Les précipitations de pluie jusqu’au mois de décembre 2021 ne sont pas aussi conséquentes que celles de 2019 et de 2020, qui se sont déjà avérées des années de sécheresse. Les prochains mois diront si cette tendance se confirme pour la troisième année consécutive, mais les spécialistes préconisent d’ores et déjà de s’y préparer.
Jusqu’au 1e décembre 2021, le taux de remplissage des barrages au Maroc a représenté une moyenne nationale de 34,6%, soit une légère baisse par rapport aux 35,6% de 2020, loin derrière les 45,7% en 2019, ou encore le taux de 62,3% enregistré en 2018. La situation journalière des principaux grands barrages du pays montre des différences en termes de valeur, en fonction des zones arides, semi-arides ou plutôt humides. Mais globalement, ce taux reste inférieur aux deux années précédentes, qui ont déjà été considérées comme des périodes de sécheresse. C’est ainsi pour la troisième année consécutive que jusqu’à décembre, le taux de remplissage global reste en dessous de la moyenne de 50%.
Les dernières pluies ont pu sauver un tant soit peu les réserves et le remplissage de quelques barrages, certes, mais c’est encore insuffisant. C’est notamment le cas pour le barrage El Mansour Eddahbi en aval de l’Oued Drâa près de Ouarzazate. Jusqu’au 1er décembre, sont taux de remplissage a été de 14,3%, loin des 23% de l’année dernière à la même date. Marrakech-Safi subit également les conséquences des périodes de sécheresse qui sont de plus en plus longues. Ainsi, le célèbre barrage de Lalla Takerkoust affiche un taux de 10,9%, tandis que celui de Yaacoub Al Mansour est à 12%.
Casablanca-Settat n’échappe plus au stress hydrique
Dans la région de Souss-Massa, la situation du barrage Abdelmoumen reste encore plus alarmante, avec un taux de remplissage de 6,6% seulement. Dans la province d’Agadir, le barrage Moulay Abdellah est à 18,1%, tandis que dans l’Oriental, le barrage Hassan II est désormais rempli à 8,9%, alors qu’il l’a été de 28,6% l’année passée. Dans la région de Beni Mellal-Khénifra, qui n’est pourtant pas la plus sèche du pays, le barrage d’Ahmed El Hansali est seulement à 10,6%, tandis que le très touristique Bin El-Ouidane à Azilal est désormais à 14,7%.
Autant dire que le phénomène ne fait plus d’exceptions entre les régions du nord et du sud, l’ensemble du territoire est désormais concerné par le stress hydrique. Non-loin de Casablanca, Al Massira, dans la province de Settat, affiche en effet le maigre taux de remplissage de 8% jusqu’au 1er décembre 2021, un peu moins que les 12% de l’année dernière. En plus des facteurs de dérèglement climatique, le développement de la population et l’intensification des activités agricoles sont aussi des facteurs dont il faut tenir compte.
C’est à l’extrême nord du pays que le taux de remplissage des barrages est le moins inquiétant, avec des valeurs de 89,9% à Chefchaouen, malgré une baisse par rapport à la même période de l’année dernière (94,8%). Le barrage de Charif Al Idrissi à Tétouan enregistre un taux de 86,4% (69,9% en 2020), Tanger-Méditerranée est à 79,7% (55,8 en 2020), Moulay Hassan Ben El Mehdi à Tétouan également est à 75% (72% en 2020), Smir à M’diq est à 83,9 (65,7 en 2020). Mais dans la même région, celui d’Ibn Battouta (Tanger) a affiché seulement 35,9 de taux de remplissage, alors qu’il était de 4% en 2020 et de 24% en 2019. Le barrage Allal El Fassi à Fès est, pour sa part, à 86,3% (88,9%).
Fouad Amraoui, professeur-chercheur en hydrogéologie à l’Université Hassan II de Casablanca, a souligné auprès de Yabiladi que justement, le Maroc fait désormais face à une problématique nationale urgente par rapport au stress hydrique, alors que la problématique est jusque-là mise en avant lorsqu’il s’agit surtout des régions connues pour le climat aride.
Egalement président de l’Association de recherche action pour le développement durable, le chercheur exprime une nouvelle fois ses inquiétudes dont il a fait part un an plut tôt, sur les problèmes d’approvisionnement en eau potable et l’insuffisance des ressources actuelles pour desservir l’ensemble des ménages 24h/24h, dans toutes les villes du pays.
Des plans d’urgence à mettre en œuvre
Début 2020, le Programme prioritaire national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation a pourtant été présenté devant le roi Mohammed VI, sous forme d’un projet sur sept ans, couvrant la période 2020-2027. Mais jusqu’au changement du gouvernement, sa mise en œuvre n’a pas été à l’ordre du jour. A la fin 2021, peu de choses ont encore avancé dans ce chantier, selon l’universitaire, qui souligne cependant que «les études de dessalement d’eau de mer à Casablanca sont en cours, de même que les études de terrain nécessaires en amont, celles sur le voisinage, la qualité de l’eau utilisée…».
Des barrages sont également en cours de construction, mais Fouad Amraoui préconise d’accélérer l’ensemble du processus, «surtout que cette année, les pluies sont insuffisantes jusqu’à présent, des zones humides se sont asséchées». «Pour ne pas avoir encore plus de difficultés d’approvisionnement en eau potable d’ici l’été, il est important que le processus soit plus rapide», a-t-il préconisé.
«Si la saison 2021-2022 s’avère à nouveau pauvre en pluie, nous aurons trois années consécutives de sécheresse, alors qu’il y a déjà un déficit à couvrir depuis l’année 2020 en termes de ressources hydriques et de taux de remplissage des barrages. Pour que le scénario soit différent, les précipitations devraient ainsi être encore plus importantes afin de couvrir les manques des deux années passées.»
Dans ce circuit, le rôle des décideurs sera crucial, rappelle Fouad Amraoui, qui souligne que «le secteur de l’agriculture est très demandeur en eau, de même que l’industrie, en plus de la consommation des ménages». Dans le même sens, il s’inquiète que les options de reconversion des cultures dans le secteur primaire afin de les réadapter à la disponibilité de l’eau «sont peu entendues pour l’instant, d’autant qu’il n’existe pas un cadre contraignant à cet effet et que nombre de nos opérateurs agricoles voient d’abord leurs intérêts économiques et la loi sur le contrôle des agricultures s’applique encore à géométrie variable, entre les grand groupes et les petits exploitants».
«Si nous n’avançons pas vers une application des réglementations à tous, il y aura le risque que nos ressources en eau ne soient plus suffisantes pour accompagner nos ambitions de développement», a-t-il alerté. La question sera donc de savoir comment les départements de tutelle gèreront l’utilisation de l’eau dans ces différents secteurs. L’universitaire conseille de renforcer les contrôles, de manière à optimiser les ressources actuelles, en attendant la concrétisation des projets de dessalement combinés à l’utilisation des énergies renouvelables.
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