Le Syrien Anwar Raslan a été reconnu coupable de la mort de prisonniers et de la torture de milliers d’autres dans un centre de détention secret du pouvoir syrien. Il s’agit du premier procès au monde lié aux exactions attribuées au régime de Bachar Al-Assad. C’est un procès historique. Un ancien colonel des services de renseignement syrien a été condamné, jeudi 13 janvier, par la justice allemande à la prison à vie pour crimes contre l’humanité dans le cadre du premier procès au monde lié aux exactions attribuées au régime de Bachar Al-Assad.
La Haute Cour régionale de Coblence a reconnu coupable le Syrien Anwar Raslan, 58 ans, de la mort de prisonniers et de la torture de milliers d’autres dans un centre de détention secret du pouvoir à Damas, entre 2011 et 2012. Les juges ont retenu la culpabilité de l’ex-haut gradé pour le meurtre de 27 personnes dans le centre de détention d’Al-Khatib, dit aussi « branche 251 ».
Il s’agit de la deuxième condamnation dans ce procès après celle, en février 2021, d’un ancien agent moins gradé du renseignement syrien, Eyad Al-Gharib, un ancien membre de ces services de renseignement. « C’est vraiment historique ! », a commenté le directeur exécutif de l’ONG Human Rights Watch, Kenneth Roth, à l’issue de ce premier procès au monde lié aux exactions attribuées au régime de Bachar Al-Assad.
Anwar Raslan resté muet tout le long du procès
Près de onze ans après le début du soulèvement populaire en Syrie, l’audience qui s’achève était la première à examiner les crimes imputés au régime syrien et maintes fois documentés par des activistes syriens et des ONG. L’Allemagne applique le principe juridique de la compétence universelle, qui permet à un Etat de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, quels que soient leur nationalité et l’endroit où ils ont été commis.
En 2016, une commission d’enquête de l’Organisation des Nations unies (ONU) avait accusé le régime Assad d’« exterminer » des détenus. Anwar Raslan, qui dirigeait le service des enquêtes de la branche 251 du tentaculaire appareil de sécurité syrien, est resté muet tout au long de ce procès-fleuve débuté le 23 avril 2020.
En mai 2020, ses avocats avaient toutefois lu une déclaration écrite dans laquelle l’ancien officier niait son implication présumée dans la mort et la torture de détenus. Une affirmation qu’il a répétée au début de janvier, par la lecture d’une nouvelle déclaration par son interprète, avant que la Cour se retire pour délibérer.
Près de 80 témoins à la barre
Au moins une douzaine de victimes ont assisté au verdict. Des familles syriennes s’étaient rassemblées en tout début de matinée devant le tribunal, tenant des banderoles et des affiches demandant « Où sont-ils ? », en référence à leurs frères et sœurs disparus dans les centres de détention syriens.
Plus de 80 témoins ont défilé à la barre, dont douze déserteurs et de nombreuses victimes, qui ont exposé les sévices endurés dans des cellules insalubres et bondées de ce centre de détention secret : électrochocs, coups de pied et de câble, etc. Certains témoins ont néanmoins refusé de se présenter, d’autres ont été entendus le visage dissimulé ou coiffés d’une perruque par crainte de représailles sur leurs proches toujours en Syrie.
Pour la première fois, des photos de « César » ont été présentées dans un tribunal. Cet ex-photographe militaire a exfiltré au péril de sa vie plus de 50 000 clichés montrant des milliers de détenus morts suppliciés. Un autre Syrien a également témoigné des fosses communes dans lesquelles les cadavres des détenus morts étaient enfouis.
Dans son réquisitoire, le procureur, qui avait évoqué la responsabilité historique de l’Allemagne, a cité un survivant de la Shoah. Le conflit en Syrie a fait près de 500 000 morts et poussé 6,6 millions de personnes à l’exil à l’étranger.
Le Monde
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