long-métrage est devenu un phénomène intemporel paradoxalement parce qu’il abordait des thématiques de son époque. Et si ce premier opus n’a pas pris une ride, le monde, lui, a changé. Un monde dans lequel Matrix Resurrections ne paraît plus avoir sa place…
Toute l’ambiance de ce quatrième épisode tourne volontairement autour du déjà vu. Enfermé à nouveau dans la Matrice, Thomas Anderson, alias Neo, va devoir replonger dans le terrier du lapin blanc afin de trouver sa place entre deux réalités parallèles. Mais les Machines ont évolué…
Évidemment, on évitera de vous révéler des éléments-clés de l’intrigue puisque s’il y a une chose que Matrix demeure, même après toutes ces années, c’est d’être une expérience.
Un nouveau morceau de cinéma
Pour la première fois seule aux commandes de la licence, Lana Wachowski reste fidèle à l’esprit et aborde avec la même envie les sujets-clés avec une nouveauté majeure : le méta. Comme de nombreux blockbusters récents, Matrix 4 joue la carte de la conscience du produit, mais avec bien plus d’intelligence.
Que ce soit la signification derrière le retour de Neo ou le coup de rétroviseur brillant sur les trois épisodes précédents (que l’on vous conseille très fortement de revoir avant) via un détournement magistral de la réalité passé, la réalisatrice et scénariste donne une leçon de narration en terme de suite cinématographique. Le méta n’est pas un élément marketing, c’est une arme scénaristique qui réécrit le passé autant que le présent, jusqu’à se moquer de ses propres créations. Des attentes du public jusqu’à la réutilisation de l’effet « bullet-time » responsable de nombreuses scènes cultes, chaque code est réécrit, détourné. Plus que jamais, Matrix redevient le vecteur d’une conscience éveillée, autant de ses personnages que de lu-même.
Bug informatique
Dans l’ombre de cette justification maligne de sa résurrection, Matrix s’effondre pourtant, incapable de justifier tout le reste. Une fois l’excitation de retourner dans une Matrice lucide mise de côté, on constate un manque d’intérêt pour un enchaînement de séquences, pour la présence de nombreux personnages, dont la suppression ne changerait finalement rien au sens du film. On pourrait littéralement enlever la moitié du film, on arriverait au même point.
Au-delà des considérations philosophiques, Matrix premier du nom marquait par ses scènes d’action, sa tension, ses rebondissements ; bref, tout ce qui faisait que le film captait notre attention de bout en bout. En voulant jouant sur les reflets de son passé, Resurrections ne fait que mettre en exergue son absence totale d’ambition au-delà de son idée directrice.
À l’image du manque de générosité des scènes d’action – se préservant avant la seule séquence mémorable en moto -, Matrix 4 surprend par son manque d’impact. Débordant ostensiblement d’amour pour ses personnages, Lana Wachowski ne parvient pas à les mettre face à l’adversité, même chez les seconds rôles. Exit les tragédies et les menaces omniprésentes de la trilogie initiale, rien ne viendra gripper la machine. Et quand quelque chose pourrait mal tourner, un Deus Ex Machina remettra tout sur les rails.
Manque d’idées ou d’envie ? Lorsque l’on parle de Deus Ex Machina, tout semble pourtant bien réfléchi dès le début par une Lana Wachowski assumant ses décisions, comme pour nous convaincre que l’essentiel se trouve ailleurs. En Trinity, peut-être ? Encore faudrait-il que Carrie-Anne Moss ait plus de présence à l’écran avant de tomber dans une conclusion que l’on voit venir à des kilomètres.
C’est là l’ultime échec de ce quatrième opus. Là où la trilogie surprenait, interrogeait d’un épisode à l’autre voire d’une scène à l’autre, ce Resurrections est une ligne droite qui ressemble davantage à un Matrix qu’il en est vraiment un.
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