Les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni et la Norvège ont exhorté mardi 4 janvier les militaires soudanais à ne pas nommer unilatéralement un Premier ministre en remplacement du civil Abdallah Hamdok qui a démissionné dimanche. Des déclarations qui surviennent après nouvelle journée de manifestations contre le régime militaire.
Ces pays préviennent dans une déclaration commune qu’ils « ne soutiendront pas un Premier ministre ou un gouvernement nommé sans l’implication d’un grand panel d’acteurs civils ». « Toute action unilatérale pour nommer un nouveau Premier ministre ou gouvernement saperait la crédibilité » des institutions de transition « et risquerait de plonger le pays dans un conflit », ont-ils ajouté, appelant à un « dialogue immédiat mené par les Soudanais et facilité par la communauté internationale ».
Pour ces pays, la démission d’Abdallah Hamdok, « deux mois après la prise inconstitutionnelle du pouvoir par l’armée, renforce la nécessité urgente de voir tous les dirigeants soudanais réaffirmer leur soutien à la transition démocratique ». « Cela doit rester une transition dirigée par les civils, pas juste une transition qui inclut des civils », a renchéri le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price lors d’une conférence de presse téléphonique.
Les pays signataires appellent donc à un « dialogue immédiat », « mené par les Soudanais » et « facilité par la communauté internationale », précise notre correspondante dans la région, Florence Morice. Ils mettent en garde l’armée soudanaise, promettant qu’en « l’absence de progrès » ils risquent « d’accélérer les efforts pour que les acteurs qui font obstacle au processus démocratique rendent des comptes ». Le département d’État américain va encore plus loin. Il se dit prêt à examiner « toutes les options », laissant ainsi planer la menace de sanctions.
Les puissances occidentales continuent de défendre la transition démocratique lancée en 2019 après la chute de l’autocrate Omar el-Béchir sous la pression d’une révolte populaire. Mais celle-ci est de plus en plus menacée depuis le putsch mené le 25 octobre dernier par les militaires, qui avaient arrêté le Premier ministre avant de le remettre en selle face à l’insistance de la rue et de la communauté internationale.
Le mouvement de protestation a qualifié cette entente de « trahison » et poursuivi ses manifestations, ce qui a finalement poussé Abdallah Hamdok à jeter l’éponge dimanche dernier. 48 heures après sa démission, les manifestants ne décolèrent pas et jurent de poursuivre la contestation.
« La démission du Premier ministre nous a galvanisés »
Mardi, ils étaient plusieurs milliers à être descendus dans les rues de la capitale, des petits cortèges dans différents quartiers, le centre-ville de Khartoum étant totalement bouclé par les forces de sécurité. Et Les ponts reliant Khartoum à Oumdourman – ville jumelle de la capitale – fermés, empêchant les manifestants de converger vers le QG de l’armée.
Mais la détermination des manifestants reste intacte assure Dallia, une jeune activiste. « La démission du Premier ministre nous a galvanisés pour continuer, car maintenant toute notre attention est concentrée sur l’armée. Auparavant certains appelait à la démission d’Hamdok, maintenant nous parlons d’une voix pour exiger un gouvernement civil. Sa démission aura peut-être servi à unifier l’opposition plus que jamais. »
Les manifestants réclament la dissolution du Conseil souverain dirigé par le chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhan. Celui-ci veut probablement installer son propre Premier ministre estime la politologue Kholood Khair, mais cela ne marchera pas ajoute-t-elle.
« Maintenant que nous sommes à nouveau dans une logique de révolution, comment faisons-nous pour avancer. Le plus raisonnable serait un dialogue national qui réunirait tous les acteurs, mais pour cela il va falloir beaucoup travailler pour rétablir la confiance. Car avec toute cette violence cela va être très dur pour les civils et les militaires de s’assoir ensemble à la même table. »
Une tâche d’autant plus difficile que les comités de résistance qui sont au cœur de la contestation ont juré de ne pas négocier avec les militaires.
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