Le rap français au-delà de ses clichés

Tôle ondulée, rideaux métalliques, graffitis, images de rue? Sous sa butte d’aluminium, la Philharmonie de Paris célèbre le hip-hop français, apparu il y a quarante ans et devenu le genre musical le plus populaire du pays. Un casque à la main, on se branche dans des wagons de métro tagués où résonnent des beats bien huilés. Le hip-hop, né dans les quartiers noirs de New York, provoque un raz-de-marée à son arrivée en France au début des années 1980. On écoute sur des ghettoblasters les rimes de NTM, MC Solaar? Le rap est partout. Même Madonna fait une apparition sur le plateau de H.I.P. H.O.P, l’émission télévisée de Sidney. Pourtant, le rap n’a pas toujours bonne presse et fait souvent l’objet d’un grand malentendu.

  • Le hip-hop n’est pas de l’art

Le hip-hop est un art de rue qui envahit vite les ondes, mais aussi les murs de la ville, les vêtements que l’on porte. C’est un mouvement total, il transforme la danse, les arts plastiques, la musique, la mode? Une révolution de son, de couleurs, de gestes. Avec lui apparaît le breakdance, dont les figures décomposant le corps imprègnent aujourd’hui la danse contemporaine. Ses danseurs d’une agilité inouïe sautent et glissent sur le bitume au rythme des beatmakers et des bombes de peinture. En admirant les graffitis sur les murs de la ville, dans les tunnels du métro, en haut des immeubles, dans les friches industrielles abandonnées, il est difficile d’imaginer qu’aucune de ses ?uvres faites nécessairement à la hâte n’est laissée au hasard. Les traits de cette savante calligraphie sont reconnaissables, dans le carnet aussi bien que sur les murs, au crayon comme à la bombe de peinture. Tags aux courbes et aux lignes complexes colorant la ville et contribuant à son identité, les graffitis ont un vocabulaire unique, tracé par les pionniers Ash2, Jay One(du collectif Bad Boys Crew ? BBC), Darco, Gawki (du collectif FBI)? Ces vandales de l’art et kamikazes affrontent les forces de l’ordre et contemplent l’érosion du temps juste pour le plaisir de voir leur nom sur les murs de la ville. Ce bouleversement culturel va aussi impacter durablement les vestiaires cool : vestes en jean, doudounes, pulls à capuche, baskets, chaînes en or, bagues, casquettes, bobs, survêtements? L’uniforme du rap a fait son chemin dans tous les placards.

  • Le rap est vulgaire

Oui, quelques rappeurs choquent parfois par leurs paroles misogynes, homophobes et grossières. « Le rap est une musique qui permet de s’encanailler », nous a récemment confié Gaël Faye. « Je vois autour de moi des féministes qui aiment chanter des textes misogynes parce que la forme est rutilante. Moi, je ne suis jamais allé sur ce terrain, car je rappe sous mon vrai nom et voulais dès le début parler de ma vie et m’adresser à ma famille, mes amis, sans me cacher. »

Car le rap est loin de se limiter à l’obscénité. Pour mettre son adversaire KO, l’attitude est centrale pour le rappeur, aussi bien dans son apparence que dans son aptitude à dompter les mots et leur flow. Une dextérité de langue unique, poétique, pratiquée dans des battles de freestyles, et dont l’issue seule est la meilleure punchline, le meilleur bon mot.

  • C’est un genre musical pauvre

Prenant ses racines dans une multitude de courants (funk, disco, new wave?), le hip-hop est un des genres les plus savants de la musique populaire. Les samples sont finement repérés dans des magasins de disques ou des films, isolés, échantillonnés, coupés et mis en boucle par des beatmakers. Au détour d’un couloir de l’exposition, le spectateur apprend à décomposer un son, à créer un sample, à ajouter des effets (kick, snared charley ou fx), bref à composer. Car l’histoire du rap est aussi une histoire de la technologie. L’apparition de nouvelles tables de mixage et sampleurs fait naître de nouveaux sons. Les influences s’élargissent, les sous-genres aussi, preuve que le hip-hop est riche, créatif et prolifique. Yo !

lepoint

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