Aérospatial : le télescope James Webb s’envole pour l’espace

Le lancement du télescope devrait avoir lieu, samedi, depuis le Centre spatial guyanais de Kourou. Pendant au moins cinq ans, l’instrument va sonder les secrets de l’Univers et remonter aux origines des plus vieilles étoiles.

Le télescope spatial James Webb (JWST), attendu depuis trente ans par les astronomes du monde entier pour examiner l’Univers avec des moyens inégalés, devrait rejoindre samedi son poste d’observation, à 1,5 million de km de la Terre, grâce à une fusée Ariane 5.

Après le décollage depuis le Centre spatial guyanais, prévu sur une fenêtre de 32 minutes à partir de 12H20 GMT, le JWST deviendra l’instrument d’observation du cosmos le plus perfectionné jamais envoyé dans l’espace.

Avec l’ambition d’éclairer plus avant l’humanité sur deux questions qui la taraudent: « d’où venons-nous? » et « sommes-nous seuls dans l’Univers? ». Et apercevoir ainsi les lueurs de « l’aube cosmique », quand les premières galaxies ont commencé à éclairer l’Univers depuis le Big bang, il y a 13,8 milliards d’années.

Il permettra de mieux comprendre la formation des étoiles et des galaxies, et observer les exoplanètes dont les astronomes découvrent toujours plus de spécimens, pour y identifier peut-être un jour d’autres Terres.

Le James Webb va marcher dans les pas du télescope Hubble, qui a révolutionné l’observation de l’Univers: c’est grâce à lui que les scientifiques ont découvert l’existence d’un trou noir galactique au centre de toutes les galaxies, ou de vapeur d’eau autour d’exoplanètes.

Voir les premières galaxies

Imaginé par la Nasa dès le lancement de Hubble en 1990 et construit à partir de 2004, avec la collaboration des agences spatiale européenne (ESA) et canadienne (CSA), le JWST s’en distingue à plus d’un titre.

La taille de son miroir, de 6,5 mètres d’envergure, lui procure une surface et donc une sensibilité sept fois plus grande, suffisante pour détecter la signature thermique d’un bourdon sur la Lune.

Autre différence: son mode d’observation. Là où Hubble observe l’espace essentiellement dans le domaine de la lumière visible, James Webb s’aventure dans une longueur d’onde qui échappe à l’œil: l’infra-rouge proche et moyen. Un rayonnement que tout corps, astre, humain ou fleur, émet naturellement.

Cette lumière sera étudiée par quatre instruments, munis d’imageurs et de spectrographes pour mieux la disséquer. Leur développement a mobilisé une pléthore d’ingénieurs et scientifiques, sous la houlette de laboratoires et industriels américains et européens.

Grâce à cela « en regardant les mêmes objets (qu’avec Hubble), on verra de nouvelles choses », expliquait, à Paris, l’astronome Pierre Ferruit, co-responsable scientifique du télescope pour l’ESA. Par exemple les premières galaxies, des objets dont l’éloignement a fait virer leur lumière vers le rouge. Ou les jeunes colonies d’étoiles, qui grandissent masquées dans les nuages de poussière de leurs pouponnières. Ou encore l’atmosphère des exoplanètes.

La condition impérative au bon fonctionnement du JWST est une température ambiante si basse qu’elle ne trouble pas l’examen de la lumière. Hubble est en orbite à quelque 600 km au-dessus de la Terre. A cette distance, le JWST serait inutilisable, chauffé par le soleil et sa réflexion sur la Terre et la Lune.

Il va être placé à l’issue d’un voyage d’un mois à 1,5 million de km de là. Et sera protégé du rayonnement solaire par un bouclier thermique de cinq voiles souples qui dissipera la chaleur, abaissant la température (qui est de 80°) à -233 degrés côté télescope.

Eviter les contaminations

Mais avant d’en arriver là, la machine et ses concepteurs vont devoir réaliser un véritable exploit: son déploiement sans failles, avec une série d’opérations impliquant par exemple pour le seul bouclier 140 mécanismes d’ouverture, 400 poulies et presque 400 mètres de câbles.

Le télescope spatial James Webb de la Nasa, le 8 septembre 2021 au centre Northrop Grumman de Redondo Beach, en Californie (NASA/AFP - Chris GUNN)

Le télescope spatial James Webb de la Nasa, le 8 septembre 2021 au centre Northrop Grumman de Redondo Beach, en Californie 

Car l’observatoire, avec ses 12 mètres de haut et un bouclier équivalant à un court de tennis, a dû être plié pour se glisser dans la coiffe d’Ariane 5. « L’encapsulage » s’est effectué avec guidage laser pour éviter tout dommage à l’instrument, dont le développement a coûté quelque dix milliards de dollars.

Pour ces manoeuvres, la Nasa a aussi imposé des mesures draconiennes de propreté pour éviter toute contamination du miroir du télescope, par des particules ou même une haleine chargée…

Enfin, un système de dépressurisation sur mesure de la coiffe a été installé par Arianespace pour qu’à la séparation d’avec le lanceur, à 120 km d’altitude, aucun changement brutal de pression n’endommage la bête. « A client exceptionnel, mesures exceptionnelles », a expliqué jeudi un responsable de l’ESA à Kourou.

On saura après 27 minutes si la phase propulsée du vol s’est bien déroulée. Ce qui scellerait un peu plus la coopération entre la Nasa et ses partenaires européens. Pour l’espace, « une forte coopération est indispensable pour accomplir de grandes choses », ont souligné à Kourou les responsables de l’ESA et de la Nasa.

Il faudra cependant plusieurs semaines pour savoir si le télescope est prêt à fonctionner. Avec une entrée officielle en service prévue en juin.

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