Responsables russes et américains vont tenter, à partir de ce lundi 10 janvier, de désamorcer la crise majeure qui s’est nouée alors que la Russie a massé plusieurs dizaines de milliers de soldats à la frontière ukrainienne. Les Ukrainiens, en première ligne, sont les grands absents de ces négociations au sommet alors qu’en cas d’échec des pourparlers ils pourraient en subir les premières conséquences.
Tous les yeux vont se porter sur Genève, où commencent ce lundi 10 janvier des pourparlers sous haute tension entre responsables russes et américains. Les deux pays vont tenter de désamorcer la crise majeure qui s’est nouée entre le Kremlin et les Occidentaux, alors que la Russie a massé plusieurs dizaines de milliers de soldats à la frontière ukrainienne et que Moscou demande aux États-Unis de renégocier l’architecture de sécurité en Europe orientale, en gelant par traité toute extension future de l’Otan, ce qui reviendrait à créer de nouvelles sphères d’influences en Europe.
Les Ukrainiens et l’Union européenne hors jeu
En première ligne de cette crise, il y a donc l’Ukraine, de nouveau menacée par l’armée russe, après sept ans de guerre dans le Donbass. Mais la Russie a pris l’initiative d’écarter des discussions aussi bien les Ukrainiens que l’Union européenne.
Pourquoi ? Parce que l’enjeu est double : il s’agit de remettre à plat les équilibres sécuritaires en Europe de l’Est, et pour Moscou, il n’y a qu’un seul interlocuteur envisageable, les États-Unis d’Amérique. Par ailleurs, depuis le début de la guerre dans le Donbass en 2014, le processus de Minsk est au point mort, et le Kremlin considère que les Européens et les Ukrainiens ne sont plus des interlocuteurs crédibles.
Or, Vladimir Poutine a placé la barre très haut : il s’agit de geler toute aspiration euro-atlantique de l’Ukraine, mais aussi de neutraliser l’Otan aux abords de la Russie. Ce qui est une affaire qui se joue entre grandes puissances.
Silence radio du président Volodymyr Zelensky
À Kiev, qu’attend-on de ces rencontres à Genève ? C’est très difficile de le savoir. Depuis dix jours, du côté de l’exécutif ukrainien, c’est silence radio. Certes, le ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, martèle la doctrine ukrainienne, qui tient en une phrase : « Pas d’accord sur l’Ukraine, sans l’Ukraine. »
Mais ce qui est très troublant, c’est le silence total de Volodymyr Zelensky. Lors de ses vœux de Nouvel an, le président n’a pas évoqué une seule fois les tensions en cours. Résultat, les Ukrainiens sont dans le flou complet.
Le risque d’une guerre majeure est-il réel ? Quelle est la stratégie de l’État pour y faire face ? Doit-on d’ores et déjà se mobiliser ? Au lendemain des fêtes de Noël, on perçoit beaucoup d’incompréhension et de fatalisme. À vrai dire, même avec une marge de manœuvre réduite, le gouvernement Zelensky n’est pas à la hauteur des enjeux, et en cas d’échec des négociations, les Ukrainiens risquent d’être livrés à eux-mêmes et aux intentions du Kremlin.
► L’Europe tente de reprendre la main
L’Europe essaye de ne pas être reléguée à un second rôle sur un dossier qui la concerne directement. Ce mercredi une rencontre a lieu à Bruxelles entre représentants russes et de l’Otan avant une rencontre jeudi à Vienne avec l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.
Une semaine diplomatique intense qui s’achèvera par un sommet de deux jours à Brest dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Ce sommet réunira tous les ministres européens des Affaires étrangères qui aborderont des questions de sécurité d’importance stratégique pour l’Union européenne, notamment l’Ukraine.
L’occasion pour les Européens de rappeler qu’il ne peut y avoir de solution dans cette région sans que l’Europe n’y participe, comme l’a expliqué vendredi dernier la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Aucun signe de désescalade de la situation de la part de la Russie, a déclaré le vice-ministre lituanien des Affaires étrangères après une réunion de l’Otan, rapporte notre correspondante à Vilnius, Marielle Vitureau. Sachant que la Russie n’a jamais accepté la sortie de la Lituanie, de la Lettonie et de l’Estonie de son orbite il y a 30 ans, les trois pays craignent toujours pour leur sécurité, tant à leur frontière avec la Russie, qu’avec la Biélorussie. Les deux pays sont totalement intégrés d’un point de vue militaire. L’engagement des Baltes pour la démocratie pour des pays que Moscou veut conserver dans sa sphère d’influence les rend aussi vulnérables.
Il n’y a donc qu’une réponse à apporter : renforcer la dissuasion et les moyens de défense collective. Pour aller plus loin, les trois ministres de la Défense se sont mis d’accord pour procéder à l’acquisition commune d’un système de missiles de défense.
Le soutien à l’Ukraine est aussi essentiel, notamment dans le cadre du partenariat oriental de l’Union européenne. Mais les dirigeants lituaniens qui ont fait de récents déplacements à Kiev sont même décidés à lui fournir des armes létales pour sa défense.
Varsovie veut des pourparlers plus inclusifs
En Pologne aussi, très méfiante vis-à-vis de la Russie, les pourparlers de Genève seront scrutés de près. Varsovie l’a répété à plusieurs reprises : il faut répondre de manière coordonnée à Moscou. Vendredi, le ministre des Affaires étrangères polonais appelait à maintenir l’unité de l’Otan et à réagir face aux actions russes, explique notre correspondante à Varsovie, Sarah Bakaloglou. Zbigniew Rau a également tenu à souligner que le lieu approprié pour des discussions sur la sécurité en Europe était l’OSCE, dont « tous les membres sont des pays touchés par la situation actuelle », dont l’Ukraine. L’OSCE est présidée par la Pologne depuis le 1er janvier.
Un signe sans doute de la volonté de Varsovie que ces discussions se déroulent de manière inclusive et dans un cadre multilatéral. La situation en Ukraine est surveillée de près par Varsovie qui perçoit la Russie comme une menace : la Pologne pousse notamment pour que le projet de gazoduc Nord Stream 2, qui doit relier la Russie à l’Allemagne, soit abandonné, mettant en garde contre une trop grande dépendance face à Moscou et soulignant les risques pour la sécurité de l’Ukraine et de déstabilisation du flanc oriental de l’Otan.
En tout cas, vendredi, le chargé d’affaire américain à Varsovie s’est montré rassurant : les États-Unis n’envisagent pas de retirer les soldats américains des pays d’Europe de l’Est, a-t-il assuré, réaffirmant les liens du pays avec ses alliés de l’Otan.
rfi
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