Union africaine : ce qui plombe la mise en œuvre de l’Agenda 2063

A la faveur de la présidence tournante de l’Union africaine (Ua) que va assurer le chef de l’Etat sénégalais à partir de 2022, l’institution panafricaine est au cœur des débats. Ce qui n’est souvent pas le cas tant l’Ua est loin des préoccupations du citoyen africain moyen. Créée officiellement en juillet 2002 à Durban, en Afrique du Sud, l’Ua prenait le relais de l’Organisation de l’unité africaine (Oua) portée sur les fonts baptismaux par les Pères Fon­dateurs au lendemain des Indépendances.

Dans son Message à la Nation à l’occasion du Nouvel An, le Président Macky Sall a rappelé que l’année qui s’annonce, ver­ra notre pays assurer la présidence en exercice de l’Union Afri­caine. «C’est un honneur pour le Sénégal ; mais surtout une responsabilité que nous assumerons en ayant à cœur la défense des intérêts de notre continent, dans l’esprit panafricaniste qui a toujours animé notre diplomatie», a-t-il assuré.

Invité à décliner sa feuille de route à la tête de l’organisation continentale, aux Rencontres économiques d’Aix-en-Pro­vence (France) organisées en juillet 2021 par le Cercle des Economistes, il avait évoqué, entre autres, «le combat sur la juste rémunération de nos ressources, particulièrement les ressources naturelles, pétrolières, la lancinante question des contrats pétroliers, miniers qui ont été conclus souvent avec la législation d’une autre époque, mais qui ont été imposées aux pays africains». «Il va falloir revenir sur tout cela comme d’ailleurs le G7 et le G20 ont eu le courage de revenir sur la question de la fiscalité des multinationales, faire en sorte qu’il y ait une solidarité internationale», avait-il ajouté. Le chef de l’Etat sénégalais avait également évoqué la question de la justice fiscale. «Et surtout si l’impôt est payé là où la richesse est produite, l’Afrique n’a pas besoin d’aide», avait-il mar­telé.

L’Ua, c’est la promesse de plus de sécurité, de croissance et de développement, s’inscrivant dans la vision «d’une Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale». Ces aspirations ont été déclinées à travers l’Agenda 2063 qui prône «une Afrique prospère fondée sur la croissance inclusive et le développement durable ; une Afrique de bonne gouvernance, de démocratie, de respect des droits de l’Homme, de justice et d’Etat de droit ; une Afrique vivant dans la paix et dans la sécurité ; une Afrique qui agit en tant qu’acteur et partenaire fort, uni et influent sur la scène mondiale».

Ces dernières années ont été marquées par le lancement symbolique du Passeport africain, qui postule une citoyenneté africaine et la libre circulation des biens et des personnes, la réforme Paul Kagamé pour une indépendance financière de l’organisation alors qu’elle était tributaire à près de 80% de l’aide étrangère pour son fonctionnement. Pour être en mesure de financer ses activités et programmes en toute indépendance, les chefs d’Etat et de gouvernement ont accepté la mise en œuvre du prélèvement de 0,2% sur les importations admissibles. Toujours, dans la corbeille des avancées, il y a l’entrée en vigueur de la Zone de libre échange africaine. La Zleca peut être la plus grande zone de libre-échange au monde avec un marché potentiel de 1,2 milliard de personnes avec un Pib de 2500 milliards de dollars. Elle ouvre la porte à l’expansion des échanges, à la transformation structurelle, à l’emploi, à la production et à la réduction de la pauvreté sur le continent.

Mais, faut-il reconnaître que les objectifs sont loin d’être atteints. Pour bon nombre d’africains, l’Ua se résume à la grande messe annuelle du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, à son Conseil de paix et sécurité réduit à condamner les coups d’Etat et à prononcer la suspension temporaire des pays où ces putschs ont été commis. S’y ajoute cette forte perception que le continent est à la remorque des agendas d’autres puissances comme pourrait l’illustrer la tenue des sommets Afrique-Ue, Afrique-France, Afrique-Ro­yaume Uni, Afrique-Russie, Afrique-Chine, Afrique-Japon, Afrique-Turquie… Or, au re­gard de sa force économique et pour plus de crédibilité, le continent devrait plutôt traiter avec de grands ensembles et non les Etats pris individuellement.

La mise en œuvre de l’Agenda panafricain est limitée par l’instabilité qui secoue le continent malgré ses nombreuses richesses. Même le pays siège de l’Ua, n’est pas épargné. Depuis des mois, le pouvoir central éthiopien lutte contre le Front de libération du Tigré, obligeant le Premier ministre, Aby Ahmed, Prix Nobel de la paix, à reprendre ses habits de soldat pour mener la contre-offensive. Plus préoccupant de nos jours, le terrorisme menace l’existence de certains Etats. Il y a aussi que la démocratie connaît un net recul dans des pays qui forçaient le respect, sans oublier cette la problématique du troisième mandat, source d’instabilité dans plusieurs pays.

Ces crises multiples, du Nord au Sud, d’Est en Ouest, transforment finalement un président en exercice de l’Ua en sapeur-pompier, avec son bâton de pèlerin pour tenter d’éteindre les braises ici et là. Ce qui retarde la mise en œuvre de l’Agenda 2063 dont les «résultats» escomptés sont «une amélioration de la qualité de vie, des économies transformées, inclusives et durables, une Afrique intégrée, une autonomisation des femmes, des jeunes et des enfants et une Afrique centrée sur la culture, bien gouvernée, pacifique» dans un contexte mondial marqué par la persistance de la pandémie du Covid-19 qui appelle encore à plus de solidarité.

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