L’ordre néocolonial français est encore maintenu partout dans les anciennes colonies d’Afrique. Mais l’ère de la Françafrique triomphante s’achève
La France est le seul colonisateur qui tente encore de maintenir son contrôle militaire, financier et culturel sur ses anciennes colonies.
Toutes les puissances européennes, des Pays-Bas, à la Grande Bretagne, au Portugal, à Allemagne et à Espagne, se sont retirés depuis longtemps de leurs anciennes colonies contraints et forcés, il est vrai par les armes ou par des soulèvements pacifiques. La France seule continue encore de sévir partout
En Afrique, plus de 60 ans après « les indépendances », son emprise reste quasiment intacte sur les territoires qu’elle a conquis au XIXème siècle à l’issue de sanglantes guerres.
On sait comment en application de la « vision stratégique gaullienne », la décolonisation de l’Afrique a procédé, pour que rien ne change quant à l’essentiel, en « accordant l’indépendance à ceux qui la réclamaient le moins, après avoir éliminé politiquement et militairement ceux qui la réclamaient avec le plus d’intransigeance », selon le mot du Premier ministre sous George Pompidou, ancien Haut-commissaire au Cameroun, Pierre Messmer.
« Ceux qui réclamaient l’indépendance le moins » ont donc été installés dans toutes les colonies françaises d’Afrique, de Dakar à Djibouti, de Brazzaville à Lomé et à Bangui et des « accords de coopération militaires et monétaires » signés avec eux à la fois pour les « sécuriser » et pour créer et maintenir le Franc CFA, moyen d’arrimage de l’économie des pays à la France et à l’Europe.
Leurs héritiers sont encore au pouvoir dans plusieurs pays francophones sous le parapluie de la France.
« Ceux qui réclamaient avec le plus d’intransigeance » l’indépendance ont pour leur part été éliminés politiquement ou physiquement.
Ils sont légion : Mamadou Dia au Sénégal, Djibo Bakary au Niger, Victor Biaka Boda en Côte d’Ivoire, Modibo Keita au Mali, Thomas Sankara au Burkina Faso, Sylvanus Olympio au Togo, Bathélémy Boganda en Centrafrique, Ruben Um Nyobé et Félix Roland Moumié au Cameroun.
Au prix donc d’interventions militaires successives, de l’élimination des leaders politiques indépendantistes partout et aussi d’un système de corruption systématique, l’ordre néocolonial français est encore maintenu partout dans les anciennes colonies d’Afrique.
Le quotidien français Le Monde indiquait en 2010 que pas moins de 50 interventions de l’armée française en Afrique, ont été effectuées date depuis 1960. On en serait a au moins 55 en 2021.
Mais l’ère de la Françafrique triomphante s’achève visiblement. A preuve, la mobilisation quasi permanente désormais de la jeunesse africaine de Dakar à Niamey contre la France, la Définir l’image mise en avantguerre ouverte de l’intelligentsia et la société civile contre le FCFA et la dénonciation de l’intervention militaire française dans « la guerre contre le terrorisme » par les nouvelles autorités du Mali.
A preuve, le récent blocage des convois militaires français au Burkina Faso et au Niger. La défiance voire l’hostilité des jeunes africains à l’égard de la France n’épargne plus aucun pays de l’ancien « pré carré français en Afrique ».
Après les colonies esclavagistes, les DROM et les COM
Ailleurs, de la Martinique à la Guadeloupe et à la Nouvelle Calédonie la défiance envers la France est tout aussi ouverte. On a voulu faire croire aux habitants de ces territoires qu’ils étaient devenus des Français à part entière en leur conférant les statuts de Départements ou Régions français d’Outre-Mer (DROM) et Collectivités d’Outre-Mer (COM), Mais la fausse conscience de « Français comme les autres » qu’on a voulu créer ne pouvait prospérer face à la réalité de la domination politique et économique et au racisme quotidien. Toutes choses que le scandale du pesticide ultra-toxique du chlordane en Martinique a révélées au grand jour.
Le chlordane reconnu comme perturbateur endocrinien (qui interfère avec le système hormonal), comme neurotoxique, reprotoxique (pouvant altérer la fertilité) et classé comme cancérogène par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 1979, a continué à être utilisé en Martinique et en Guadeloupe jusqu’en 1993, contaminant les sols pour des siècles. Le scandale du chlordane est d’ailleurs l’une des causes, avec l’inégalité sociale renforcée par la crise sanitaire, le chômage des jeunes, les conditions de vie et la baisse du pouvoir d’achat des violents soulèvements populaires que la Guadeloupe et la Martinique ont connu en novembre dernier.
Si bien que le gouvernement français saisi de panique a dû proposer l’autonomie à la Guadeloupe, en même temps qu’il renforçait son corps expéditionnaire.
Il s’agissait en réalité de gagner du temps, comme les gouvernements français successifs l’ont fait face au Front de Libération Kanak Socialiste (FLKS) qui réclame l’indépendance de la Nouvelle Calédonie depuis au moins les années 1980. La Nouvelle Calédonie est pourtant inscrite par l’ONU dans sa liste des territoires à décoloniser depuis 1947.
Après avoir louvoyé après la signature en 1988 d’un accord pour un référendum sur l’indépendance, le gouvernement du président Emmanuel Macron a imposé la tenue du référendum du 12 décembre 2021 malgré la demande de report du FLKS, face à la période de deuil que le peuple Kanak observait en cette période du fait de l’épidémie particulièrement meurtrière du Covid-19.
Le FLKS a dû dès lors appeler au boycott du référendum. Mais malgré l’abstention massive des populations Kanak, le gouvernement français proclamera quand même la victoire du Non à l’indépendance.
On ne peut s’empêcher de se rappeler du référendum du 28 septembre 1958 en Afrique à l’issue duquel on imposa par la répression, la corruption et l’intimidation (partout sauf en Guinée) le rejet de l’option à l’indépendance et le plébiscite en faveur de la communauté afro africaine,
On connait la suite…
Tout comme en Afrique naguère, l’indépendance de la Nouvelle Calédonie est en fait irréversible.
Car le colonialisme français devra bien mourir, en Afrique, comme en Nouvelle Calédonie, en Martinique, en Guadeloupe et ailleurs.