Plusieurs articles rapportent que des dizaines de « co-infections Omicron et Delta » auraient été recensées à Chypre. Les experts sont assez sceptiques et privilégient un mélange accidentel d’échantillons, comme cela se produit « assez souvent ».
Ce que vous avez peut-être lu ou entendu
Tout est parti d’articles dans la presse chypriote, en fin de semaine dernière. « Il existe actuellement des co-infections Omicron et Delta et nous avons trouvé cette souche qui est une combinaison des deux », a notamment indiqué à Sigma TV Leondios Kostrikis, professeur de sciences biologiques à l’Université de Chypre et chef du Laboratoire de biotechnologie et de virologie moléculaire, repris ensuite par l’agence Bloomberg. Le virus en question contiendrait à la fois des mutations de Delta, et d’autres d’Omicron. 25 cas de « Deltacron » au total ont été identifiés, dont 11 patients hospitalisés, selon le Cyprus Mail.
Ce qu’en disent les experts
Les chercheurs qui y ont accès observent que ces prélèvements « ne se regroupent pas sur un arbre phylogénétique », selon Tom Peacock, virologue à l’Imperial College de Londres. Autrement dit, ils n’ont pas les mêmes liens de parenté. Il ne s’agirait donc pas d’un nouveau variant, mais plutôt d’une série de contaminations accidentelles à partir de différents échantillons d’Omicron.
Finally its worth adding… much of what we understand about what makes Delta more transmissible/infectious, Omicron already possess – its currently unclear to me what Omicron could have to gain from Delta (with what we currently know at least)
— Tom Peacock (@PeacockFlu) December 21, 2021
L’explication pourrait venir d’une sorte de « mélange » entre plusieurs prélèvements en laboratoire. « Mélanger potentiellement de petites quantités (…) dans les laboratoires de séquençage – ce qui donne alors l’impression que le virus s’est mélangé en vie réelle – arrive assez souvent car de minuscules volumes peuvent entraîner ce problème », a indiqué Tom Peacock. Les 25 cas dont il est question pourraient ainsi avoir été séquencés le même jour au même endroit.
« L’analyse de Tom Peacock est très bonne. La distribution dans l’arbre de ces séquences est révélatrice, et ces problèmes de séquençage sont très fréquents, y compris avec Omicron », nous confirme Etienne Simon-Lorière, responsable de l’unité de génomique évolutive des virus à ARN à l’Institut Pasteur. Interrogé ce lundi matin sur RMC, le Pr Arnaud Fontanet a lui aussi « écarté » l’hypothèse d’un nouveau variant. Cependant, Leonidos Kostrikis a maintenu sa version dans un communiqué envoyé à Bloomberg dimanche soir.
En attendant d’y voir plus clair, l’émergence de véritables recombinants est quelque chose de tout à fait possible, depuis près d’un an. Cela peut survenir lorsque deux virus infectent la même cellule, et l’on se retrouve avec « le produit du croisement de deux virus parentaux », nous indiquait en mars dernier Vincent Maréchal, professeur de virologie à Sorbonne-Université. Un lignage recombinant entre les variants Alpha et Delta avait, par exemple, été identifié au Japon il y a quelques mois.
leparisien